IcĂŽne des AnnĂ©es folles et hĂ©roĂŻne de la Seconde Guerre mondiale, JosĂ©phine Baker rejoindra le PanthĂ©on le 30 novembre, a annoncĂ© l’ElysĂ©e.
Article de Baptiste Legrand
1. Ségrégation raciale
Freda Josephine McDonald grandit dans l’AmĂ©rique de la sĂ©grĂ©gation raciale. Elle naĂźt en 1906 Ă Saint-Louis, dans le Missouri, d’une mĂšre noire et d’un pĂšre blanc, et doit travailler comme domestique pour contribuer aux revenus d’une famille misĂ©reuse. MariĂ©e dĂšs l’Ăąge de 13 ans, elle se sĂ©pare de son Ă©poux en lui fracassant une bouteille sur la tĂȘte.
2. Music-hall
Danseuse de talent, la jeune fille rejoint une troupe d’artistes de rue. A seulement 16 ans, elle quitte son deuxiĂšme Ă©poux, Willie Baker, pour tenter sa chance Ă Broadway. Elle intĂšgre une comĂ©die musicale Ă la distribution entiĂšrement noire. RepĂ©rĂ©e en vue d’un futur spectacle Ă Paris, elle embarque en 1925 sur un transatlantique, direction Cherbourg.
3. « Revue nĂšgre »
La « Revue nĂšgre » scandalise… et fait salle comble. Au Théùtre des Champs-ElysĂ©es, JosĂ©phine Baker danse le Charleston, tout juste vĂȘtue d’un pagne et d’une ceinture de fausses bananes, sur fond de dĂ©cors reprĂ©sentant la savane, dans une pĂ©riode oĂč la France cĂ©lĂšbre son empire colonial. Sur la scĂšne des Folies BergĂšres, elle est accompagnĂ©e d’un guĂ©pard. Premiers rĂŽles au cinĂ©ma, tournĂ©es… une star est nĂ©e.
4. « Deux amours »
En 1931, elle ajoute une nouvelle corde Ă son arc : la chanson. Et c’est encore un triomphe. ComposĂ©e par Vincent Scotto, « J’ai deux amours » joue sur son personnage d’AmĂ©ricaine exotique, tout en flattant la vanitĂ© des Parisiens. Cependant l’attachement de JosĂ©phine Baker Ă la « ville-lumiĂšre » n’est pas feint : « J’habitais dans un pays oĂč j’avais peur d’ĂȘtre noire. J’Ă©touffais aux Ătats-Unis. Je me suis sentie libĂ©rĂ©e Ă Paris », confie-t-elle.
5. Espionne
Quand la Seconde Guerre mondiale Ă©clate, l’icĂŽne des AnnĂ©es folles se met au service de son nouveau pays – elle a Ă©tĂ© naturalisĂ©e fin 1937. DĂšs novembre 1940, elle rejoint les services secrets de la France libre et s’acquitte de missions d’espionnage en France, au Portugal et au Maghreb. Elle transmet les renseignements aux agents gaullistes en les Ă©crivant Ă l’encre sympathique sur ses partitions, raconte Charles Onana dans « JosĂ©phine Baker contre Hitler ».
6. Sous-lieutenant
En Afrique du Nord, elle donne des spectacles afin de soutenir le moral des soldats alliĂ©s, voyageant de Marrakech jusqu’Ă l’Egypte, puis Ă Damas, tout en poursuivant ses activitĂ©s d’espionne. Au besoin, elle conduit elle-mĂȘme sa Jeep dans le dĂ©sert. En 1944, dotĂ©e d’un brevet de pilote, elle s’engage dans l’aviation. La voilĂ sous-lieutenant. Son engagement pour la France lui vaut de nombreuses dĂ©corations militaires.
7. Martin Luther King
DĂšs l’entre-deux-guerres, JosĂ©phine Baker s’Ă©tait engagĂ©e pour la cause des Afro-AmĂ©ricains victimes de la sĂ©grĂ©gation. Epouse en troisiĂšmes noces de l’industriel juif Jean Lion, elle milite Ă la Ligue contre l’AntisĂ©mitisme. AprĂšs la Seconde Guerre mondiale, elle contribuera Ă mĂ©diatiser en Europe le mouvement des droits civiques de Martin Luther King. Elle sera prĂ©sente en 1963 Ă Washington pour le cĂ©lĂšbre discours « I have a dream » et fera mĂȘme partie des orateurs devant le Lincoln Memorial.
8. « Tribu arc-en-ciel »
AprĂšs la guerre, JosĂ©phine Baker forme pour projet de constituer une famille de toutes les couleurs : « un enfant jaune, un blanc, un noir et un rouge » afin de prouver « que toutes les races peuvent vivre ensemble dans une harmonie parfaite ». Elle en adopte finalement douze, deux filles et dix garçons. Ce sera sa « tribu arc-en-ciel », qu’elle Ă©tablira dans son chĂąteau des Milandes, en Dordogne.
9. Amoureuse
Femme libre, l’artiste-militante a connu plusieurs mariages et nombre d’amants, parmi lesquels Georges Simenon, le pĂšre du Commissaire Maigret. Des hommes, mais aussi des femmes : JosĂ©phine Baker a notamment vĂ©cu une relation avec l’Ă©crivaine Colette, selon une biographie Ă©crite par l’un de ses enfants, Claude Baker.
10. SixiĂšme
Quarante-six ans aprĂšs sa mort, Ă Paris, en 1975, JosĂ©phine Baker deviendra le 30 novembre la sixiĂšme femme Ă entrer au PanthĂ©on. Elle rejoindra ainsi Sophie Berthelot (qui y repose au cĂŽtĂ© de son mari), la physicienne Marie Curie, la rĂ©sistante GeneviĂšve de Gaulle-Anthonioz, l’ethnologue Germaine Tillion et la femme d’Etat Simone Veil. Six femmes, seulement, sur un total de 81 personnalitĂ©s panthĂ©onisĂ©es.