Dans les milieux alternatifs circule
principalement l’idée que les grandes entreprises de médias et, par
extension, les médias qu’elles contrôlent, sont des armes dans les mains
des puissants pour développer les guerres et contrôler le pouvoir. Mais
la politologue Ángeles Díez est allée un pas plus loin : ces grands
groupes commerciaux sont « en eux-mêmes la guerre et le pouvoir ». De
fait, leurs principaux intérêts souvent ne se trouvent même pas dans les
milieux de la communication, mais dans le secteur du pétrole et autres
domaines de l’économie.
Il suffit de s’en remettre aux preuves.
L’industrie militaire et les entreprises de médias, de relations
publiques, sont celles qui déplacent le plus d’argent dans le monde.
« Nous nous trouvons vraiment devant un grand commerce », estime Diez.
Pour analyser la notion de propagande, il ne faut pas tomber dans le
simplisme. Ángeles Díez la considère au sens large : « La propagande est
un système complexe dans lequel ne participent pas seulement les
milieux de la communication ; elle circule dans tous les espaces de
sociabilité (dans les écoles, dans la rue, dans les cafés) ». Quant à la
propagande de guerre, elle utilise des mécanismes chaque fois plus
sophistiqués et efficaces, car la manipulation grossière reste beaucoup
plus facile à découvrir par le public.
Un de ces mécanismes est de
« vendre » la guerre comme « humanitaire ». Cela a été testé, rappelle
Ángeles Díez, pour la première fois dans le conflit de Yougoslavie
(1999) et ce système s’est répété depuis dans les guerres d’Afghanistan,
en Irak, en Libye et en Syrie. Que signifie une « guerre
humanitaire » ? D’abord, « en appeler aux émotions et à la bonne
conscience des gens ; mais aussi présenter le conflit en termes
manichéens, comme une guerre entre le bien et le mal ; en plus, l’ennemi
incarne une méchanceté absolue qu’il faut personnaliser, par exemple
dans la personne de Saddam Hussein, Khadafi, ou Bachar El Assad ». De la
même manière, on multiplie les appels à la « liberté » et à la
« démocratie ».
..... Un autre aspect, souligné par Ángeles Díez, qui contribue à ce que la
propagande belliciste soit fructueuse, c’est la prolifération des
euphémismes. Des mots comme « régime », « intervention militaire » ou
« aide aux insurgés » cachent d’autres réalités, bien plus obscures.
L’utilisation du terme « terroriste » est aussi totalement calculée....
Finalement, étant donné que la propagande est un système complexe et
embrasse un champ beaucoup plus large (« on l’utilise autant pour vendre
une guerre que des produits dans un grand magasin »), combattre cette
propagande demande des solutions de grande envergure : « il faut une
éducation pour comprendre les médias, parce que nous sommes sans
défense », conclu la professeure.
par Enric Llopis
« Les médias sont les premiers mécanismes de destruction massive »
La Rédaction