Dans La Mission, Paul Greengrass délaisse la frénésie de ses thrillers habituels pour nous offrir un western d’une rare délicatesse, porté par un Tom Hanks d’une justesse bouleversante. Loin des clichés du genre, ce film s’inscrit dans la veine des œuvres contemplatives telles que True Grit ou Danse avec les loups, où le silence, les regards et les paysages parlent autant que les mots.
L’Amérique post-guerre de Sécession y est décrite sans artifice, à travers les pas d’un ancien capitaine devenu lecteur public itinérant, une figure quasi mythologique, pont fragile entre un peuple blessé et la promesse d’un avenir encore à définir. Sur sa route, il croise Johanna, enfant déracinée deux fois : d’abord par la guerre, puis par la paix. Elle ne comprend plus la langue ni les gestes des Blancs, et c’est dans cette fracture identitaire que naît une relation silencieuse, pudique et poignante entre deux âmes solitaires.
La beauté du film réside dans sa retenue. Ici, point de surenchère ni de manichéisme : la violence est là, tapie, sourde, mais toujours encadrée par une lumière presque spirituelle. Les paysages texans sont à couper le souffle, capturés dans une photographie naturaliste qui magnifie l’hostilité du monde autant qu’elle en révèle les instants de grâce.
La condition des Indiens, à peine évoquée, plane comme une ombre sur cette fresque humaine. Greengrass ne moralise pas, mais incite à lire entre les lignes : l’Amérique se construit dans le sang et l’oubli, et ce sont les marginaux, les errants, les laissés-pour-compte — comme Johanna et Kidd — qui en paient le prix.
Au final, La Mission est un film de route, mais surtout de transmission. Celle de la langue, de la mémoire, et d’un espoir fragile, porté par deux êtres cabossés qui, en se sauvant mutuellement, redonnent du sens au mot "foyer". Une œuvre sobre et touchante, qui laisse dans le cœur une empreinte profonde, comme le vent sur la poussière des grands espaces.