Deux mille personnes ont manifesté samedi 10 mars à Tunis pour réclamer la fin de l’« injustice » imposant l’inégalité successorale entre hommes et femmes.
« Egalité ! », « Egalité ! ». Le slogan est partout, samedi 10 mars, dans le quartier du Bardo à Tunis. « Egalité » dans les mots hurlés. « Egalité » sur les pancartes brandies. « Egalité » dans les esprits et les cœurs d’une foule de Tunisiens – environ 2 000 personnes – marchant pour que cesse la discrimination frappant les femmes en matière d’héritage. « C’est un événement historique », se réjouit Emna Ben Miled, psychologue et anthropologue, initiatrice de ce rassemblement.
La Tunisie des droits des femmes a connu des manifestations plus massives que celle-là – notamment lorsque les islamistes d’Ennahda étaient au pouvoir (fin 2011-début 2014) – mais c’est bien la première fois qu’une manifestation était spécifiquement organisée contre l’inégalité successorale, sujet éminemment sensible car inscrit dans d’immémoriales traditions. Selon la loi tunisienne, issue en l’occurrence des préceptes du Coran, la femme n’hérite que de la moitié de la part de l’homme du même degré de parenté.
« J’ai honte de devoir manifester aujourd’hui contre une telle injustice qui est censée ne plus exister depuis l’indépendance [de 1956] », tempête Emna Mornagi, une étudiante en écologie, jean, basket et cheveux au vent. Un peu plus loin, Cinda Basly, experte-comptable qui se dit férue d’« islamologie », met en garde contre « les mauvaises interprétations des textes religieux qui oublient les valeurs nobles ». « Le bon Dieu, ajoute-t-elle, ne peut aimer que l’équité entre les êtres humains. » Dans la foule, il y a aussi des hommes, venus témoigner de leur soutien à ce combat-là. Tel Khaled Louhichi, expert pour une organisation internationale. Il apporte toutefois une petite nuance à l’enthousiasme ambiant.
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