Il l’a d’abord aimĂ©e passionnĂ©ment, alors qu’elle le repoussait. Puis elle l’a adorĂ©, peut-ĂȘtre trop tard, puisqu’il ne pensait dĂ©jĂ qu’Ă son empire… et Ă d’autres femmes. MalgrĂ© leur histoire tumultueuse, NapolĂ©on et JosĂ©phine restent l’un des couples mythiques de l’Histoire.
Leur amour a certainement participĂ© Ă la lĂ©gende napolĂ©onienne, qui, 200 ans aprĂšs la mort de l’empereur, est toujours aussi vive. NapolĂ©on Bonaparte n’est pas encore sacrĂ©, quand il rencontre pour la premiĂšre fois Marie-JosĂšphe-Rose de Tascher de La Pagerie, qui ne s’appelle pas alors JosĂ©phine. Il a 26 ans, est un jeune gĂ©nĂ©ral en vue et ambitieux, mais peu hardi avec les femmes. Elle en a 32, veuve, deux enfants, et multiplie les amants. Lui tombe fou amoureux dĂšs le premier instant, alors qu’elle se montre plutĂŽt indiffĂ©rente. Il faut dire que Rose – ainsi se fait-elle prĂ©nommer – apprĂ©cie les liaisons follement charnelles. Alors que l’on dit que NapolĂ©on, qui accumule pourtant les victoires sur les champs de bataille, n’est pas des plus glorieux au lit… Il a peu d’expĂ©riences, mis Ă part avec quelques prostituĂ©es au Palais-Royal, et son amour de jeunesse, DĂ©sirĂ©e Clary, dont il se vante goujatement d’avoir pris le pucelage. De son cĂŽtĂ©, Rose de Beauharnais, originaire de Martinique, dĂ©gage une sensualitĂ© qui a fait sa rĂ©putation dans tout Paris, oĂč la bonne sociĂ©tĂ© est alors fĂ©rue d'exotisme.
En 1779, Ă l’Ăąge de seize ans, Marie-JosĂšphe-Rose de Tascher de La Pagerie a donc Ă©tĂ© mariĂ©e Ă un vicomte, Alexandre de Beauharnais, qui lui donna deux enfants, mais qu’elle n’a jamais aimĂ©. Coureur de jupons invĂ©tĂ©rĂ©, il ne cache mĂȘme pas Ă son Ă©pouse ses nombreuses infidĂ©litĂ©s. Alexandre est un tel casanova, qu’il aurait inspirĂ© Choderlos de Laclos pour le personnage du rouĂ© vicomte de Valmont des Liaisons dangereuses. Une reconnaissance littĂ©raire qui flatte le principal intĂ©ressĂ©, mais dont Rose, elle, se serait bien passĂ©.
Durant la RĂ©volution, Alexandre de Beauharnais est exĂ©cutĂ©, mais son Ă©pouse Ă©chappe de peu Ă l'Ă©chafaud. Elle jouit alors de sa libertĂ© nouvelle, butinant Ă droite et Ă gauche, profitant de ce libertinage que lui a finalement enseignĂ© son ancien mari. Parmi ses nombreux prĂ©tendants, elle compte le dĂ©putĂ© Paul Barras, figure forte du Directoire. C’est lui qui lui prĂ©sentera le jeune NapolĂ©on, et la convaincra de l’Ă©pouser. Le mariage aura lieu le 9 mars 1796, cinq mois aprĂšs leur rencontre.
Au dĂ©part, Rose Ă©tait rĂ©ticente Ă cette idĂ©e. Mais aprĂšs tout, pourquoi pas ? Elle a besoin d’une sĂ©curitĂ© financiĂšre, et l’on prĂ©sage un avenir brillant au gĂ©nĂ©ral NapolĂ©on. Aussi, il est le plus souvent absent, appelĂ© Ă conquĂ©rir l’Europe. Elle profite d’ailleurs de sa campagne d’Italie pour tomber dans les bras d’un autre jeune homme, Louis-Hippolyte Charles, capitaine de hussards, plus adroit dans l’art d’aimer que dans celui de la guerre. Contrairement Ă son mari. Depuis son bivouac, NapolĂ©on envoie des lettres enflammĂ©es Ă sa JosĂ©phine (c’est ainsi qu’il l’appelle dĂ©sormais). « Ne sais-tu pas que sans toi, sans ton cĆur, sans ton amour, il n’est pour ton mari ni bonheur, ni vie ? Bon dieu, que je serais heureux si je pouvais assister Ă l’aimable toilette. Une petite Ă©paule, un petit sein blanc, Ă©lastique, bien ferme. Je lui donne mille baisers. Baisers Ă la bouche, aux yeux, sur l’Ă©paule, au sein, partout », peut-on lire dans l’une d’entre elles. Les rĂ©ponses de JosĂ©phine sont, quant Ă elles, beaucoup plus froides…
NapolĂ©on insiste pour que sa compagne vienne le visiter Ă Milan. Elle finit par accepter, Ă condition de venir accompagnĂ©e de… Louis-Hippolyte Charles. Le mari trompĂ© semble ĂȘtre le seul Ă ne pas voir l’infidĂ©litĂ© qui se joue sous son nez. Il ne comprendra que plus tard, grĂące Ă quelques amis de confiance, la double vie que mĂšne sa femme, et rentrera Ă Paris pour la menacer de divorcer. Mettant devant ses yeux ses deux enfants, EugĂšne et Hortense, dont NapolĂ©on n’est pas le pĂšre mais auquel il est dĂ©jĂ attachĂ©, JosĂ©phine persuade son Ă©poux de ne pas la quitter.
NapolĂ©on couronnant lui-mĂȘme JosĂ©phine, sur le tableau de David |
Par Pierrick Geais