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Le Soudan après la dictature

La Rédaction


La président soudanais Omar Al-Bachir a été destitué par l’armée. En décembre 2018, sa décision de tripler le prix du pain avait provoqué un soulèvement populaire dans les principales villes du pays. Le 22 février dernier, face à la vigueur et à la persistance des manifestations demandant sa démission, le président, en fonction depuis 1989, a déclaré l’état d’urgence.

Samedi 6 avril — date anniversaire de la révolution de 1985 —, une marée populaire a déferlé sur Khartoum. Réprimée dans le sang, cette manifestation s’est poursuivie depuis lors, chaque jour, devant le quartier général de l’armée, jusqu’à la destitution de M. Al-Bachir jeudi 11 avril.

En 1985, quelques mois après la révolution, Alain Gresh s’était rendu sur place pour raconter le « printemps soudanais », ses promesses et ses difficultés (lire aussi « Dix jours qui ébranlèrent le Soudan », écrit par Éric Rouleau au lendemain de la révolution de 1964).

Khartoum émerge peu à peu de sa léthargie. Les grandes chaleurs des mois de mai et juin font place à un climat plus respirable. La fin du Ramadan, la rentrée universitaire — fixée ici au 1er juillet — font revivre la ville qui s’était accordée une pause après les dramatiques événements des mois de mars et avril. L’aspect extérieur de la capitale s’est peu modifié ; et seule la disparition des slogans favorables à M. Nemeiry et à l’islamisation dit que quelque chose a changé. Des grappes d’enfants abandonnés, vivant dans la rue, subsistant grâce à la charité, témoignent d’une misère toujours recommencée.

Pourtant, l’ambiance n’est plus la même. Rien à voir avec l’atmosphère pesante, policière des dernières années de la dictature. Un air de liberté flotte sur Khartoum. La presse offre un exemple sans équivalent dans le monde arabe ou en Afrique. Limitée pour l’instant à deux quotidiens, propriété de l’Etat (1), elle se distingue par une surprenante indépendance de ton ; même si elle tient parfois plus de la tribune libre que du journalisme d’information. Mais après seize ans de silence... Ici une attaque contre le ministre des affaires étrangères, qui refuse de répondre à une question concernant l’extradition de M. Nemeiry. Là une tribune contre le ministre de la défense, qui dénie aux officiers limogés sous le régime précédent la réintégration dans l’armée. Dans Al Ayam, le syndicat des journalistes annonce le boycottage de toute information provenant du ministère de l’intérieur après que la police eut brutalisé un confrère. Dans Al Sahafa, le « premier flic du Soudan », personnage controversé, se défend de toute implication dans un trafic de drogue. Cette liberté, à peine reconquise, impulsée de manière dynamique par le ministre de l’information, est considérée par tous comme essentielle. « Nous pouvons aujourd’hui parler à notre guise, nous organiser, réclamer nos droits, me dit un chauffeur de taxi. C’est un début. Mais, pour les problèmes économiques, il faudra plus de temps pour refaire ce que le boucher Nemeiry a défait en seize ans. »

La « révolution » n’a évidemment pas fait disparaître comme par magie les défis auxquels sont confrontés 22 millions de Soudanais. La famine d’abord ; elle touche plusieurs millions de personnes. En particulier l’Ouest soudanais, qui risque de connaître, suivant les dires de M. Maurice Strong, directeur exécutif des secours d’urgence de l’ONU à l’Afrique, une « catastrophe absolue ». Le désastre est d’autant plus grand que le régime du maréchal déchu a tout fait pour cacher la situation — et l’aide internationale est donc arrivée avec retard. Cette famine se greffe sur une économie exsangue. Une étude récente (2) montre que 80 % des capacités industrielles du pays sont inusitées et que le restant fonctionne au tiers des possibilités. L’agriculture — en particulier le coton — a souffert de l’incurie générale avant d’être touchée par la sécheresse. L’« islamisation » de l’économie a effrayé nombre de capitalistes, soudanais et étrangers. De ce point de vue, la « révolution » a eu des effets immédiats. « Un grand nombre de Soudanais. en particulier des coptes, quittaient le pays devant les incertitudes économiques et politiques, écrit le dirigeant des opérations de la Banque du Soudan. Ils avaient besoin de devises pour leur voyage et leur réinstallation. Le résultat était une forte demande en devises et donc une dévaluation de la livre soudanaise… Aujourd’hui, les gens sont dans l’expectative. » La livre a ainsi légèrement gagné par rapport au dollar. Le marché noir des devises a fortement diminué.

Les Soudanais travaillant à l’étranger — entre 500 000 et 1 500 000, suivant les évaluations — ont augmenté leurs envois au pays. Mais ce léger mieux ne saurait masquer l’immensité du fardeau économique que symbolise la dette extérieure. Elle est aujourd’hui de 11 milliards de dollars et passera à 13 milliards à la fin de la période de transition. Le Soudan doit rembourser — mais il est bien incapable de le faire — 800 millions de dollars par an (dont 350 millions d’intérêts), soit l’équivalent de l’ensemble des exportations de biens et de services pour l’année 1983. Le rééchelonnement de la dette est au centre des préoccupations gouvernementales. Des négociations ont commencé avec le Fonds monétaire international (FMI), dont une délégation s’est rendue au Soudan au mois de juin : elles furent d’autant plus difficiles que « la formulation d’un programme économique est une précondition à la reprise de relations normales avec le FMI. Cela, en retour, ouvrira la voie à des réunions du groupe consultatif et du Club de Paris (3) », qui sont habilités à décider l’avenir de cette dette.

Mais cette formulation tarda : à venir la politique économique divise les dirigeants, comme l’ont illustré la démission — reprise — du ministre des finances à la fin du mois de juillet ainsi que le limogeage du directeur de la Banque centrale, hostile une politique à une politique économique « trop influencée par les syndicats ». De plus en plus de voix s’élèvent pour demander, sinon une annulation pure et simple de la dette, au moins un moratoire de trois ans. Un sujet de débats parmi d’autres, qui montre que le pouvoir issu des manifestations de mars et du coup d’Etat du 6 avril est loin d’avoir fait la clarté sur ses choix.


Insurrection de mars, coup d’Etat
On connaît les conditions des mutations à Khartoum. A la fin du mois de mars, l’annonce de l’augmentation des prix des produits de première nécessité, sur l’injonction du FMI, provoque de premières manifestations. Le 2 avril, huit syndicats professionnels — médecins, avocats, enseignants de l’université, etc. — appellent à un manifestation pour le lendemain et à une « grève politique générale jusqu’à la suppression du régime actuel ». Le 3, une marée populaire déferle sur Khartoum, mais aussi sur les principales villes du pays ; la grève paralyse les institutions et l’économie : elle se poursuit jusqu’au 6 avril.

Ce jour-là, alors que M. Nemeiry est toujours à l’étranger, une junte militaire dirigée par le général Siwar Al Dahab, constituée par le haut commandement, le renverse. Le 9, elle se transforme en Conseil militaire transitoire (CMT), qui concentre l’essentiel des pouvoirs. Le 10, l’Alliance nationale, composée des syndicats et des partis politiques — dont les deux grandes formations traditionnelles, l’Oumma et le Parti unioniste démocratique (PUD), ainsi que le PC. — et qui a dirigé la grève, arrive à un accord, ambigu donc précaire, avec les militaires. Une transition d’un an se met en place à l’issue de laquelle des élections rendraient le pouvoir aux civils. Durant ces douze mois, le CMT et un conseil des ministres « partageront » le pouvoir législatif alors que le CMT conserve le pouvoir constitutionnel.

Deux éléments, contradictoires, se dégagent de ce bref rappel. Le rôle de la « grève politique de masse » d’abord. Comme en octobre 1964, pour faire tomber le premier dictateur militaire, le maréchal Abboud, elle a joué un rôle décisif. Le souvenir de l’« octobre soudanais » a plané sur les dernières années du régime Nemeiry. Il y a là le signe d’une expérience et d’une mémoire originales nées de l’histoire du mouvement démocratique soudanais. Les seize ans de dictature militaire n’ont pas suffi — contrairement à ce qui s’est passé en Irak, en Syrie et dans une moindre mesure en Egypte — à éradiquer les forces politiques, de droite et de gauche, à effacer les souvenirs d’un temps où la presse était libre, les partis politiques actifs, les syndicats combatifs et indépendants.

Comment expliquer alors que la hiérarchie militaire ait été capable de fixer certaines limites aux transformations ? C’est que la répression systématique et sanglante a tout de même affaibli les forces politiques. Le mouvement syndical ouvrier, contrairement à la situation qui prévalait en octobre 1964. a été caporalisé. L’ampleur de la crise économique, la famine, l’émigration de plusieurs centaines de milliers de Soudanais dans le Golfe ont désorganisé la société civile. Le PC, qui joua un rôle moteur en octobre 1964, a été décimé et contraint à une dure clandestinité ; les syndicats professionnels — où il était hégémonique il y a vingt ans — sont passés aux mains de personnalités connues pour leurs options anti-Nemeiry mais rien moins que révolutionnaires. Dans ces conditions, le mouvement populaire était assez fort pour renverser M. Nemeiry et imposer un début de changement de régime, mais non pour conduire celui-ci à un terme plus radical.

Nous sommes au Staff Club, le club des enseignants de l’université de Khartoum, haut lieu du "printemps soudanais". Après une période de calme, due aux vacances universitaires, il renaît à la vie politique et syndicale. Là on perçoit les premiers signes de tension entre les syndicats et les militaires. M. Souliman Baldo est enseignant de français : il a joué un rôle actif durant la dernière année universitaire pour faire connaître à l’étranger les ravages de la famine (4) ; porte-parole de l’Alliance syndicale (AS) (5), il représente la nouvelle génération d’intellectuels, plus politisée, plus déterminée, que celle de ses aînés : "Les malentendus avec les militaires, dit-il, viennent du fait qu’ils ne respectent pas le texte de l’accord que nous avons signé avec eux" Suit une liste impressionnante de malentendus qui ressemblent fort à des divergences. « La future Constitution d’abord. L’AS s’est prononcée pour le rétablissement de la Constitution de 1956 ; légèrement amendée en 1964. Le conseil militaire, lui, a fait élaborer un nouveau texte. La période de transition, ensuite. Il est clair qu’elle va durer plus d’un an et qu’il n’est pas possible d’organiser des élections en avril 1986. Raison de plus pour que le CMT ne monopolise pas les pouvoirs législatifs, ce qu’il fait actuellement ; pour que l’on accélère le démantèlement du système politique mis en place par M. Nemeiry — en particulier en abolissant les lois “islamiques” de septembre 1983, — pour que l’on poursuive avec plus de vigueur les responsables de l’ancien régime. Les problèmes économiques restent non résolus. Et cela sans parler du Sud ou de la politique étrangère... »


Civils et militaires
Le premier débat, et le plus important, porte sur la liquidation des structures de l’ancien régime. Sujet décisif qui engage l’avenir. Après la destitution de M. Nemeiry. des pas ont été franchis avec la dissolution du parti unique — l’Union socialiste soudanaise — et des organisations de masse inféodées, le démantèlement de la puissante organisation de la sécurité d’Etat (6). Mais on est loin de la « table rase » souhaitée par beaucoup. Un exemple, la Confédération des syndicats ouvriers. C’est à la hâte que, le 9 mai, est convoqué un congrès extraordinaire alors que la législation du travail est restée inchangée : on se débarrasse des éléments les plus compromis, mais on maintient l’essentiel de la direction et des structures. Ce « changement dans la continuité » n’aurait pas été possible sans l’esquisse d’une alliance entre les partis traditionnels, des éléments nemeiristes "ralliés", et l’« Orientation islamique (7) ».

Autre exemple, les poursuites contre les anciens dignitaires. Sous la direction du procureur général se sont constitués vingt-sept commissions d’investigation : elles enquêtent soit sur des institutions (banques, radio-télévision, sécurité d’Etat...), soit sur des personnalités (Nemeiry, le vice-président Omar Al Tayib, qui, lui, est détenu au Soudan...). soit sur des « affaires » — dont la plus importante est celle de l’exode des falachas, pour laquelle des millions de dollars de pots-de-vin ont « arrosé » les divers échelons de la bureaucratie. Si, chaque jour, la presse apporte sa moisson de révélations (8), la lenteur de la justice paraît surprenante. Cent soixante-dix personnes seulement ont été arrêtées, dont la moitié en province, et plusieurs anciens responsables ont été libérés après de brefs séjours en prison. C’est que ces enquêtes ne pourraient s’arrêter aux portes du CMT. Imagine-t-on, par exemple, que l’exode des falachas ait pu s’organiser sans qu’aucun officier du haut commandement de l’armée n’ait été informé ? Les mêmes atermoiements sont d’ailleurs constatés pour la réintégration de tous ceux qui ont été licenciés pour motifs syndicaux ou politiques ; ils sont pourtant quelques dizaines de milliers (9).

Dernier exemple, les lois islamiques de septembre 1983. Leur abrogation était une demande fondamentale de l’Alliance nationale, une exigence centrale des manifestations populaires. Plusieurs de nos interlocuteurs y voient « une nécessité, un pas important vers la démocratisation de la société, dans la stabilisation de la démocratie ». Pourtant on sent, en cet été 1985, des hésitations, des reculs. Le CMT ne se prononce pas ; le Parti unioniste démocratique demande leur « amendement » ; l’Orientation islamique mène une violente campagne pour leur maintien sous le mot d’ordre : « Elle ont été imposées par le peuple, elles seront maintenues, grâce au peuple ».

Ces débats prouvent que l’Alliance nationale est loin d’être un bloc homogène. Il y a bien sûr des points de consensus nécessité du retour à un état de droit, indépendance de la magistrature, liberté de la presse, politique étrangère plus équilibrée, etc. Mais le large front antidictatorial qui s’est constitué ne saurait masquer des divergences parfois profondes.

Parmi la quarantaine de partis qui constituent l’« aile politique » de l’Alliance, rares sont ceux qui pèsent d’un poids réel. A droite, les deux grands partis traditionnels, l’Oumma et le Parti unioniste démocratique (PUD), émanation des deux puissantes confréries islamiques, les Ansars et la Khatmiya, qui ont dominé la vie politique durant les quinze premières années qui ont suivi l’indépendance. Passés dans l’opposition au pouvoir des « officiers libres » — après le 25 mai 1969, — ils constituent, avec les Frères musulmans, le Front national, qui tente à plusieurs reprises — avec l’aide de Tripoli mais aussi de Riyad — de renverser Nemeiry. La « réconciliation nationale » de 1978 marque une pause. Mais, à partir de 1980, les composantes du Front — à l’exception des Frères musulmans, qui s’intègrent totalement au régime — prennent à nouveau leurs distances. A la fin de 1983, M. Sadiq Al Mahdi, le dirigeant de l’Oumma, est arrêté pour s’être opposé à la manière dont on appliquait la Shari’a, « On ne coupe pas la main à un homme qui vole parce qu’il a faim », avait-il osé prétendre.

L’Oumma et le PUD participent donc à la mise sur pied de l’Alliance nationale et acceptent son programme. Pourtant, dès la chute de M. Nemeiry, des différences se font jour. L’Oumma et le PUD craignent une radicalisation du mouvement. Liés à l’Arabie saoudite, ils favorisent une approche "réaliste"des relations avec les Etats-Unis. Forces islamiques elles sont embarrassées face à la question de la Shari’a. Ce qui n’empêche pas des différences d’approche ou une « sensibilité » au mouvement populaire. Ainsi, le parti Oumma dénonce-t-il, en commun avec le Parti communiste, le rôle du FMI.

A gauche : quelques petites formations (baasistes, nassériens...), mais surtout le Parti communiste soudanais. Fondé au lendemain de la seconde guerre mondiale, il devient rapidement une force décisive dans le "secteur moderne" ; hégémonique dans la classe ouvrière, très influent parmi les professionnels et dans certains secteurs de la paysannerie, il dispose aussi de points d’appui dans l’armée. Son opposition à M. Nemeiry en 1970-1971 l’amène à une confrontation ouverte avec le régime ; elle se termine par un bain de sang, l’exécution de centaines de militants, la liquidation physique de certains de ses dirigeants les plus prestigieux : Abdel Khaliq Mahjoub, son secrétaire général, Chafi’Al Cheikh, le dirigeant des syndicats, le sudiste Joseph Garang. Contraint à une clandestinité totale, il a perdu beaucoup de ses atouts. Mais il reste une force bien organisée, disposant de cadres solidement formés et d’une direction respectée par toutes les composantes de la vie politique. S’il ne peut plus s’identifier avec toute la gauche, l’échec des diverses tentatives, depuis avril, pour constituer des organisations socialistes ou social-démocrates permet au Parti communiste d’exercer une grande influence idéologique, d’autant qu’il s’est bien intégré au mouvement du mois de mars.

Mais il est difficile d’évaluer aujourd’hui l’impact réel de chacune de ces formations. M. Mahjoub Mohamed Saleh est le nouveau directeur du quotidien Al Ayam : il en était le propriétaire avant sa nationalisation, le 30 août 1970. Il explique le pourquoi de cette situation « En seize ans de pouvoir personnel, l’ancien édifice politique a été mis à bas. Les partis se sont affaiblis parce qu’ils travaillaient dans des conditions difficiles, dans la clandestinité. Les grands partis dépendaient plus de leaders charismatiques que d’un programme ou d’une discipline de parti. Or ils ont disparu (10). Un groupe de la population, les dix-huit/trente-cinq ans, ne connaît presque rien de ces forces... A cela s’ajoutent les transformations sociales : l’exode rural, la sécheresse et la désertification, qui ont poussé des millions de personnes à quitter leur zone d’habitation et détruit leur mode de vie traditionnel, la polarisation entre les riches et les pauvres, l’émigration... » Tout cela a sapé les bases de l’activité politique et se reflète dans la crise interne des deux partis traditionnels, qui sont divisés autant par des querelles de personnes que par des désaccords politiques.

Pour toutes ces raisons, la dynamique du mouvement repose en grande partie sur l’Alliance syndicale (AS). Elle regroupe aujourd’hui environ deux cents organisations de toute nature. Le noyau central est composé des syndicats qui ont été à l’origine de la grève générale avocats, médecins, enseignants, ingénieurs, employés de banque... Viennent ensuite les syndicats ouvriers qui se sont mis en marge de la Confédération. Puis des associations qui reflètent les intérêts régionaux (originaires du Sud des montagnes de Nuba, Beja...). Enfin, des regroupements divers et hétéroclites, mais qui illustrent une volonté réelle de s’organiser ; ainsi une association des victimes de la Shari’a regroupe ceux qui ont vu un de leurs membres amputé à la suite d’un « procès ». L’AS dispose de groupes équivalents dans toutes les grandes villes du Soudan, ce qui décuple ses forces (11).

Elle est bien évidemment aussi divisée en de nombreux courants, dont l’un, modéré, s’exprime souvent au conseil des ministres. Mais, globalement, l’AS s’en tient à son programme avec fermeté. Elle peut d’ailleurs voir reconnaître son rôle dans le futur Soudan et exige une nouvelle forme de représentation parlementaire. Un simple scrutin d’arrondissement favorise non seulement la corruption, mais aussi les allégeances tribales ou sectaires. Ce n’est plus un homme, une voix, mais un leader avec des milliers de voix automatiques. D’où la volonté de « récompenser » en donnant une plus grande représentation à ce que l’on appelle ici les « forces nouvelles » ou les « forces modernes ». Pour M. Awad Al Karim, secrétaire de l’Alliance syndicale, « 40 à 50 % des sièges de la future Assemblée constituante doivent nous être réservés à travers des collèges spéciaux (avocats, ingénieurs, ouvriers...). Les partis traditionnels acceptent le principe, même s’ils souhaitent réduire cette proportion à un tiers (12) ».

Mais le débat de l’heure porte sur la période de transition dont les observateurs disent qu’elle dépassera les douze mois prévus. Ils pensent aussi, que, dans l’état actuel des choses — et sauf détérioration de la situation, en particulier au Sud, — les militaires accepteront de remettre le pouvoir aux civils, si possible à une coalition « modérée » composée des deux grands partis traditionnels. Curieusement, c’est l’AN elle-même qui veut favoriser un rôle politique futur de l’armée pour sortir de l’alternance gouvernement civil/dictature militaire. Mais les formes constitutionnelles restent à trouver. En attendant, le CMT, jouant sur les divisions de l’AN, tente, en conservant le maximum de pouvoir, d’éviter tout dérapage.

L’armée ne forme pas un bloc homogène. Elle n’est pas coupée du reste de la population comme l’a montré le rôle des jeunes officiers dans le ralliement du haut commandement aux grèves de mars-avril. Le Conseil militaire lui-même reflète-t-il ces divisions ? Il est assez difficile de se faire une opinion sur ces généraux projetés brusquement sur le devant de la scène politique (13). Sur les relations régionales, certaines différences ont surgi, et le ministre de la défense, favorable à un rapprochement avec Tripoli au détriment du Caire, a menacé de démissionner au mois de juillet.

Mais, sur la politique intérieure, les différences sont plus atténuées, si on excepte, et ce n’est pas une mince affaire, les ambitions personnelles de chacun. Tous ces officiers supérieurs ont été mis en place par M. Nemeiry et on peut les identifier, en majorité, au-delà de telle ou telle divergence, avec le « courant conservateur ». D’où leur effort pour garder un strict contrôle de l’armée. Ainsi, pour la réintégration des officiers destitués par M. Nemeiry, non seulement le CMT refuse d’examiner leur cas, mais le même ministre de la défense s’est permis de les attaquer violemment, mettant en cause leur patriotisme. Autre signe la destitution, à la fin juin, de onze officiers qualifiés de « dogmatiques » (14) et la constitution d’une nouvelle liste de quatre-vingt-dix noms d’éléments « à purger ».

Interrogé à ce sujet, le major-général Fadl Allah Burma, membre du haut commandement, confie « Si on trouve le moindre signe, grand ou petit, qui, aujourd’hui ou dans l’avenir, peut mettre en cause l’unité de l’armée, nous l’éliminerons sans pitié. » Encore faudrait-il que ces « purges » ne soient pas dirigées contre un seul courant ! Mais si l’armée n’est pas encore « normalisée », il est impossible de dire si ces officiers contestataires représentent une force. L’Organisation des officiers patriotes qui a, à plusieurs reprises, diffusé des tracts attaquant violemment le CMT, ou l’Organisation des officiers libres, dont parle, à longueur d’émissions, la radio de la rébellion au Sud, sont-elles autre chose que des fantômes ?

Quoi qu’il en soit, c’est une lutte complexe pour le pouvoir qui se déroule à Khartoum. Elle ne met pas aux prises deux blocs homogènes, et la frontière qui les sépare est parfois difficile à tracer. Mais tous les protagonistes ont conscience que c’est avant tout au Sud que se joue l’avenir du Soudan.


M. Garang contre le « gang des généraux »
Dès l’installation du nouveau régime, il apparut que la guerre au Sud allait constituer un test décisif. Pour le docteur Adlan Al Hardallo, enseignant au département des sciences politiques de l’université de Khartoum et coordinateur de la commission d’entente nationale — créée par l’Alliance syndicale pour aider à résoudre le conflit, « le Sud, c’est LE problème du Soudan, le premier problème national, celui qu’il faut résoudre pour pouvoir s’attaquer aux autres ». Dans son programme du 6 avril, l’Alliance nationale appelle à « résoudre le problème du Soudan méridional dans le cadre de l’autonomie (self-government) régionale, fondée sur des principes démocratiques... » Quelques jours plus tard, elle se prononce pour des contacts directs avec le Mouvement de libération du peuple du Soudan (MLPS) de M. John Garang.

Ce n’était pas là un mince succès pour M. Garang. Lancé en mai 1983 (15), il s’est affirmé, en quelques mois, comme une force déterminante de l’opposition à la dictature. Contrairement à ses prédécesseurs — en particulier le mouvement Anya-Nya qui mena la lutte au Sud durant la première guerre civile (1955-1972), — le MLPS se veut un mouvement national, et non régional, qui « croit de manière irrévocable à l’unité du peuple soudanais. (...) Notre lutte n’est en aucune façon raciale ou religieuse. L’ALPS (Armée de libération du peuple du Soudan) se prononce pour un développement égal de toutes les nationalités et pour la liberté du culte pour toutes les religions (16). » Ses mots d’ordre sont : unité nationale, socialisme, autonomie, liberté religieuse.

C’est toutefois au sud que le MLPS a trouvé sa base essentielle d’action, les provocations de Nemeiry aidant. En juin 1983, le « maréchal président », par l’ordre présidentiel numéro 1, divise le Sud en trois régions : le Haut-Nil, Bahr al Ghazal, Equatoria. Il annule ainsi le principal acquis des accords d’Addis-Abeba qui avaient mis fin en 1972 à la guerre civile, et qui avaient reconnu l’« autonomie » de l’entité sudiste. En septembre de la même année, la décision d’appliquer la Shari’a, la loi islamique, soulève une vive opposition au Sud peuplé majoritairement d’animistes (85 %) et de chrétiens (10 %).

La MLPS est ainsi à même de cristalliser le mécontentement, de recruter des milliers de combattants, dont une part non négligeable de déserteurs de l’armée régulière. Il trouve son principal appui chez les Dinkas, la plus nombreuse des ethnies sudistes (un à deux millions de personnes sur quatre à six millions de Sudistes). En quelques mois, il a étendu son contrôle à deux (Haut-Nil et Bahr al Ghazal) des trois provinces méridionales. Il a contraint le pouvoir de Khartoum à arrêter deux chantiers stratégiques. Celui du canal de Jonglei — programme égypto-soudanais, — de 360 kilomètres de long et 50 mètres de large, qui doit permettre de sauver 4 800 milliards de mètres cubes d’eau du Nil par an, à partager également entre les deux pays. Le MLPS conteste à la fois le partage et les conséquences écologiques, indéniables, sur les populations. L’exploitation du pétrole à Bentiu par la société américaine Chevron ensuite. En stoppant ce projet, qui devait entrer en activité au début de 1985, le MLPS porta un coup décisif aux possibilités de redressement économique.

Mais l’influence du MIPS, au début de l’année 1985, dépasse largement le Sud. En colmatant, un à un, tous les espaces de liberté du peuple soudanais, M. Nemeiry fait de M. John Garang l’espoir suprême des opposants nordistes. De nombreux officiers se rallient à lui : sa radio, qui émet à partir de l’Ethiopie, est avidement écoutée à Khartoum où elle constitue la seule source non conformiste d’information. Même un parti traditionnel comme le Parti unioniste démocratique affirme, quelques semaines avant l’insurrection de mars, que la lutte armée est la seule solution pour renverser la dictature, et une brigade de ses hommes rejoint le MLPS. Si l’on ajoute à cela l’appui de Tripoli et d’Addis-Abeba mais aussi d’autres Etats africains frontaliers « modérés », on comprend la force d’attraction qu’exerce le MLPS.

La petite armée soudanaise — à peine 60 000 hommes de troupe — a été la première à payer le prix de la deuxième guerre du Sud. Mal équipée, mal entraînée, privée de moyens de transport — pour une zone de combats de 650 000 km² — et de cadres aguerris — la plupart des officiers qui ont combattu durant la première guerre du Sud ont été limogés pour des raisons politiques, — elle subit défaite sur défaite. Réduite à la défensive, elle ne contrôle que quelques villes. Cette dure expérience ne sera pas pour rien dans la pression des jeunes officiers sur le haut commandement pour que celui-ci se range, en avril 1985, « aux côtés du peuple ». Elle explique aussi que le CMT fasse du Sud non seulement la question prioritaire, mais aussi son « domaine réservé ».


Isoler les sudistes
Dès le 14 avril, avant même la formation du nouveau gouvernement, le Conseil militaire adopte le communiqué n° 10 et le décret n° 14 : il « annule l’ordre républicain n° 1 (qui divisait le Sud en trois) issu de la défunte période. Il entérine l’accord d’Addis-Abeba comme cadre général pour le pouvoir régional au Sud. Il accepte de garder telles quelles les trois régions du Sud sous une administration militaire supérieure qui assumera les taches de la période de transition. »

Cette administration, intitulée haut conseil exécutif transitoire, est constituée quelques jours plus tard ; elle est composée de militaires et présidée par le major-général James Loro Cirrilu, membre du CMT. Ainsi, par un véritable tour de passe-passe, les militaires abrogent le décret coupant le Sud en trois, tout en maintenant les trois provinces ! Et ils gardent surtout les pleins pouvoirs.

Lors de la constitution du cabinet, le CMT refuse tout compromis sur le choix et les fonctions des ministres sudistes. Ceux-ci seront maintenus à des postes subalternes et choisis parmi de « vieux routiers de la politique », dont plusieurs ont été ministres de M. Nemeiry. Les protestations de l’Alliance syndicale et de la Southern Sudanese in Khartoum (SSK) — proche de M. John Garang — resteront sans effet. Le rapprochement avec le colonel Kadhafi aboutit, si l’on en croit les dirigeants libyens, à l’arrêt de l’aide de Tripoli au MLPS (17). La normalisation avec Addis-Abeba, plus lente, devrait aussi — suivant certaines hypothèses (cf. infra) — entraîner la fin de l’aide de l’Ethiopie au MLPS.

Si le CMT propose des négociations, fait des ouvertures à M. John Garang, ce n’est qu’au bout de plusieurs semaines qu’une missive officielle lui est envoyée. Datée du 27 mai, signée par le ministre de la défense, elle touche son destinataire fin juin. Si elle prône des négociations, aucune position concernant la solution du conflit n’y est précisée : le pouvoir n’a pas publié une « deuxième déclaration de juin ». La première déclaration avait été diffusée en juin 1969 par les « officiers libres » qui venaient de prendre le pouvoir ; rédigée par le ministre communiste des affaires sudistes, c’est elle qui servira de base pour mettre un terme au premier conflit du Sud.

La tactique dilatoire du CMT, les retards et les erreurs n’ont fait que renforcer les préventions du MLPS. M. Garang, qui affirme, dès le 9 avril, qu’« il n’y a pas de différence entre l’actuelle junte militaire et celle de Nemeiry », parle de plus en plus du « gang des généraux ». Mais cette position justifie-t-elle le refus du MLPS de négocier, d’arrêter les combats, à l’heure où tous les Soudanais aspirent à la trêve ? « La question brûlante, pour M. Ibrahim Noqoud, secrétaire-général du PCS, est celle de savoir s’il faut négocier ou non. Je crois que, par définition, négocier ne veut pas dire déposer les armes. Les Américains et les Vietnamiens ont négocié pendant dix-sept ans à Varsovie, alors que les combats continuaient. »

Mais les hésitations du MLPS ne viennent-elles pas de sa difficulté à appréhender la nouvelle situation ? L’insurrection de mars-avril a surpris ses dirigeants pour au moins trois raisons. Elle a eu lieu essentiellement au Nord, et dans les grandes villes, alors que la stratégie du MLPS est avant tout sudiste et rurale (18). Elle a pris la forme d’une grève politique, alors que la stratégie du MLPS est avant tout militaire. Enfin, elle a prouvé la vitalité des traditions politiques soudanaises, ainsi que le rôle des partis traditionnels avec lesquels le MLPS refuse tout accord. Cette dichotomie explique que, le 1er avril, en pleine insurrection, la radio du MLPS annonce qu’« un soulèvement dans les villes, sans coordination avec les zones rurales et avec les comités de l’ALPS-MLPS... (...) n’aura pas de résultat positif (19) ».

Ces analyses, qui ne se modifient pas après le coup d’Etat du 6 avril, expliquent les divergences entre M. Garang et l’Alliance syndicale. Le directeur du quotidien Al Ayam les résume ainsi « Garang rejette les généraux. Il a tort et il ne connaît pas la réalité de la situation. Nous ne croyons pas que les généraux soient des Nemeiry numéro deux. Ils ont décidé, à un certain moment, de se ranger du côté du peuple. Le pouvoir actuel est le résultat d’un compromis. Aujourd’hui, Garang propose un nouveau pouvoir, fondé sur une triple alliance : le MLPS, les jeunes officiers et les syndicats. Vous savez, Nemeiry n’était pas maréchal au départ ; il est parti aussi des mêmes théories en mai 1969 : alliance entre les jeunes officiers, les professionnels et les groupes progressistes ; en fait, une alliance entre des gens forts et des gens qui ne le sont pas, cela aboutit au pouvoir personnel. Nous ne voulons pas répéter cette expérience. Garang méprise les partis traditionnels ; nous, au contraire nous acceptons leur rôle. Nous voulons forger un nouveau type d’alliance avec eux mais sur une base nouvelle : la reconnaissance du rôle des “forces nouvelles” c’est-à-dire l’alliance des syndicats. »

En fait, le MLPS — comme le confirmaient, bien avant les événements, plusieurs de ses dirigeants — rejette toutes les forces traditionnelles et exige des militants progressistes — en particulier ceux du PCS — qu’ils rejoignent ses rangs. Si, avant le 6 avril, il rencontrait un certain écho, le sentiment général au Nord, aujourd’hui, particulièrement au sein des syndicats, est beaucoup plus réservé, voire franchement hostile. Cela explique sans doute que, au-delà des proclamations sur la « triple alliance », le MLPS semble plus que réticent à engager un véritable dialogue avec l’Alliance syndicale.

Le docteur Hardallo, responsable pour les syndicats des contacts avec les sudistes, en fait le récit : « Nous avons transmis une première lettre à John Garang à travers un médiateur. Ce dernier n’a pu le rencontrer mais il a discuté avec un certain nombre de ses conseillers dont le numéro deux du MLPS. Il nous a remis un compte rendu de ses entretiens comprenant les griefs du MLPS contre le régime, sa méfiance face aux partis traditionnels et ses reproches à l’Alliance pour avoir suspendu la grève le 6 avril. Le MLPS soulignait toutefois qu’il était prêt à négocier avec nous. Nous avons alors transmis un deuxième message expliquant que nous partagions les réserves du MLPS face aux militaires mais expliquant aussi la réalité de la situation à Khartoum ; nous lui demandions aussi de définir une base de départ pour une négociation. Nous n’avons reçu aucune réponse. Un de nos envoyés, qui avait obtenu un rendez-vous à travers la médiation du Yémen du Sud, s’est rendu à Addis-Abeba et a “poireauté” là-bas sans voir personne. »

L’embarras de M. Garang à définir une stratégie dans le nouveau contexte est d’autant plus grand que la situation de ses forces a grandement évolué en quelques mois. Non seulement ses appuis extérieurs se font plus fragiles, non seulement il n’apparaît plus aux nordistes comme le « sauveur suprême », mais son hégémonie au Sud même est contestée. Les partis traditionnels, SANU et Southern Sudanese Political Association — encouragés par les militaires, — se sont reconstitués. Dans la province de l’Equatoria, un fort mouvement s’est dégagé contre la « suprématie Dinka », pour le maintien de la division du Sud en trois (20). Un autre mouvement, l’Anya-Nya II — présent dans le Haut-Nil — a appelé à déposer les armes.

Enfin, la politique menée par M. Nemeiry, qui consistait à armer certaines tribus au Sud (Shilluk Nuer) et à exacerber les contradictions ethniques, n’est pas sans avoir porté ses fruits. Comme confie le docteur Hardallo, « des groupes de plus en plus nombreux se forment ; leurs idées sont très divergentes. Ceux qui sont pour les accords d’Addis-Abeba, ceux qui sont contre, ceux qui sont pour la moitié d’Addis-Abeba et pour moitié pour quelque chose de nouveau. Il y a tellement de complications que l’opinion de l’homme de la rue — dans le Nord — est que les sudistes règlent d’abord leurs problèmes entre eux (21) ».

Face à cette détérioration, encore relative, de ses positions, le MLPS semble hésiter entre deux stratégies. Une « politique du pire » qui tablerait sur un retour de la dictature à Khartoum, éliminant toute possibilité de contestation ; le MLPS maintiendra ainsi sa « ligne politique » d’instauration d’un « démocratie révolutionnaire armée », même si les perspectives en semblent lointaines. Une politique « réaliste » d’union avec l’Alliance syndicale, et qui créerait un rapport de forces suffisant face au CMT pour aboutir à des transformations profondes, dans le cadre d’une démocratie pluraliste où le MLPS ne serait qu’une composante — certes importante — parmi d’autres. Les options sont encore incertaines et les informations qui parviennent de Khartoum contradictoires : d’un côté les combats ont repris, après une pause, et sur une grande échelle, au Sud. De l’autre, le gouvernement et les syndicats ont adopté un texte qui devait servir à un dialogue national sur le Sud auquel le MLPS ne refuserait pas de participer. Le choix est d’autant plus grave que, au-delà du peuple soudanais, il concerne un pays charnière de la région, un pays qui compte dans la stratégie planétaire des Etats-Unis.
Au cœur de l’« arc des crises »

Depuis 1979 et la chute du chah d’Iran ; la doctrine militaire américaine a évolué : là où les « intérêts vitaux » des Etats-Unis sont en cause, ils peuvent être amenés à intervenir directement. C’est le cas, plus particulièrement, de la région du Golfe et de l’océan Indien, épicentre de l’« arc des crises » cher à M. Brzezinsky. D’où la constitution de la Force de déploiement rapide et la recherche de bases d’appui au Kenya, en Somalie. en Egypte, à Oman et au Soudan (22).

Après l’accession de M. Reagan à la présidence, cette politique se confirme avec la création, le 1er janvier 1983, de l’USCENTCOM — United States Central Command, — qui couvre une zone d’opération d’une vingtaine de pays, de l’Egypte au Pakistan, et qui regroupe toutes les potentialités américaines dans la région — dont 400 000 hommes de la force de déploiement rapide. Le Soudan est une pièce maîtresse de ce dispositif, à la fois par sa situation géostratégique — limitrophe du Tchad (23) et situé au cœur de la Corne de l’Afrique, ayant un large accès à la mer Rouge et « faisant face » à l’Ethiopie « marxiste » — et par la paranoïa anticommuniste et antisoviétique de Nemeiry.

L’aide américaine passe de 5 millions de dollars en 1979 à 200 millions en 1983, puis à 254 en 1985, dont 174 pour les programmes militaires. Le Soudan devient ainsi le deuxième bénéficiaire de l’aide américaine en Afrique, loin derrière l’Egypte, mais bien avant le Maroc ou la Somalie. Des manœuvres communes sont organisées, et les documents publiés depuis avril dernier prouvent que l’on projetait (ou serait-ce déjà fait ?) de construire « quatre bases aériennes destinées à accueillir des unités de la Force de déploiement rapide, tandis que l’édification d’une puissante station d’écoute, près de Port-Soudan, est en voie d’achèvement (24) ».

Enfin, les puissantes forces de sécurité sont entraînées par des agents de la CIA, et Khartoum est devenu une plaque tournante du renseignement américain. Dans ces conditions, ni la révolte du Sud ni les atteintes aux droits de l’homme — en particulier l’exécution du leader islamique modéré Mohammed Taha, en janvier 1985 — ne purent vraiment altérer les relations entre Khartoum et Washington. Le 1er avril, M. Nemeiry rencontra le président Reagan et obtint de lui une aide supplémentaire de 114 millions de dollars. Le même jour, le président américain saluait les mesures économiques prises par le dictateur soudanais, « actions hautement louables, dignes du soutien des donneurs de fonds (25) ». Ainsi, jusqu’au bout, « les Etats-Unis ont joué un jeu hasardeux avec M. Nemeiry, misant toujours sur lui, alors même qu’il passait par-dessus bord (26) ».

Principaux perdants des changements à Khartoum (27), les Etats-Unis se sont vite ressaisis. Sur le conseil des Egyptiens, ils ont pris acte des évolutions et décidé de soutenir les « modérés » du CMT. Ils disposent pour cela d’arguments de poids : ils fournissent 85 % de l’aide alimentaire nécessaire à un pays ravagé par la famine ; ils jouent un rôle décisif au FMI ; enfin, les centaines de millions de dollars d’aide économique et militaire constituent une manne indispensable.

Voilà pourquoi aucune force politique ne met en cause la nécessité de bons rapports avec Washington ; mais leur caractère est au centre d’un intense débat qui traverse le pays et qui se reflète dans des déclarations contradictoires. Pour le ministre des affaires étrangères, M. Ibrahim Taha Ayyoub, « les relations avec les Etats-Unis sont très cordiales ; nous n’avons pas changé. Les relations militaires sont vitales pour nous, car nous avons besoin de pièces de rechange et d’armes. Nous honorerons les accords militaires avec les Etats-Unis. Les manœuvres communes n’auront plus lieu, au moins pendant la période transitoire. Quant à la présence militaire, elle n’a jamais existé et les Américains ne l’ont jamais demandée. » Au même moment, le ministre de l’information affirmait : « Le Soudan n’accordera plus de facilités militaires aux Etats-Unis comme par le passé, sous le régime du président déchu (28). »

Le refus de participer aux manœuvres conjointes Bright Star 1985, avec les « marines », illustre toutefois une tendance vers « plus de non-alignement », même si les raisons données par le CMT pour se justifier ont été « techniques » et qu’il n’a pas exclu une participation dans le futur.

Mais si les Américains n’ont pas perdu l’espoir d’infléchir la politique soudanaise, deux handicaps sérieux demeurant. Leurs relations avec M. Nemeiry sont au centre de diverses enquêtes, en particulier celle sur l’exode des falachas : la publication des informations secrètes sur cette affaire ternirait considérablement une image de marque déjà peu brillante (29). De plus, les stratèges du Pentagone sont enfermés dans leur vision Est/Ouest des conflits ; ils ne peuvent comprendre que les bonnes relations du Soudan avec ses voisins — en premier lieu la Libye et l’Ethiopie — sont une question vitale pour l’avenir du pays, qui fait l’objet d’un large consensus à droite comme à gauche. Les mises en demeure intempestives de Washington en ce domaine suscitent malaise et irritation

Dans ce contexte mouvant, un point de satisfaction toutefois : la « normalisation » entre Khartoum et Moscou s’est bornée à des déclarations de bonnes intentions. Le ministre des affaires étrangères soudanais confiait, sans rire, que des pas concrets seraient franchis quand le chef de la diplomatie soviétique, qui venait de succéder à M. Gromyko, serait au fait des dossiers... La visite annoncée pour octobre, du ministre de la défense soudanais en URSS marquera-t-elle un changement ?

Mais la géostratégie n’est pas au premier plan des préoccupations, ni des nouveaux dirigeants soudanais ni d’aucune force politique. En dix ans, au nom de l’anticommunisme, Nemeiry transformait son pays en base de subversion contre ses voisins aux opposants libyens et éthiopiens il avait accordé toutes les facilités, mais aussi à M. Hissène Habré lorsque celui-ci s’opposait au pouvoir légal à N’Djamena, et à Idi Amin Dada, dont les troupes — financées par les Saoudiens — mènent la guérilla aux confins de l’Ouganda. Or chacun de ces conflits a accentué l’isolement du Soudan et favorisé le développement des forces centrifuges dans le pays troubles graves au Darfour, rebellion au Sud... D’où l’unanimité qui se dégage aujourd’hui sur la nécessité des relations de « bon voisinage » avec, en particulier, la Libye et l’Ethiopie. Encore ne fallait-il pas perdre sur un tableau ce que l’on gagnait sur l’autre.
L’ami égyptien

Le 17 juin, le président Moubarak arrive à l’aéroport de Khartoum pour une visite impromptue mais officielle. Ce premier séjour du président égyptien au Soudan depuis les changements d’avril ne dure que quelques heures. C’est à l’aéroport même que le rais rencontre le nouveau président Siwar Al Dahab. A l’issue des entretiens, il tient une conférence de presse. Le journaliste du quotidien Al Ayam commence à l’interroger :

« Pourquoi la République arabe d’Egypte abrite-t-elle Nemeiry, alors que le peuple soudanais demande qu’on lui livre le boucher déchu ? Et avec cela le régime égyptien... »

Excédé, le président Moubarak l’interrompt :

« Je n’accepte pas qu’on dise “le régime égyptien”. On doit parler de l’Egypte (...) L’Egypte respecte les réfugiés politiques... Nos traditions, notre constitution, nous interdisent de livrer des réfugiés politiques (...) »

L’incident, qui reflète la nouvelle liberté de ton des journalistes soudanais, illustre aussi les incompréhensions — on ne peut parler de crise — qui se sont développées entre les deux capitales depuis le 6 avril.

Pour la majorité des Soudanais, et en particulier l’Alliance syndicale, le régime égyptien s’est largement compromis avec M. Nemeiry. Ni le gouvernement, ni le parti au pouvoir, ni la presse officielle n’ont élevé la voix pour protester contre les violations des droits de l’homme. Les accords signés entre les deux gouvernements — celui de défense commune en 1976 et celui d’intégration en 1982 — sont suspectés de n’avoir servi qu’à consolider la dictature ; leur abrogation est donc demandée par les syndicats. Enfin, l’asile qu’a trouvé M. Nemeiry au Caire ne peut qu’exacerber la méfiance. Et ce n’est pas un hasard si la première grande manifestation, après le 6 avril, a eu lieu, en juillet, pour demander l’extradition du président Nemeiry.

Au Caire, on se défend de telles interprétations. On rappelle que, depuis 1983, les relations entre les deux pays s’étaient détériorées et il est vrai que ni l’application de la Shari’a ni la guerre menée au Sud n’ont été approuvées par le président Moubarak. Quant au traité de défense commune, les responsables ont beau jeu d’affirmer qu’il ne concerne pas la « défense des régimes » puisqu’il n’y a pas eu d’intervention égyptienne et que, dès la fin mars, le président Moubarak affirmait que ce qui se passait au Soudan était une affaire intérieure. Quant à la présence de Nemeiry au Caire, elle embarrasse les autorités, conscientes de l’impact de cette question sur les relations entre les deux pays.

Dès le 24 juin, le docteur Oussama Al Baz était à Khartoum pour tenter de réparer la « gaffe » du président. « Les déclarations de Moubarak à Khartoum, indiquait-il, ne ferment pas la porte devant l’extradition de M. Nemeiry (...). Nous ne contredisons absolument pas le droit du peuple soudanais à choisir son gouvernement et à juger les anciens responsables. »

Le CMT s’est, pour l’instant, bien gardé de demander l’extradition de M. Nemeiry et, au gouvernement, des positions discordantes ont empêché toute décision. Mais, ce que craint avant tout Le Caire, c’est l’utilisation de ce problème par les éléments « radicaux », mais aussi par la Libye.
M. Kadhafi à Khartoum

A première vue, c’est dans le domaine des rapports avec Tripoli que la politique extérieure soudanaise a le plus évolué. Les relations diplomatiques entre les deux pays ont été rétablies. Le commandant Jalloud, le numéro deux libyen, puis le colonel Kadhafi lui-même ont effectué ici des visites officielles. Le premier ne s’est pas borné à des rencontres protocolaires mais a participé à un meeting avec M. Sadiq Al Mahdi et le parti Oumma, a tenu un séminaire avec la direction du Parti unioniste démocratique, a été reçu avec enthousiasme par les comités révolutionnaires pro-libyens. Tripoli a, de plus, octroyé une aide exceptionnelle au Soudan — 300 000 tonnes de pétrole pour l’année 1985. Enfin, le ministre de la défense soudanais a effectué une visite officielle en Libye, suscitant une vive réaction à Washington. « Nous avons informé les autorités concernées, à Khartoum, de notre grave préoccupation face à la perspective des relations militaires entre le Soudan et la Libye », a déclaré M. Larry Speakes, porte-parole de la Maison Blanche (30).

Pourtant, à y regarder de plus près, on est loin d’un danger de mainmise libyenne sur le plus vaste pays d’Afrique. L’aide apportée par le colonel Kadhafi au Front national (composé du parti Oumma, du Parti unioniste démocratique et des Frères musulmans) en 1975-1976 dans leur opposition à Nemeiry explique les relations de Tripoli avec les deux grands partis traditionnels, mais ceux-ci ne constituent sûrement pas un relais pour l’activisme libyen. En fait, s’il y a un consensus au Soudan pour la normalisation avec la Libye, personne ne souhaite la constitution d’un axe Khartoum-Tripoli.

C’est sans hésitation que M. Ibrahim Noqoud, secrétaire général du parti communiste, précise : « Je ne dévoile pas un secret politique en disant qu’il est toujours difficile de traiter avec Kadhafi. Il est difficile d’être son ami, il est difficile d’être son ennemi. Mais il est là et il représente une réalité. C’est dans l’intérêt du Soudan d’établir des relations normales entre nos deux pays. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de l’Egypte ou pour isoler l’Egypte. »

Quant aux relations militaires, il ne s’agit sûrement pas « d’un pacte militaire ni d’un traité », a affirmé le président Siwar Al Dahab (31). D’autant que persistent au sein de l’armée de puissants courants anti-libyens alimentés par des années d’hostilité, voire de conflit.

Mais, une fois encore, la raison du rapprochement avec Tripoli ne réside pas dans des considérations planétaires. Toutes les composantes à Khartoum cherchent la normalisation des relations avec les voisins — afin d’éviter ainsi le développement des forces centrifuges qui menacent sérieusement l’unité du Soudan, — et le CMT veut, de plus, isoler M. John Garang.

Tel est aussi le but poursuivi dans les efforts de « normalisation » avec Addis-Abeba, même si les résultats sont moins spectaculaires qu’avec Tripoli. Pourtant les relations entre les deux capitales étaient bonnes en 1980 et 1981 ; Mengistu rend visite à Nemeiry en mai 1980, et ce dernier lui rend la politesse en novembre de la même année.

Mais la signature en août 1981 d’un traité de coopération politique entre Aden. Tripoli et Addis-Abeba — dont les effets concrets seront pourtant à peu près nuls, — le peu d’efficacité des mesures prises par M. Nemeiry pour bloquer l’activisme érythréen et, enfin, la paranoïa anticommuniste du dictateur de Khartoum mettent un terme à cette lune de miel. Les dernières années de son pouvoir sont marquées par une virulente campagne antiéthiopienne. En échange, si l’on peut dire, l’Ethiopie devient la base arrière du MLPS. Dès son arrivée au pouvoir, M. Siwar Al Dahab cherche à apurer le contentieux ; il rencontre M. Mengistu lors du sommet de l’OUA à Addis-Abeba. On se met d’accord sur le retour des ambassadeurs à leurs postes respectifs et sur la mise en place d’une commission commune pour régler les différends. Mais l’Ethiopie reste prudente elle souhaite la fin de toute aide aux Erythréens et Tigréens. Or le pouvoir à Khartoum a-t-il les moyens militaires de fermer les frontières ? Rien n’est moins sûr. En a-t-il les capacités politiques alors que les fronts irrédentistes sont soutenus par l’Arabie saoudite et les Etats-Unis ? Toujours est-il que, selon certaines sources, M. Garang aurait déplacé son quartier général d’Addis-Abeba vers le sud du Soudan.

Le Soudan traverse une période critique de son histoire. Seize années de dictature ont accentué les facteurs de désintégration de l’unité nationale, favorisé la multiplication des ingérences étrangères. Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est la mise sur pied de structures économiques, politiques et sociales qui assurent enfin un développement harmonieux du pays. Sinon la parole pourrait revenir aux armes. C’est la conclusion du directeur d’Al Ayam « Les partis politiques n’ont jamais agi par les armes. Mais, durant le règne de Nemeiry, celui-ci a bouché toute possibilité d’expression, et les forces politiques ont eu recours à elles et aux alliances avec des régimes arabes. Cela devrait préoccuper tout observateur de la vie politique. Allons-nous continuer ? Les armes vont-elles parler à la place des journaux ? Chacun pense que cela doit cesser. Mais le danger existe avec toutes les forces de désintégration dont nous avons parlé. Si nous jouons avec le feu, nous pouvons nous transformer en un nouveau Liban. »

par Alain Gresh

Souces : (1) Les premières autorisations ont été accordées maintenant aux partis politiques au journal Al-Midan du PC et au Mithaq pour le Front islamique, qui ont commencé à paraître.

(2) Sudanow, mai 1985.

(3) Middle East Economic Digest, 15 juillet 1985.

(4) Voir « Soudan : l’autre désastre », le Monde diplomatique, février 1985.

(5) Il faut distinguer l’Alliance syndicale (AS) de l’Alliance des forces patriotiques pour le salut national (que nous désignerons brièvement par Alliance nationale (A.N), qui comprend en plus des syndicats les différents partis politiques.

(6) Composée, suivant le procureur général, de 500 officiers et de 3 223 sous-officiers et hommes du rang, mais auxquels il faut ajouter des milliers d’informateurs — pour un certain nombre armés et entraînés, — elle entretenait des rapports étroits avec la CIA. D’où l’inquiétude née à Washington à la suite de sa dissolution. Voir International Herald Tribune, 5 juillet 1985.

(7) Les Frères musulmans se sont séparés en deux groupes. Le premier, qui a conservé l’appellation d’origine, est dirigé par Sadiq Abdallah Abdel Majid, et a rejoint l’Alliance nationale. Le second, intitulé Orientation islamique, dirigé par le Dr Hassan Al Turabi — qui fut un proche conseiller de Nemeiry de 1978 à mars 1985, — s’oppose à l’Alliance, réclame le maintien des militaires au pouvoir et, surtout, la poursuite de l’application des lois islamiques.

(8) La publication à Londres du livre de l’ancien ministre des affaires étrangères, M. Mansour Khalid, Nimeiry and the Revolution of Dis-may, KPI, 1985, consacré aux affaires de corruption, a soulevé un grand intérêt à Khartoum. Traduit en arabe, il est publié en feuilleton dans la presse, même si celle-ci constate, ironiquement, que toutes les « affaires » dont parle l’auteur se déroulaient alors qu’il occupait d’importantes responsabilités officielles. Depuis, M. Mansour Khalid s’est rallié au MLPS.

(9) Rien que durant la grève des chemins de fer de l’été 1981, 2 700 travailleurs ont été licenciés.

(10) Al Hadi Al Hamdi, chef des Ansars, est tué en 1970 à la suite des événements de l’île d’Aba, qui ont vu l’armée écraser sous les bombes les partisans du Mahdi. Notons que l’aviation égyptienne et un certain officier nommé Hosni Moubarak participent aux combats. Cherif Al Hindi, chef du PUD, est mort en exil à Londres en 1982.

(11) L’AS est, de manière générale, plus puissante et plus radicale en province. Ainsi, à Port-Soudan, la deuxième ville du pays, il a fallu plusieurs jours avant qu’elle accepte — après le 6 avril — de lever le mot d’ordre de grève.

(12) Le système n’est pas totalement nouveau au Soudan. Après la révolution d’octobre 1964, un collège spécial pour les diplômés avait été créé. Il permit l’élection de quinze députés (sur 173) : 11 appartenaient à la liste du PC.

(13) Voir les hypothèses d’Eric Rouleau, in « Le printemps soudanais : les eaux mêlées », le Monde, 19 juin 1985.

(14) Contrairement aux affirmations parues dans la presse occidentale, leur appartenance aux PC est plus que douteuse. Par contre, ils ont joué un rôle non négligeable dans le dialogue entre l’armée et l’opposition au début du mois d’avril.

(15) Voir le Monde diplomatique, juillet 1985.

(16) Voir l’appel-programme de M. John Carang, reproduit dans le dossier Sud-Soudan, in Maghreb-Machrek, la Documentation française, n° 107, 1er trimestre 1985.

(17) Voir les déclarations de M. Abdel Salam Triki, chef de la diplomatie libyenne, le Monde, 7 mai 1985.

(18) Sur la stratégie du MLPS, voir dossier Sud-Soudan, Maghreb-Machrek, op. cit.

(19) Service World Broadcast of the BBC (cité plus loin SWB), 3 avril 1985.

(20) Dans le journal des forces armées. Al Quwat Al Mussataha du 27 juin, l’Union des Equatoriens accuse M. Garang d’être un « destructeur des peuples » et d’exercer des représailles contre les intellectuels non Dinkas.

(21) Voir, comme exemple de cette attitude, l’éditorial de Mohammed Al Hassan Ahmed dans le quotidien Al Sahafa du 29 juin 1985 : « Je demande aux sudistes qu’ils définissent une position claire, qu’ils se réunissent entre eux pour se mettre d’accord sur une seule position (...) Alors, au Nord, nous discuterons avec eux. »

(22) Voir l’article de L.-W. Bowman et de J.-A. Lebfevre, « US strategic policy in Northeast Africa and the Indian Ocean », Africa Report, nov.-déc. 1984.

(23) Sur le rôle du Soudan dans la crise tchadienne, voir « Nimeiry face aux crises tchadiennes », Politique africaine, n° 16, décembre 1984.

(24) E. Rouleau, « Le printemps soudanais, la dérive neutraliste », le Monde, jeudi 20 juin 1985.

(25) International Herald Tribune, 2 avril 1985.

(26) Editorial publié par International Herald Tribune, 9 avril 1985.

(27) Contrairement à ce qu’ont affirmé les adeptes d’une « vision policière » de l’histoire, qui ont vu dans la chute de Nemeiry un complot machiavélique monté par la CIA, le renversement d’un des meilleurs alliés de Washington a plongé les Etats-Unis dans un embarras perceptible.

(28) El Moudjahid, 31 mai 1985.

(29) Cela explique les pressions exercées par l’administration Reagan pour obtenir l’ajournement sine die de l’enquête. Voir South, juillet 1985.

(30) International Herald Tribune, 10 juillet 1985.

(31) International Herald Tribune, 15 juillet 1985.

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