" Eugène Fromentin et Horace Vernet, deux peintres conquis par l'Algérie ", le troisième volet d'une trilogie algérienne devrait paraître en septembre prochain. Il a fallu du temps pour vérifier et corriger de nombreuses citations en allemand, anglais, italien ( près de 600 références). D'autre part les questions liées à l'autorisation de reproductions de toiles d'Horace Vernet ( Riga, Buenos-Aires, Milan, Ajaccio… ) ont exigé également de la patience ainsi que celles liées à l'impression convenable de tous ces visuels.
Premier extrait :
Corneille Trumelet, tout comme Vernet, nourrissait une grande admiration pour la cavalerie algérienne des Hautes Plaines. Il en a loué sans réserve le courage, la noblesse, l'endurance, la rapidité, l'élégance et la ruse. Les jeunes cavaliers français mal assurés, qui avaient appris tardivement à monter, ne souffraient pas la comparaison avec eux. Assistant un jour à l'assaut héroïque du jeune chef Sid-Ahmed-Ould-Hamza contre les troupes françaises, Corneille Trumelet compare son panache et sa bravoure à ceux des adolescents de la période révolutionnaire française. Il conclut que cet ennemi combat d'égal à égal avec l'armée qui a tant brillé sous la Révolution et l'Empire :
"Sid-Ahmed, avec la magnifique audace de ses vingt ans ; avec la conscience de la force que lui donne, à lui, le chef de la Maison des Sidi-Ech-Chikh, la puissance religieuse qui est attachée depuis plus de trois siècles au nom de son illustre ancêtre… le jeune marabout, bouillant de rage… a pris la tête de la charge, et, suivi des Oulad-Sidi-Ech-Chikh, ses fidèles cavaliers, il fond impétueusement sur les assaillants… Il n'y a pas à douter, Sid-Ahmed, traitant d'égal à égal avec nous, nous offre la bataille… Debout sur leurs étriers, les chefs des Ouled-Zyad, parmi lesquels on remarque le Chikh Ben-R'azi, parcourent les rangs des goums en longeant leur colonne avec de grands gestes et le burnous flottant ; ils semblent d'immenses oiseaux planant sur leurs contingents et les couvrant de leurs ailes ".
L'enthousiasme de Corneille Trumelet a probablement été partagé par Horace Vernet fasciné par l'Orient dès l'adolescence et davantage lors de ses voyages en Algérie, en Syrie, Égypte et Palestine. Ce texte permet de prendre conscience qu'Horace Vernet peint rarement un cavalier français en mouvement dans les batailles d'Algérie. En général sa monture est au repos et il se limite à l'esquisse d'un mouvement.
Par ailleurs les officiers français sont souvent relégués à l'arrière-plan, adoptant une pose peu héroïque. Dans "Le Combat de Somah", on a reproché à Horace Vernet de ne pas avoir donné suffisamment d'espace au commandant Changarnier. Pensons à l'observation de Claudius Lavergne qui expliquait que Vernet n'idéalise pas nos braves.
Dans ses "Mémoires", Nicolas Changarnier ne commente pas Le Combat de Somah dans lequel il apparaît. Né à Autun, la municipalité de cette ville passa commande de ce tableau conservé au musée Rolin de cette petite cité bourguignonne. En revanche, il écrit les propos suivants peu plaisants et amers au sujet de la toile intitulée Combats de l'Oued-el-Alleug (dans la Mitidja) :
Dans le tableau d'Horace Vernet, nous sommes rangés, coude à coude, Duvivier, Lamoricière et moi. Je suis étrangement défiguré et vieilli. Quinze ans après, je me sens en pleine possession de mes forces et n'ai pas cet air délabré .
Ce tableau et "Le Combat de Somah" n'idéalisent pas le commandant Nicolas Changarnier enfant d'Autun !
Ce sont les fiers Bédouins que l'on voit la plupart du temps au premier plan du tableau dont ceux sur le point de périr, se battant courageusement jusqu'au bout. Ils ne sont jamais rangés coude à coude comme Duvivier, Lamoricière et Changarnier, mais ils entretiennent avec leur monture des rapports de complicité comme dans "Le Bon Samaritain" ou "La bataille de l'Alma."
Second extrait.
Une passion pour l'Orient et ses habitants
Horace Vernet s'est pris de passion très tôt pour le monde arabe, ce qui l'a conduit à exécuter un grand nombre de portraits (huiles sur toile et lithographies) dans lesquels il l'exprime pleinement comme en témoigne le "Portrait du Mamelouk Roustam Raza" (1781-1840) . Il fut peint en 1810 à un moment où le souvenir de l'expédition d'Égypte agitait encore les esprits.
Roustam Raza entré au service de la garde de Bonaparte au Caire lui resta fidèle jusqu'en 1814. Il est probable qu'Horace Vernet qui descendait d'une illustre famille de peintres ait eu des connections avec un membre de la garde du corps de l'Empereur (en référence à un extrait d'une note du MET concernant cette œuvre). Carle Vernet le père d'Horace, dont son fils et Théodore Géricault fréquentaient l'atelier, manifestait déjà beaucoup d'intérêt pour l'Orient.
Quelques années plus tard, Horace Vernet, déjà fasciné par les vêtements, les armes et le panache des seigneurs arabes, peint "Un Guerrier arabe ." C'est au cours de cette période en 1819 qu'il exécute Un homme en tenue orientale , et la superbe "Tête d'Arabe" qui se trouve aujourd'hui au Musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg ; cette toile est inspirée du Voyage dans le Levant du comte Forbin évoquant les amours d'un jeune arabe pour la chrétienne Miriam. "Tête d'Arabe" est contemporain du crayon de Théodore Géricault intitulé "L'Oriental" (1819-1820). Le serviteur tunisien de Théodore Géricault, Mustapha, a peut-être servi de modèle pour ce portrait dédié à Charles-Antoine Ledieu (1794-1878), l'un des élèves de Carle Vernet.
Par la suite Horace Vernet peindra d'autres Orientaux avant son premier voyage en Algérie, "Conrad le corsaire" et '"Marchand oriental" par exemple.
On comprend qu'Horace Vernet ait entretenu des relations suivies avec Dominique Vivant Denon, égyptologue renommé, mort en 1825.
Ci-dessous :Horace Vernet: "Conrad le Corsaire ", oeuvre de jeunesse, non reproduite dans l'ouvrage ( Wallace Collection, Londres).
Par Maurice Albert Mauviel