Han van Meegeren demeure une figure emblématique du XXe siècle, célèbre pour avoir habilement berné le monde de l'art. En tant que peintre, il a orchestré la vente de plusieurs contrefaçons de tableaux d'artistes illustres, amassant ainsi une somme considérable estimée entre 25 et 30 millions de dollars. Plongeons dans le captivant récit de ce faussaire hors du commun, qui a même réussi à mystifier les nazis !
Originaire des Pays-Bas, Han van Meegeren a grandi au début du XXe siècle. Malgré l'opposition de ses parents à son aspiration artistique, il a secrètement poursuivi des études d'art. Devenu peintre, il a réalisé plusieurs portraits d'intérieurs et a même remporté la médaille d'or du prestigieux prix quinquennal de la Technische Hogeschool de Delf. Sa première exposition personnelle à La Haye, en 1917, fut un succès, mais une seconde, cinq ans plus tard, déclencha des critiques virulentes. Blessé dans son amour-propre, van Meegeren répliqua avec colère dans son magazine "De Kemphaan", refusant d'accepter que les critiques d'art puissent dicter le destin des artistes.
Après le naufrage de sa carrière artistique, van Meegeren se résolut à restaurer des tableaux. C'est là qu'il eut l'idée de créer de fausses œuvres d'anciens maîtres, non pas de simples copies, mais des tableaux qui semblaient avoir été oubliés. Sa motivation première était la vengeance plutôt que la quête d'argent. Après six années de perfectionnement de ses techniques, il parvint à produire d'authentiques imitations des œuvres de Pieter de Hooch, Frans Hals, Gerard ter Borch, et surtout Johannes Vermeer, trompant tant les critiques que les experts.
Dans les années 1930, van Meegeren entreprit de créer un faux Vermeer à caractère religieux, baptisé "Les Disciples d'Emmaüs". Il utilisa du bois d'époque, vernit ses toiles, puis les plaça dans un four pour durcir la peinture. Pour reproduire les craquelures caractéristiques, il enroula les toiles autour d'un bâton, ajoutant de l'encre noire pour imiter la poussière. En 1937, l'expert en art hollandais Abraham Bredius authentifia le tableau comme un véritable Vermeer.
Durant la Seconde Guerre mondiale, les faux Vermeer de van Meegeren se vendirent à une cadence effrénée, musées et collectionneurs se les arrachant. Lorsqu'une de ses toiles atterrit entre les mains d'Hermann Göring, ce dernier proposa un échange avec van Meegeren, ignorant que le "Christ et la parabole de la femme adultère de Vermeer" était lui aussi un faux peint par le faussaire.
La supercherie fut mise à jour lors de la Libération, le tableau étant découvert dans la collection de Göring. Les autorités soupçonnèrent initialement van Meegeren de collaboration avec les nazis, considérant la vente d'un prétendu chef-d'œuvre néerlandais à l'ennemi comme un acte de trahison. Face à ces accusations, le faussaire avoua avoir peint le faux Vermeer. Bien que son histoire ait sauvé 200 œuvres néerlandaises des mains des nazis, van Meegeren fut condamné à un an de prison pour tromperie. Il mourut d'une crise cardiaque en 1947.
Au total, Han van Meegeren produisit treize faux tableaux, dont sept étaient des imitations de Vermeer. En 1995, l'un de ses faux Vermeer fut vendu aux enchères sous son propre nom, et en 2019, un film intitulé "Le Dernier Vermeer", avec Guy Pearce dans le rôle de van Meegeren, vint immortaliser cette histoire extraordinaire.
