Il y a trente et un ans, le 7 avril 1987, l’avocat Ali Mécili était assassiné à Paris sur ordre des services secrets algériens. Sera-t-il tué à nouveau, mais cette fois par la justice française, qui est aussi celle de son pays ? Car, ne l’oublions jamais, Ali, qui se prénommait également André, était français et algérien.
Bien avant son assassinat, il écrivait ces lignes incroyablement prémonitoires dictées sans doute par la conscience qu’il risquait, un jour, de payer cher ses dénonciations du régime militaire d’Alger : «J’aurais pu mourir hier sous les balles des soldats de la colonisation, je meurs aujourd’hui sous des balles algériennes dans un pays que l’ironie de l’histoire a voulu que je connaisse après l’avoir combattu les armes à la main. Je meurs sous des balles algériennes pour avoir aimé l’Algérie.» C’était un temps, il est vrai, où rares étaient ceux qui osaient mettre en cause Alger haut et fort. Avec Hocine Aït-Ahmed, Ali Mécili combattait alors inlassablement pour la démocratie et le respect des droits de l’homme en Algérie.
Ironie de l’histoire : abattu dans le hall de son immeuble sous des balles algériennes pour avoir aimé l’Algérie, l’avocat Ali Mécili risque d’être trahi par la justice française. En effet, la juge chargée de l’instruction a décidé, en novembre, de clore ce dossier d’assassinat politique, dossier marqué dès l’origine par la raison d’Etat. Souvenons-nous : interpellé à Paris par les enquêteurs, le 12 juin 1987, soit environ deux mois après le crime, l’assassin présumé a été expulsé en urgence absolue vers l’Algérie, par le gouvernement français, dès le 14 juin suivant, sans même avoir été présenté à l’époque au magistrat instructeur. Comment peut-on alors nous opposer un non-lieu en le justifiant par «de multiples tentatives de coopération internationale demeurées vaines» ? C’est insoutenable. Sur la base des éléments d’information recueillis au cours de l’instruction, des investigations à mener subsistent encore, nombreuses. Certes, les autorités algériennes ont refusé jusque-là d’y procéder. Est-ce une raison pour renoncer et reconnaître à un Etat étranger le droit de paralyser l’action judiciaire en France ? Quelle urgence soudaine y a-t-il à clore ce dossier ? Ne pouvant accepter une décision qui consacrerait l’impunité des crimes politiques en France, nous avons fait appel de l’ordonnance de non-lieu. L’audience de la cour d’appel de Paris se tiendra le 18 juin. Devant la menace d’un tel déni de justice, j’ai adressé, le 29 mai, une lettre ouverte au procureur général près la cour d’appel de Paris. J’espère qu’il saura, dans sa grande sagesse, requérir la poursuite de l’information. C’est pourquoi, je m’adresse également à François Hollande au moment de son voyage en Algérie. La justice française doit enfin avancer dans ce dossier, et les autorités algériennes doivent s’engager à coopérer si des commissions rogatoires internationales leur étaient de nouveau adressées. C’est en ce sens que j’ai demandé au président de la République d’intervenir auprès de ses interlocuteurs. N’est-ce pas là une question de respect mutuel - et de souveraineté bien comprise - entre nos deux pays ?
Ali est mort en combattant pour une Algérie démocratique. Mais, il est mort aussi en aimant la France des droits de l’homme et de la démocratie. Il doit pouvoir reposer en paix dans un pays fidèle à ses valeurs qui n’aura rien négligé pour que justice lui soit rendue.
Annie MECILI Femme d’Ali Mécili
Un poème lui a été dédié :
L’honneur est l’étendard de la vérité
Le souffle de sa puissance habite
Les femmes et les hommes qui le portent
A bras-le-corps
Contre vents et marrés
Contre le crime fondateur
Contre le crime usurpateur
Contre le crime corrupteur
Contre le crime assoiffé
Du sang de notre sang
Des larmes de nos mémoires
De nos rêves et de nos espoirs
Trahis et mutilés
Contre l’oubli
Contre le mensonge
Contre la compromission
L’âme et le cœur dédiés
A l’hymne que chante le printemps
Sur le visage de l’enfant :
“Justice ! Justice ! Justice !”
je vous laisse voir son dernier discours , pour avoir une idée de l'homme intellecte et démocrate qu'il était .
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