May Dodd a accepté de participer au premier ( et unique ) convoi de femmes blanches destinées aux Indiens, afin d'échapper à l'asile où l'avait fait interner sa famille. Jours après jours, elle consigne dans ses carnets les évènements de sa nouvelle vie comme si elle les adressait à sa sœur Hortense. Son témoignage nous fait découvrir le mode de vie des Cheyennes, leur dignité et leurs croyances. Peu à peu May s'attache à Little Wolf, ce chef qui l'a choisie pour épouse et dont elle attend un enfant. Elle assiste de l'intérieur aux manigances des blancs pour duper et asservir les Indiens, et se sentant définitivement squaw, elle prend partie pour ce peuple où elle a trouvé sa place. On est sensible à la personnalité franche et anticonformiste de May, séduit par l'esprit solidaire, libre et authentique de la communauté Cheyenne, et on se laisse emporter par le romanesque de l'histoire.
🔍 EXTRAITS :
"Après de régulières défections en chemin, notre petit groupe compte maintenant moins de quarante femmes. Nous avons été informées que nous sommes en quelque sorte la première tranche du « crédit » offert aux Indiens - et donc les vraies - pionnières de cette singulière expérience. A ce que l'on dit, d'autres doivent suivre immédiatement, et plusieurs convois sont en route vers des forts de la région. Comme nous sommes les premières, nous allons être « échangées » auprès d'un groupe éminent de la tribu cheyenne celui du grand chef Little Wolf."
"Comparée à d'autres, la tente est spacieuse, il faut le reconnaître. Je dispose de mon petit coin à moi, fort charmant... si l'on peut bien sûr parler de coins dans une tente... et je dors sur un lit d'aiguilles de sapin, de fourrures d'animaux et de couvertures des comptoirs. Les odeurs de notre « foyer » sont indescriptibles (le mot revient souvent lorsque je m'efforce de restituer, crayon en main, différentes petites scènes de notre quotidien). Il y a celles des corps, celle de la terre par-dessous, celles des peaux et des cuirs des lits, celle du feu et de la fumée..."
"Je pense que nous avons fait d'appréciables progrès l'un envers l'autre, et commencé à combler le fossé qui sépare nos deux cultures. Tout cela est très encourageant et je crois plus que jamais au succès de notre entreprise - il y a du moins tout lieu de garder bon espoir. Sans doute les hommes du président Grant avaient ils raison de penser que de vraies épouses américaines sauraient, par leur présence et leur talent, souder ces deux mondes si différents. Non seulement mon mari et moi avons appris à communiquer, même de façon rudimentaire, mais nous avons gagné en respect et en affection sincères l'un pour l'autre. Le chef sera pour moi le meilleur représentant de la vie sauvage, l'ouverture idéale sur cette autre culture, car il possède les qualités les plus prisées au sein de ce peuple simple: le courage, la dignité, la grâce et l'altruisme."
"En même temps, les femmes de la tribu exercent une influence non négligeable sur le déroulement des activités quotidiennes, et on les consulte constamment sur tous les sujets qui ont trait au bien-être du Peuple. Mon bien cher Little Wolf, par exemple, place au-dessus des conseils de tous les autres hommes-médecine ceux d'une très réputée femme-médecine elle-même, Woman who Moves Against the Wind. Et, s'il est loin de partager mes opinions sur nombre de questions, il les écoute toujours très respectueusement. La société blanche aurait sans doute bien des choses à apprendre des sauvages sur le plan des relations entre les sexes."
" Veuillez expliquer à votre mari, madame, que le Grand Père à Washington a décidé que la poudre et les munitions ne seraient plus fournis aux Cheyennes. Le Grand Père en revanche peut leur céder des outils de ferme au prix de gros.
- Des outils de ferme? Au prix de gros ? Fantastique ! Mais bien sûr, voilà qui nous sera formidablement utile. Évidemment, pourquoi aurions-nous besoin de poudre et de munitions, si vos outils de ferme remplacent la chasse et le gibier!
Pour continuer sur le sujet du soin paternaliste que le Grand Père voue à ses enfants cheyennes, je suppose que, si nous ne pouvons plus échanger nos peaux contre des munitions, par contre si nous souhaitions, oh je dis ça par hasard, une ou deux barriques d'un infâme tord-boyaux qui empoisonnerait ou toute la tribu, ça on voudrait bien nous le donner? »
"À mesure que je m'initie à leurs croyances, je comprends plus nettement pourquoi ils ont montré si peu d'enthousiasme à embrasser la chrétienté [...] puisqu'ils disposent déjà d'une religion élaborée, parfaitement satisfaisante à leurs yeux, dotée d'un personnage messianique appelé Motse'eoeve. À la fois prophète et guide, il est la Douce Médecine lui-même. Loin d'être né dans quelque lieu distant et incompréhensible comme Nazareth, il a pour domaine cet endroit précis, Novavose, véritable cœur du pays cheyenne, dans tous les sens du terme. Qui s'étonnera maintenant qu'ils n'aient pas l'intention d'abandonner ces terres? Selon la légende, c'est là que la Douce Médecine est apparue au peuple il y a très, très longtemps, pour lui dire qu'un jour quelqu'un viendrait parmi eux, que cette personne serait << toute cousue >> (c'est ainsi que les Indiens se réfèrent aux vêtements des Blancs) et qu'elle détruirait en arrivant ce dont le peuple avait besoin pour vivre, c'est-à-dire qu'elle leur prendrait tout, le gibier et la terre elle même."
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