La couronne britannique, qui assure l’unitĂ© des 56 territoires de l’organisation intergouvernementale, doit faire face Ă des dĂ©sirs de divorce.Avec la mort d’Elizabeth II, quatorze royaumes sous monarchies constitutionnelles couronnent un nouveau souverain, aux cĂŽtĂ©s de Royaume-Uni. Avec eux, 36 rĂ©publiques perdent leur cheffe d’Etat, un titre honorifique sans responsabilitĂ©. Le Commonwealth est une organisation intergouvernementale, nĂ©e le 19 novembre 1926, qui compte en tout 56 pays, principalement issus de l’ancien Empire britannique. Et donc de la (dĂ©)colonisation. L’enjeu Ă©tait de garder l’impression d’une forte puissance, d’une unitĂ©, de ne pas perdre les liens entre les pays, alors rĂ©unis sous la banniĂšre du «libres et Ă©gaux». Lorsque Elizabeth II arrive sur le trĂŽne en 1952, le Commonwealth ne compte que neuf pays. L’organisation grandit au fur et Ă mesure que l’Empire rĂ©trĂ©cit et son territoire finit par concentrer le tiers de la population mondiale. Mais cette unitĂ© pourrait se briser avec le dĂ©cĂšs de la monarque qui, selon les mots de l’ancien Premier ministre australien Bob Hawke, Ă©tait «bien plus qu’une figure de proue».
Basculement «inĂ©vitable»
Si la couronne est hĂ©rĂ©ditaire, le titre de «chef du Commonwealth» ne l’est pas – mais les Etats membres ont dĂ©cidĂ© de lĂ©guer le titre Ă Charles III lors d’un sommet Ă Windsor en avril 2018. Charles III devient ainsi le chef d’Etat de l’Australie, la Nouvelle-ZĂ©lande, la Papouasie-Nouvelle-GuinĂ©e, du Canada, des Ăźles Salomon, d‘Antigua-et-Barbuda, des Bahamas, de Belize, Grenade, Saint-Christophe-et-NiĂ©vĂšs, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et Tuvalu. Depuis quelques mois, le quinziĂšme pays, la JamaĂŻque, conteste vigoureusement le poids de la monarchie constitutionnelle. En mars, de nombreuses manifestations dĂ©nonçaient le rĂŽle historique de la couronne britannique dans l’esclavagisme et le commerce d’esclaves. Une visite officielle du prince William, fils aĂźnĂ© du roi Charles et dĂ©sormais hĂ©ritier du trĂŽne, et de son Ă©pouse, Kate, avait Ă©tĂ© lourdement critiquĂ©e. Le 23 mars, devant le jeune couple royal, le Premier ministre jamaĂŻcain, Andrew Holness, s’Ă©tait alors prononcĂ© en faveur d’une transition rĂ©publicaine, un basculement selon lui «inĂ©vitable». «La JamaĂŻque passe Ă autre chose», avait-il dĂ©clarĂ©.
IndĂ©pendante depuis 1962, la JamaĂŻque suivrait ainsi l’exemple de la Barbade, devenue une RĂ©publique en novembre. D’autres petites nations, comme le Guyana et TrinitĂ©-et-Tobago, ont choisi le camp rĂ©publicain dĂšs les annĂ©es 70. Tout comme l’Ăźle Maurice, qui a divorcĂ© de la couronne trente ans avant la Barbade. Ces changements sont certes avant tout symboliques, la Barbade Ă©tait par exemple indĂ©pendante depuis 1966. En signe de bonne entente, celui qui n’Ă©tait alors encore que le prince Charles s’Ă©tait d’ailleurs rendu sur place en novembre pour la cĂ©rĂ©monie.
Monde anglophone
Mais la dĂ©cision de la nation caribĂ©enne et les contestations rĂ©centes en JamaĂŻque auront peut-ĂȘtre instillĂ© ou renforcĂ© le doute dans d’autres royaumes. En Australie, la question s’Ă©tait dĂ©jĂ posĂ©e en 1999 : la population avait Ă©tĂ© invitĂ©e Ă se prononcer lors d’un rĂ©fĂ©rendum. Elle avait alors choisi de garder la reine Ă la tĂȘte de l’Etat.
Paradoxalement, certains pays qui n’ont jamais fait partie de l’Empire britannique ont choisi de rejoindre le Commonwealth pour se rapprocher du monde anglophone, comme le Togo ou le Gabon en juin.
Par Julie Malfoy