Guerre d’AlgĂ©rie : Macron reconnaĂźt la responsabilitĂ© de l’Etat dans la mort de Maurice Audin, torturĂ© par l’armĂ©e française
La RĂ©daction
Le geste Ă©tait attendu depuis soixante et un ans par la famille de Maurice Audin. Le 18 juin 2014, François Hollande avait fait un premier pas en reconnaissant que Maurice Audin ne s’Ă©tait pas Ă©vadĂ©, contrairement Ă la version officielle, et Ă©tait mort en dĂ©tention. Le prĂ©sident socialiste n’avait toutefois pas voulu aller plus loin. Quant Ă Nicolas Sarkozy, il n’avait pas mĂȘme rĂ©pondu Ă la lettre que Josette Audin, la veuve de l’universitaire, aujourd’hui ĂągĂ©e de 87 ans, lui avait adressĂ© Ă l’ElysĂ©e.
Retour sur les faits. Le 11 juin 1957, la bataille d’Alger oppose les parachutistes français aux indĂ©pendantistes algĂ©riens du FLN. Alors que Maurice Audin, 25 ans, est Ă son domicile algĂ©rois avec son Ă©pouse et leurs trois enfants, des parachutistes français font irruption chez eux et procĂšdent Ă son arrestation. Le mathĂ©maticien, militant communiste anticolonialiste, est soupçonnĂ© d’hĂ©berger des membres de la cellule armĂ©e du Parti communiste algĂ©rien.
Retenu dans une villa du quartier d’El Biar, il est alors torturĂ©, comme en tĂ©moignera plus tard Henri Alleg, directeur de journal, aux mains des militaires en mĂȘme temps que lui. Alleg sera le dernier Ă voir vu Audin vivant. Il Ă©crira un ouvrage autobiographique sur la torture en 1958 (La question). Plusieurs jours aprĂšs l'arrestation, des militaires informent Josette Audin de la prĂ©tendue Ă©vasion de son mari lors d’un transfert. C'est la version officielle que tiendra l'Etat français jusqu'en 2014. L'Ă©pouse porte plainte contre X pour homicide le 4 juillet 1957.
En 1958 est publiĂ©e une enquĂȘte de l'historien Pierre Vidal-Naquet (L'affaire Audin) qui dĂ©montre qu'il y a pas eu d'Ă©vasion : Maurice Audin est mort alors qu'il Ă©tait aux mains des parachutistes. Son corps n'a jamais Ă©tĂ© retrouvĂ©. L'acte de dĂ©cĂšs de Maurice Audin sera Ă©tabli en 1963, un an aprĂšs qu'un non-lieu a Ă©tĂ© prononcĂ©.
Emmanuel Macron a dĂ©cidĂ© de ne pas s’arrĂȘter au cas Audin. Pour la premiĂšre fois, le prĂ©sident va reconnaĂźtre Ă©galement officiellement que l’Etat a failli en permettant le recours Ă la torture lors de la guerre d’AlgĂ©rie. "Si la mort [de Maurice Audin] est, en dernier ressort, le fait de quelques-uns, elle a nĂ©anmoins Ă©tĂ© rendue possible par un systĂšme lĂ©galement instituĂ© : le systĂšme “arrestation-dĂ©tention”, mis en place Ă la faveur des pouvoirs spĂ©ciaux qui avaient Ă©tĂ© confiĂ©s par voie lĂ©gale aux forces armĂ©es Ă cette pĂ©riode", explique l’ElysĂ©e.
En 1956, le Parlement français avait votĂ© une loi donnant carte blanche au gouvernement pour rĂ©tablir l’ordre en AlgĂ©rie. Elle avait permis l’adoption d’un dĂ©cret autorisant la dĂ©lĂ©gation des pouvoirs de police Ă l’armĂ©e, lequel dĂ©cret avait Ă©tĂ© mis en Ćuvre en 1957 par arrĂȘtĂ© prĂ©fectoral, d’abord Ă Alger, puis dans toute l’AlgĂ©rie. C’est ce "systĂšme lĂ©galement instituĂ© qui a favorisĂ© les disparitions et qui a permis la torture Ă des fins politiques", estime le texte de l’ElysĂ©e.
Pour Rosa Moussaoui, journaliste à l'Humanité et spécialiste de l'Algérie, le geste d'Emmanuel Macron est historique.
"La France regarde enfin lucidement une page sombre de son histoire. Des plaies peuvent maintenant ĂȘtre pansĂ©es. Il Ă©tait temps... C’est historique, l’issue de 61 ans de combat, une grande Ă©motion, un immense soulagement... Ce geste est de la mĂȘme portĂ©e que la reconnaissance par Jacques Chirac, en 1995, du rĂŽle de l’Etat dans la dĂ©portation des juifs de France".
source:lecourrierdel'atlas
Getting Info...