Portrait d'Alan Turing, mathématicien au destin tragique, inventeur de l'ordinateur, pionnier de l'intelligence artificielle, héros de la Seconde Guerre mondiale et homosexuel persécuté.
Drôle de héros que cet Alan. Il aime
Blanche-Neige, la suite de Fibonacci qui explique la structure des pommes de
pin, la course à pied. Et les pommes. Mais, en cette année 1952, deux très
lourds secrets l’empêchent de révéler qui il est vraiment.
Le premier, c’est que ce mathématicien
de génie réussit, au cours de la Seconde Guerre mondiale, à casser le code
d’Enigma, la machine allemande qu’utilisaient les nazis pour envoyer des
messages cryptés. Grâce à sa propre machine, qu’il baptise Christopher, Turing
accède au code allemand, pourtant changé quotidiennement, parmi 159 milliards
de milliards de réglages possibles. Bref, il invente la programmation et donc
l’ordinateur. Mais, au moment où la guerre froide succède au conflit mondial,
son rôle doit rester dans l’ombre.
Le deuxième secret, beaucoup plus
lourd encore, tient à sa vie privée : Alan est homosexuel, son premier amour
s’appelait d’ailleurs Christopher, mais la Grande-Bretagne punit sévèrement ce
qui est considéré comme un crime. Surtout après le scandale d’espionnage qui,
au début des années 1950, impliquait des scientifiques homosexuels de
Cambridge. Le voilà donc contraint de « choisir » entre la prison – où il ne
pourrait plus lire ni travailler – et la castration chimique – à laquelle il se
résigne. En juin 1954, il est retrouvé mort, une pomme enduite de cyanure
partiellement croquée à côté de lui. Comme le fruit que la méchante sorcière
tendait à Blanche-Neige. Comme le logo d’Apple, même si les dirigeants de la
firme américaine ont toujours contesté cette légende.
Voilà donc l’histoire de ce héros
longtemps anonyme, réhabilité en 2013 seulement par la reine d’Angleterre pour
son rôle éminent : il aurait abrégé la guerre d’au moins deux ans. Depuis
plusieurs années, pièces, livres, BD et films lui rendent hommage.
Les bases de l'intelligence
artificielle
Turing se concentre désormais sur la
possibilité conceptuelle de prêter une intelligence à des machines. En octobre
1950, il publie son article intitulé « L’ordinateur et l’intelligence » dans la
revue philosophique Mind. Souvent considéré comme posant la base de ce qui
deviendra l’intelligence artificielle, le texte s’ouvre sur le jeu de
l’imitation, dans lequel le chercheur imagine le moyen pour une machine de se
faire passer pour un être humain.
« Par ailleurs, après avoir construit
l’ordinateur, machine déterministe qui exploite dans toute son extension le
domaine de ce qui est calculable, Turing se heurte aux processus biologiques
qui entretiennent avec le déterminisme un rapport tout autre », note Jean
Lassègue. Impossible, par exemple, de prédire les aléas de l’évolution des
formes (des feuilles d’une plante, de mâchoires d’animaux, etc.) au fil de
microchangements aléatoires étalés sur des milliers de millénaires. En
s’interrogeant sur la régularité de la répartition des feuilles d’une plante et
sur ses règles mathématiques, Alan Turing renoue avec sa passion d’enfance. Le
secret qu’il s’attache dès lors à percer devient celui de la matière :
comment sait-elle quelle forme prendre ? En 1952, il publie sur cette question,
dans la revue Philosophical Transactions of the Royal Society, un article qui
deviendra fondateur en biologique théorique.
Accusé de « pratiques indécentes en
compagnie d'un autre homme »
Mais les deux dernières années de sa vie précipitent une fin tragique. Une aventure avec un jeune homme le conduit au tribunal où il plaide coupable pour « pratiques indécentes réitérées en compagnie d’un autre homme ». Considérant qu’il a bien trop de travail pour aller en prison, il accepte l’alternative qu’on lui propose : la castration chimique. Ils peuvent bien faire ce qu’ils veulent de son corps pense-t-il, son esprit, son logiciel, restera intact… « Mais, sous l’effet des hormones, le voilà transformé en ce qu’il s’imagine être une presque femme. Et si la pensée et le corps entretenaient des liens plus profonds qu’il ne le croyait ? Et s’il s’était trompé ? », interroge Jean Lasègue, se figurant les dernières pensées du mathématicien. Le 7 juin 1954, Alan Turing est retrouvé raide et froid dans son lit. La pomme au cyanure a fait son œuvre.
Une passion pour la morphogenèse
Fleur de tournesol, pomme de pain, motifs de coquillages... La régularité mathématique de l’organisation des formes dans la nature passionne Alan Turing depuis son enfance. La morphogenèse, étude des mécanismes de croissance des formes biologiques à partir de la fécondation, devient même une obsession durant les quatre dernières années de sa vie. À l’époque, Watson et Crick sont sur le point de percer la structure de l’ADN. Mais Turing avait déjà perçu que la génétique ne suffirait pas pour tout décrire. Celle-ci fonctionne selon un code fixe, or il n’existe pas de déterminisme en biologie : les aléas imprévisibles de l’évolution des espèces en témoignent. Dans son article de 1952, Turing est le premier à utiliser les équations différentielles, très complexes, de réaction-diffusion, dans le cadre de la morphogenèse. Sa démonstration est capitale dans l’histoire de la biologie du développement.
“Pour qu'un suicide en vaille la peine, il faut le fabriquer sur mesure.” “L'intelligence est, hélas ! toujours une énigme, mais pas plus que la bêtise...” “Le génie n'est pas celui qui croit mais celui qui saisit la progression des choses.”
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