L'Emir Abdelkader était un franc-Maçon ( #La_Vraie_Histoire )
source : quelques ouvrages et archives
Le 26 mai 1883 mourait à Damas l'émir Abdeikader (Abd al Qädir ibn Muhyï al-din al-Hasani al Cazâ'in), qui fut tout à la fois saint, savant, poète, héros, militaire et homme d'Etat. Il était né vers 1808, près de Mascara, en Algérie.
L'activité intellectuelle d'Abdelkader n'a jamais fait de doute même ses contempteurs et ses ennemis de l'époque de la résistance en Algérie relèvent l'importance de sa culture philosophique et théologique: il emporte toujours avec lui, quelles que soient les circonstances une bibliothèque. Le Diwan, recueil de près de 760 poèmes publiés plusieurs fois, traite de tous les sujets qui préoccupèrent l'émir de 1832 à 1883.
Cependant, son oeuvre théologique est moins connue, bien que l'ouvrage fondamental, le Kitâb al-Mawâqif, ait fait l'objet de plusieurs éditions en langue arabe et d'une remarquable traduction en français par Michel Chodkiewicz. La thèse de celui-ci est qu 'Abdelkader est l'héritier légitime d'lbn Arabi, qu'il participe ainsi à une renaissance plus importante-mais aussi moins bruyante-que la Nahda, celle de l'islam indicible.
Mais tout cela n'est rien à côté de son enseignement dont nous n'avons malheureusement que des traces éparses. L'émir en effet enseigna le tassawuf (enseignement des soufis), l'histoire et la théologie pendant plus de vingt ans, quotidiennement durant son séjour à Damas. Nous avons une idée de ces milliers d'heures d'enseignement qu'il prodigua pendant la période la plus féconde de sa vie, entre 1855 et 1883 dans la mesure où le Kitab al-Mawâqif est tiré de son enseignement.
Dans sa jeunesse, la science et la sainteté de l'émir étaient déjà attestées.
Il est né en effet dans un milieu profondément religieux: son père fut son initiateur et portait le prénom prédestine de Muhyï al-dïn -qui est aussi celui d'lbn Arabi-, ce qui signifie vivificateur ou « introducteur de la religion ».
Cette éducation fit de lui, non seulement un musulman convaincu et un théologien, mais un initié sur la voie lors de leurs voyages communs en Orient, voie qu'il devait par la suite dépasser dans la réalisation de son propre itinéraire mystique.
Abdelkader va en effet accomplir en sa personne la réalisation de a/-insan al-kamil (I'homme parfait) dans l'exil, dans son refus, dans l'ascèse et dans l'extase.
Cette sainteté est masquée par son destin éclatant, mais, à ceux qui savent lire son oeuvre magnifique, Abdelkader fait oublier que, par delà le Sabreur magnanime, il est sans doute l'un des plus grands mystiques de l'islam après son maître Ibn Arabi.
S'il rejoint Damas dans son exil, en 1855, c'est pour se rapprocher du plus grand des maîtres spirituels: la maison dans laquelle il s'installe est celle où le maître andalou est mort six siècles plus tôt.
C'est à côté de la tombe d'lbn Arabi qu'il est inhume avant que les autorités algériennes ramènent ses cendres à Alger en 1966.
L'itinéraire spirituel de l'émir est marqué par son initiation à au moins trois confréries: la Qadriya, la Naqshabandiya et la Chadhiliya.
C'est en ce sens que la franc-maçonnerie lui apparaîtra comme la tariqa (la voie) occidentale ce qui explique en partie son acceptation ultérieure.
Mais c'est parce qu'il est avant tout musulman qu'il va s'opposer aux Français.
En 1832 il proclame le jihad et défend le Dar al-lslam ce qui va le conduire à créer un Etat relativement indépendant bien qu'éphémère et fera ainsi de lui le fondateur de la nation algérienne.
Après sa réddition commence une période d'exil contradictoire dans ses effets car, malgré les promesses qui lui ont été faites, Abdelkader est retenu prisonnier en France et en même temps, il réfléchit, étudie correspond, écrit et reçoit beaucoup.
Napoléon 111, qui pense à ses projets d'Empire arabe, lui annonce le 16 octobre 1852 que la France l'autorise à s'installer en Turquie et va lui verser une pension suffisamment importante pour que certains auteurs aient pu émettre des opinions malveillantes.
C'est lors des émeutes antichrétiennes, qui se produisent à Damas en 1860 que va se constituer l'hagiographie française: son geste de protection envers les chrétiens lui vaut d'être couvert d'honneurs en Europe.
Napoléon III rêvait de reconstituer un Empire arabe au Moyen-orient mais, lors de l'expédition française en Syrie (1860-1861), il se heurta au refus catégorique d'Abdelkader dont il voulait faire l'empereur d'Arabie.
A Damas où il est exilé l'émir adhère à la franc-maçonnerie.
C'est au moment où il a accompli la totalité de son parcours spirituel et où il n'a en rien abandonné les affaires privées, économiques et publiques, qu'il accepte l'invitation maçonnique.
Il vit en effet une sorte d'incognito spirituel alors même qu'il joue son rôle dans les affaires publiques, mais comme s'il en était absent.
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Max Weber appelait cet « idéal type »: la virtuosité religieuse/ Innenseltlich / Aussenweltlich : intra ou extra mondanité...
L'émir écrit dans ses poèmes métaphysiques:
Seul peut savoir ce que je dis ici l'initié
dont l'être et le rang
sont passés au-delà du monde et de
l'existence.
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et dans sa lettre ésotérique aux Français:
La religion est unique.
Si les musulmans et les chrétiens me
prêtaient l'oreille, je ferais cesser leurs
divergences et ils deviendraient frères à
l 'intérieur et à l 'extérieur.
Apres les avènements sanglants de Damas, Abdelkader fut couvert d'honneurs et de décorations, cette affaire lui permit de rencontrer les francs-maçons: une fois encore bien qu'il n'en sut rien lors de la première occasion.
En effet, certains protagonistes de la séquence algérienne étaient des maçons en place autour de Bugeaud, lui-même franc-maçon: de Ben Duran au baron Desmichels en passant par le sinistre interprète, le commandant Abdallah...
Cette fois, les choses sont plus honorables mais pas moins ambiguës.
Aussi dès le reçu de la première lettre du Grand Orient de France le félicitant de son action, I'émir se fait expliquer les tenants et les aboutissants de l'honorable société par un Libanais parmi les rares maçons arabo musulmans connus de l'époque et qui est de ses amis: Shahin Makarius; celui ci est tellement intime qu'il initiera plus tard deux des fils de l'émir (Muhyiddin l'âme, et Mohammad) à sa loge La Palestine a Beyrouth, tandis qu'un troisième fils sera reçu à Damas, bien plus tard: l'émir Omar qui, initié à La Lumière de Damas, finira Haut Grade de la loge Les Admirateurs de l'Univers à Paris.
Enfin un quatrième fils de l'émir a été Maçon: Ali ibn Khalil.
Nous n'avons pas la preuve qu'il en ait parlé avec Churchill qui est le premier (1867) biographe à signaler l'initiation de l'émir: les patrons de la maçonnerie britannique sont toujours à cette époque là des militaires et des consuls, et, les Frères voyagent beaucoup entre l'Egypte, la Syrie et le Liban . .
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Le témoignage d'un visiteur américain franc-maçon, Robert Morris est très précis sur la rencontre qu'il fit à Damas le 7 avril 1868; le frère Nazif Meshaka l'emmena, apres la tenue maçonnique, chez l'émir qui lui donna << l'accolade fraternelle >>.
Ce jour la étaient présents, outre les fils maçons de l'émir, le marseillais Joseph Pilastre, membre de la Loge La Vente, ainsi que plusieurs membres de la grande famille 'Azm de Damas..
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C'est donc dans ce contexte euphorique que les francs-maçons se manifestent pour féliciter eux aussi l'émir.
Une première lettre émane de la loge parisienne Henri lV.
qui a d'abord offert un bijou a l'émir.
Celui-ci ne pouvait pas rester insensible a cette médaille qui était un symbole très parlant: un cercle pose sur un double carré rayonnant avec, au centre, sur fond d'émail vert, une équerre à laquelle sont suspendus les éléments du théorème du carré de Pythagore.
Abdelkader a pu se dire que les francs-maçons avaient peut-être quelque chose dans leur besace.
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Comme nous savons qu'il y a eu plusieurs demandes adressées à l'émir il est intéressant de se demander pourquoi il n'a répondu qu'à celle-ci.
Une partie de la réponse se trouve précisément dans cette lettre.
Tout d'abord, c'est une demande explicite: elle propose à l'émir de devenir à la fois un enfant de cette maçonnerie qui est la mère de tous les hommes de bonne volonté qui pratiquent la fraternité et, en même temps, un Frère du groupe des francs-maçons.
Les francs-maçons se disent les << Enfants de la Veuve >>, et le rapport Père-Frère est très occulte dans une confrérie dont les membres tuent (symboliquement) le Maître fondateur, Hiram dans un rituel et un grade d'accomplissement.
L'émir a du être sensible à cette invite car il ne pouvait que sourire de l'image triadique que les maçons lui proposent de l'islam: leur lecture est aux antipodes de la sienne.
Les maçons pensent à la force guerrière (I'image de l'émir combattant qui va revenir sans cesse dans toute cette affaire), à la science (Ibn Rochd/Averroes et les rappels de la grandeur des Arabes sur ce plan) et à la philosophie (al-Farabi).
Or, et même si cela est.
I'émir pense à la force de la gnose au courage et à la sensualité comme on peut le constater dans ses propres réponses, et cela posera des problèmes de traduction aux Frères..
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Nous possédons au moins une autre lettre adressée à l'émir qui conforte cette hypothèse Certes, à la première lecture, il s 'agit de la même image française d'un Abdelkader protecteur des victimes du fanatisme C'est celle de la loge La Sincère Amitié, cosignée par Murat.
Cette lettre est beaucoup plus de forme chrétienne; or cette loge comprenait en son sein l'ambassadeur du Shah et plusieurs Persans musulmans.
Alors que la loge Henry IV s'est efforcée de situer sa lettre dans une certaine connaissance culturelle arabo musulmane, le texte de La Sincère Amitié commence par: ,(11 n'y a que Dieu qui soit Dieu >> et insiste sur Dieu le père.<< Notre père commun >> Ie Grand Architecte de l'Univers >> et <>, alors que la lettre de la loge Henry IV ne fait allusion qu'a ce ( Dieu que nous adorons tous).
L'émir a choisi de répondre à la première loge.
Il a préféré la thématique Père-Frère parce que c'était son vécu maghrébin.
Il n'avait en effet pas un inconscient structuré de façon oedipien; son père a joue un rôle capital dans son initiation, et, a travers la voie de la Qadriya, il est à l'origine du glissement d'Abdelkader vers Ibn Arabi.
Or l'émir ne croit pas au hasard, car à Amboise il a parcouru le dévoilement et il ne prend plus, ni la vision, ni le songe, a la lettre... D'autre part sa mère vient de mourir et l'a ainsi libéré pour son dernier parcours: entre 1861 et 1865, Il ne fait que voyager y compris aux Lieux Saints.
L'hagiographie maçonnique d'Abdelkader commence par la brochure n° 293 du Grand Orient de France (1865); dans le contexte anti-maçonnique de la Gazette de France, les francs-maçons valorisent à travers l'initiation de l'émir à la loge Les Pyramides, le 18 juin 1864 le fait qu'ils récompensent l'homme ayant sauvé 125 000 chrétiens du fanatisme.
En fait, Abdelkader se comporte comme tout musulman pieux le ferait envers les dhimmis (protégés) et il utilise pour cela, dans le cas grave d'une émeute, la notion et la pratique du horm, de la protection dans une enceinte sacrée.
Et lorsque les maçons y voient une oeuvre essentiellement maçonnique par anticipation, ou encore que l'Orateur de la loge Henry IV voit le <>, c'est parce qu'ils n'ont pas perçu que cette action était essentiellement musulmane et ses paroles strictement coraniques.
B.E.
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