Après une jeunesse marquée par les rigueurs puritaines de son milieu, entame une quête d'identité complexe. À Paris, il noue une amitié profonde et tumultueuse avec Pierre Louÿs, tout en cherchant à s’intégrer au monde littéraire post-symboliste et en envisageant le mariage avec sa cousine. Sa rencontre avec Oscar Wilde et un voyage initiatique en compagnie de Paul Albert Laurens le conduisent à rompre avec le protestantisme et à assumer son homosexualité. C’est à cette période qu’il écrit Paludes, un ouvrage qui marque la fin de son engagement dans le symbolisme. Après la mort « libératrice » de sa mère et son mariage avec Madeleine, sa cousine, en 1895, il achève Les Nourritures terrestres, un livre salué par certains critiques pour son lyrisme et son individualisme.
Malgré plusieurs échecs au théâtre, Gide se distingue en tant que romancier moderne, tant par la construction de ses récits que par les thématiques qu'il aborde, notamment l’arbitraire. Il s’impose alors dans le monde littéraire, tout en soutenant les dreyfusards, mais sans militantisme. Il préfère entretenir des amitiés littéraires durables avec des écrivains comme Roger Martin du Gard, Paul Valéry et Francis Jammes, bien que certaines amitiés, comme celle avec Pierre Louÿs, s'effacent avec le temps. Ces relations l'amènent à fonder, avec ses amis, La Nouvelle Revue Française (NRF), un espace où il jouera un rôle prépondérant dans l’évolution de la littérature française.
Gide devient de plus en plus connu pour ses romans explorant les relations humaines et l'individualité. Parmi ses œuvres marquantes figurent L'Immoraliste (1902) et La Porte étroite (1909). D'autres romans, comme Les Caves du Vatican (1914), disloqué par sa structure, La Symphonie pastorale (1919), qui aborde le conflit entre morale religieuse et sentiments, et Les Faux-monnayeurs (1925), à la narration non linéaire, le consacrent comme une figure majeure de la modernité littéraire, bien que son œuvre soit parfois critiquée pour une certaine préciosité. Son homosexualité assumée et son désir de bousculer les tabous transparaissent dans des ouvrages plus personnels tels que Corydon (1924), dans lequel il défend l'homosexualité et la pédérastie, et Si le grain ne meurt (1926), où il raconte son enfance bourgeoise et ses premières attirances pour les garçons.
“Plutôt que de répéter sans cesse à l’enfant que le feu brûle, consentons à le laisser un peu se brûler : l’expérience instruit plus sûrement que le conseil.”
Son regard sur le monde prend une nouvelle tournure lorsqu’il découvre l'Afrique subsaharienne. En 1927, il publie Voyage au Congo, un témoignage où il dénonce les abus des compagnies concessionnaires, de l’administration coloniale et le mépris des Européens envers les populations colonisées, ce qui suscite une vive polémique. Au début des années 1930, son intérêt pour le communisme le conduit à soutenir le régime soviétique, mais une désillusion s’ensuit après un voyage en Union soviétique en 1936. Il publie alors Retour de l’U.R.S.S., un ouvrage qui lui vaut des critiques acerbes de la part des communistes, mais il persiste dans sa dénonciation du totalitarisme soviétique, notamment lors des procès de Moscou, tout en s’engageant contre le fascisme.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, Gide se retire progressivement de la vie littéraire, abandonnant La Nouvelle Revue Française et se réfugiant sur la Côte d'Azur puis en Afrique du Nord. Après la guerre, bien qu’écarté du milieu littéraire, il est couronné du prix Nobel de littérature en 1947. Il se consacre alors à la publication intégrale de son Journal. André Gide meurt le 19 février 1951, laissant derrière lui une œuvre monumentale qui marqua profondément la littérature du XXe siècle.
Engagements :
André Gide, particulièrement actif dans des actions antifascistes, soutient les auteurs antifascistes allemands exilés en France. En 1936, il se rend en Union soviétique sur invitation des autorités soviétiques, accompagné de plusieurs proches. Bien que fasciné par certaines institutions et l’accueil qu’il reçoit, il déplore rapidement le culte de Staline et le contrôle de l’information. Sa déception grandit, et il publie son témoignage Retour de l’U.R.S.S., qu’il complète ensuite avec Retouches à mon retour de l’U.R.S.S., un réquisitoire contre le stalinisme. En réaction, le PCF et les autorités soviétiques tentent de dissimuler ses propos, le qualifiant de fasciste, ce qu’il rejette fermement. Ce désenchantement politique marque un tournant pour Gide, qui se retire de l’engagement tout en soutenant encore la cause républicaine espagnole.
Après cette déception politique, il subit également un deuil personnel avec la mort de Madeleine, sa cousine et femme, en avril 1938. Leur relation, complexe et marquée par des tensions, est abordée dans Et nunc manet in te, où il évoque l'amour étrange et difficile qu'il lui portait.
Gide cherche alors à retrouver une forme de sérénité. La fin de la guerre d'Espagne, qu’il perçoit comme une trahison de l'héroïsme et des idéaux, lui cause un profond dégoût et désespoir. La vieillesse, quant à elle, lui retire certains plaisirs : il ne joue plus du piano avec la même aisance, ne ressent plus l'enthousiasme des voyages passés, et son désir s'éteint peu à peu.
Affaire de Pédophilie :
Madeleine Rondeaux, sa cousine, devenue sa femme, n'apprend ses aventures pédophiles qu'en 1916, en prenant connaissance d'une lettre sans ambiguïté adressée à son mari.
L'historienne Anne-Claude Ambroise-Rendu note dans son livre Histoire de la pédophilie, en parlant de Gide et de Montherlant : « Et c'est bien en tant qu'homosexuels amateurs de jeunes chairs qu'ils seront célébrés ultérieurement par les néopédophiles des années 1970. »
Julien Green dans son journal non expurgé publié en 2019 parle abondamment du tourisme sexuel de Gide en Tunisie avec des « petits garçons » et des enfants de dix, onze, douze ou treize ans .
L'Envers du journal de Gide et les secrets de sa sincérité de François Derais et Henri Rambaud17 parle d'avances faites (et repoussées) à un garçon de 15 ans. Gide a alors 72 ans. Une autre fois, il confie une attirance (non sexuelle) pour un enfant de huit ans (Journal 1918, p. 124).
Le Vatican qui intervient !
Gide aura ces mots mystérieux sur son lit de mort : « J'ai peur que mes phrases ne deviennent grammaticalement incorrectes. C'est toujours la lutte entre le raisonnable et ce qui ne l'est pas… »
Quelques jours plus tard, il est inhumé auprès de Madeleine, au chevet de l'église dans le petit cimetière de Cuverville (Seine-Maritime), village où l'on peut voir le château familial, près d'Étretat.
L'ensemble de son œuvre est mis à L’Index librorum prohibitorum ou ILP (Index des livres interdits) par le Vatican en 1952. Cette nouvelle scandalise les admirateurs enthousiastes de l'écrivain. Quant à ses détracteurs, qui pourtant l'attaquent avec violence, ils ne sont guère convaincus de l'utilité d'une telle discrimination.
Bonus : la dernière édition de ILP:
En 1948, la dernière édition de l'Index contient quatre mille titres indexés et répertoriés sous des motifs divers : hérésie, immoralité, licence sexuelle, théories politiques subversives, etc. On y trouve des écrivains et des philosophes tels que Montaigne, Diderot, Rousseau, Descartes, Montesquieu, Laurence Sterne, Voltaire, Daniel Defoe, Balzac, Larousse pour son Dictionnaire du XIXe siècle, André Gide, ainsi que le sexologue hollandais Theodor Hendrik Van de Velde, auteur du manuel sur la sexualité Le Mariage parfait. Presque tous les philosophes occidentaux ont été inclus dans l’Index — même ceux qui croient en Dieu, tels que Spinoza, Descartes, Kant, Berkeley, Malebranche, Lamennais et Gioberti. Les athées, tels que d'Holbach, le marquis de Sade, Schopenhauer et Nietzsche, ne sont pas inclus en raison de la règle tridentine stipulant que les œuvres hérétiques sont ipso facto interdites. Le naturaliste Buffon y échappe grâce à ses rétractations. Quelques œuvres importantes ne sont pas incluses, simplement parce que personne ne s'est soucié de les dénoncer. Darwin ne sera jamais mis à l’Index
En 1966, suite au concile Vatican II, l’Index est supprimé, mettant un terme à la pratique institutionnalisée de la censure par l’Église catholique. Trente-deux éditions du catalogue recensant au total environ 5200 ouvrages interdits s’étaient succédé depuis 1600. Toutefois, l’Index « garde sa valeur morale » selon la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui déclare désormais « [faire] confiance à la conscience mûre des fidèles » en ce qui a trait à la qualité de leurs lectures dans une notification publiée le 14 juin 1966.
Sources:
-Archives, Internet, Wikipédia
-André Gide & Marc Allégret - Le roman secret, Pierre Billard, Plon, 2006.
-Harry Bellet, « Pour Gide le sulfureux, un repos en pays de Caux, mais sans croix », Le Monde.fr, 6 août 2015
-https://archives.yvelines.fr/rechercher/archives-en-ligne/correspondances-du-musee-departemental-maurice-denis/correspondances-du-musee-maurice-denis , sous le nom GIDE André