Ce témoignage poignant sur l'état du patrimoine Algérien. Par David MDN
AbandonnĂ©e depuis des dĂ©cennies, la synagogue Chaloum-Lebhar dont le nom est souvent «latinisĂ©» en Samuel Lebar est en piteux Ă©tat. Son toit, par exemple, menace ruine. Ce temple israĂ©lite a Ă©tĂ© fondĂ© en 1894 Ă la rue de Dijon, aujourd’hui la rue Hattab Bey Slimane, Ă Bab El-Oued, Ă un jet de pierre de la mer.
Avant 1830, il y avait beaucoup de synogogues Ă Alger et dans le reste du pays.
« L’occupation progressive du territoire algĂ©rien par la France Ă partir de 1830 modifie en quelques annĂ©es le paysage des synagogues. En effet, la premiĂšre action du gĂ©nie militaire a consistĂ© Ă remodeler les villes conquises pour faciliter les manĆuvres de l’armĂ©e ; c’est lĂ l’origine des nombreuses ‘’places d’armes’’ du pays et des ‘’champs de manĆuvre’’. Bien plus, le percement de rues assez larges et rectilignes pour le passage des troupes a impliquĂ© la destruction de trĂšs nombreux bĂątiments, souvent mĂȘme de quartiers entiers. Ni les mosquĂ©es ni les synagogues ne furent Ă©pargnĂ©es par ces dĂ©molitions massives. Ainsi, la synagogue de BĂŽne fut supprimĂ©e pour l’ouverture de la porte Saint-Augustin, une autre Ă Mostaganem pour le percement de la rue Porte-Neuve», Ă©crit ValĂ©rie Assan dans son livre Les synagogues dans l'AlgĂ©rie coloniale du XIXe siĂšcle (2004).
«Ă Alger, l’ampleur des destructions est saisissante. Une liste dressĂ©e en 1848 par le Consistoire algĂ©rien, organe tout juste crĂ©Ă© par l’Ătat français, rĂ©vĂšle qu’au moins onze «temples» juifs ont Ă©tĂ© dĂ©molis (...) On peut penser que presque toutes les synagogues de la ville ont disparu en quelques annĂ©es. Beaucoup d’entre elles constituaient des tĂ©moignages du judaĂŻsme algĂ©rien dont on peine aujourd’hui Ă imaginer la richesse : telle la synagogue Siari, aux murs ornĂ©s des textes de son propriĂ©taire, le poĂšte Abraham Siari, disparu en 1714 (...) D’aprĂšs cette liste, il semble que le seul lieu de culte appartenant Ă la communautĂ© qui n’ait pas Ă©tĂ© dĂ©truit soit la synagogue Hara, rue Bab El-Oued», rĂ©vĂšle encore Assan.
Pour revenir Ă la synagogue du quartier de Bab El-Oued, en 1891, Chaloum Lebhar avait cĂšdĂ© au consistoire d’Alger un terrain de 180 mĂštres carrĂ©s, rue Dijon, pour qu’une synagogue y soit construite. En Ă©change, il demande, notamment, l’inscription de son nom sur la façade et Ă l’intĂ©rieur du temple.
Il resterait aujourd’hui en AlgĂ©rie une trentaine d'Ă©difices religieux israĂ©lites. Mais aucun d'entre eux n'abrite d'office juif. Les plus cĂ©lĂ©bres sont La Grande Synagogue d'Oran et La Grande Synagogue d’Alger. La premiĂšre est une des plus grandes synagogues d'Afrique du Nord et l'une des plus imposantes du monde. Elle aurait Ă©tĂ© construite avec des pierres de taille importĂ©es de JĂ©rusalem. La Grande synagogue d’Oran a Ă©tĂ© transformĂ©e en mosquĂ©e en 1972 et porte le nom de Abdallah Ben Salem, un juif converti Ă l'Islam. La grande synagogue d’Alger, dite de la place du Grand rabbin Bloch, est elle aussi aujourd’hui une mosquĂ©e. Les AlgĂ©rois appellent maintenant tout le quartier «DjamaĂą Li houd» qui signifie dans le parler local «la mosquĂ©e des juifs» !
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