Dans ses propositions, Benjamin Stora ne recommande pas une loi mémorielle qui «entraverait tout exercice critique de l’histoire», précise-t-il. De même, il ne recommande pas un «grand discours» présidentiel mais il pense qu’il est «nécessaire d’emprunter d’autres chemins» pour bâtir «une juste mémoire». Il demande que nous regardions les enjeux dans d’autres pays à cet égard, comme au Japon ou en Afrique du Sud. Aucune réponse simple à un sujet intimement complexe. Et il a raison.
Pour guider ce travail majeur et massif, il propose de créer – comme axe central de ses propositions – une «Commission Mémoire et Vérité» (s’inspirant directement de l’Afrique du Sud), avec pour priorité de soutenir les commémorations (19 mars, 25 septembre, 17 octobre) et le recueil des mémoires. Dans ce cadre, il propose une stèle de l’Emir Abdelkader pour commémorer le 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie en 2022, d’établir un guide des disparus (des deux camps et notamment ceux d’Oran en juillet 1962), de dresser un inventaire des lieux des essais nucléaires en Algérie et leurs conséquences, de partager les archives (avec un travail en profondeur et de numérisation dans la continuité de l’accord de coopération datant du 6 mars 2009 entre nos deux pays), de faciliter le déplacement des Harkis et de leurs familles entre la France et l’Algérie, de faire l’histoire des camps d’internement en France des Algériens (il y en a 4), de soutenir l’idée que des noms de rues mettent en exergue des Français d’Algérie, de restituer les corps et restes de nos musées, de développer la coopération universitaire, de restituer plusieurs objets symboliques, de faire un travail foncier dans les manuels scolaires mais aussi la colonisation (le message est clairement à l’intention du ministre actuel de l’Education nationale !) et, même, de relancer le projet de musée à Montpellier. Un véritable programme…
Il propose, également, de faire un travail commun de médiation (réédition de livres, films de cinéma ou documentaires) car pour l’historien «l’outil audiovisuel est un instrument décisif pour la préservation des mémoires» comme cette année l’a démontré le succès sur France 2 du documentaire Décolonisations : du sang et des larmes. Et de manière très spécifique, il insiste sur des gestes politiques forts, touchant en particulier les personnalités politiques du nationalisme algérien assassinées (comme l’avocat Ali Boumendjel) – mais il ne parle pas de l’action secrète de la Main rouge.
Enfin, et surtout, actes forts et symboliques, il propose d’organiser dès cette année au Musée national de l’histoire de l’immigration (qui va commémorer le 90e anniversaire de l’Exposition coloniale) une grande exposition sur le passé colonial avec un colloque sur les décolonisations. Et, enfin, de faire entrer au Panthéon une personnalité symbole de la réconciliation des mémoires (Gisèle Halimi).
Beaucoup de choses donc dans ce rapport. Plus qu’un discours, Benjamin Stora recommande donc des actes concrets qui au final «fabriquent» une politique pour aller au-delà des guerres de mémoires, au-delà du conflit entre la France et l’Algérie (parce que écrit-il joliment, «l’histoire n’a pas de nationalité»), pour qu’enfin la «réconciliation attendue» ouvre sur la possibilité du passage d’une mémoire communautarisée à une mémoire commune.
Colonisation française de l'Algérie Jean-Michel Apathie répond au rapport de Stora : "On a volé les terres aux algérien"
La réaction au rapport de Benjamin Stora sur le dossier de mémoire n’a pas tardé. Elle vient cette fois-ci de Jean-Michel Apathie ancien journaliste politique de Canal+.
Dans son intervention sur la chaîne LCI, Jean-Michel Apathie, a estimé que la colonisation algérienne ne ressemble à aucune autre colonisation. Sans directives de Paris, l’armée française va mener une violente répression en Algérie.
“Nous ne savon pas pourquoi la France a conquis l’Algérie en 1830”, s’est notamment interrogé le journaliste français, tuant dans l'œuf la thèse de l’exportation de la civilisation et de l’installation des droits de l’homme.
Expert des questions historiques et politiques, le journaliste français note que la conquête française d’Algérie le 5 juillet 1830 avait été menée par Charles X, qui perd le pouvoir 25 jours plus tard et le nouveau souverain français Louis Philippe lui succède mais les troupes françaises déjà en Algérie ne savent pas quoi faire. Sans directives de Paris, l’armée française va mener une violente répression en Algérie.
Jean-Michel Apathie souligne encore qu’en 1845, une campagne de presse est menée en France pour dénoncer la violence en Algérie et surtout le massacre mené par le maréchal Thomas Bugeaud qui s’est comporté comme un boucher.
À ce propos Apathie qualifie la baptisation d’une avenue à Paris en son nom comme un scandale. Le journaliste français ajoute en substance : “On a volé les terres aux algériens, on a empêché la scolarisation de cinq générations d’algériens et on les a condamné à l’ignorance et à l’analphabétisme.”
Source: Libération(par pascal Blanchard, Ag...)
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