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La CIA a-t-elle vraiment “fabriqué” le tueur Unabomber ? auteur du manifeste "l'effondrement du système technologique"

La Rédaction


 Theodore John Kaczynski, alias Unabomber, est le prisonnier le plus célèbre des États-Unis. Pour faire publier son manifeste, La société industrielle et son avenir, il n'hésita pas à commettre des attentats meurtriers. Emprisonné à vie, Kaczynski a poursuivi son travail intellectuel au travers d'essais ainsi que d'une abondante correspondance. Il s'attache dans ses écrits à saper les fondements d'une société suicidaire, qu'il juge incapable de se réformer.
Seule la révolution, soutient-il, pourra mettre fin à notre course à l'abîme programmée. Derrière des actions extrêmes et condamnables, Kaczynski affiche une pensée rationnelle et une érudition impressionnante. Il se réfère à des classiques de la critique de la modernité tels que George Orwell, Ivan Illich ou Jacques Ellul. Si sa pensée inspire des groupes anarchistes ou des mouvements altermondialistes radicaux, elle constitue aussi une mise en garde précoce contre la dérive consumériste industrielle.
Ses vues sur le " progrès ", jadis si marginales qu'il dut les imposer à l'explosif, font aujourd'hui presque partie de l'" écologiquement correct ". Ce livre rassemble ses principaux essais, la plupart inédits, un entretien très personnel ainsi que ses lettres les plus importantes. Il ne s'agit pas d'un programme terroriste mais d'un ouvrage qui touche à l'anthropologie, à la philosophie et à la sociologie.
Sa lecture est indispensable à quiconque réfléchit sur l'évolution des sociétés humaines et aux enjeux du développement technologique. 

Voici un article de Mathieu Dejean qui en parle en détail sur l’auteur et son passé.

 

La série Netflix “Manhunt : Unabomber”, consacrée au poseur de bombes technophobe Theodore Kaczynski, relate l’expérience de torture psychologique dont il a été victime quand il étudiait à Harvard. Celle-ci aurait fait partie d’un programme secret de la CIA…

Une expérience psychologique peut-elle traumatiser un homme au point de le transformer en un implacable terroriste ? C’est une hypothèse que soulève la série Manhunt : Unabomber, sortie début décembre sur Netflix. Elle retrace le destin fascinant de Theodore Kaczynski, plus connu sous le nom d’Unabomber (pour “UNiversity and Airline BOMber”), que lui ont attribué la presse et le FBI à partir de la fin des années 1970. Entre 1978 et 1995, ce docteur en mathématiques, élève surdoué et militant écologiste fermement opposé à la société industrielle et à la technologie, a été l’auteur de seize attentats au colis piégé contre des professeurs d’universités, des vendeurs d’ordinateurs ou encore un patron de compagnie aérienne. Ses missives explosives ont causé la mort de trois personnes et fait vingt-trois blessés jusqu’à son arrestation en 1996, après dix-huit ans de cavale.

Dans l’épisode 6 de la série, Ted Kaczynski opère un flashback et remonte à 1958, lors de son arrivée à l’université d’Harvard, pour trouver la source de sa colère. Il a seize ans lorsqu’il débarque sur le campus de Cambridge (dans le Massachusetts) et se porte volontaire pour participer à une expérience du département de psychologie, sous la direction du professeur Henry Murray.

L’origine de sa haine anti-technologique ? 

Après s’être confié pendant des mois à l’éminent professeur (qui avait travaillé pour l’ancêtre de la CIA pendant la Seconde Guerre mondiale) sur sa pensée, ses peurs et ses rêves, il apprend que l’expérience fait partie d’un programme “très important pour l’avenir du monde libre”. Il s’agit du projet MKUltra, lancé par la CIA pour “développer des techniques de lavage de cerveau” pouvant servir “contre des espions soviétiques”, comme le relate la série. Ce programme est désormais connu pour avoir ruiné la vie de nombreuses personnes à leur insu – une autre série, Stranger Things, s’en est d’ailleurs inspirée.

Ted Kaczynski subit en effet un interrogatoire qui relève de la torture psychologique. Attaché à une chaise et couvert d’électrodes, il est humilié par Henry Murray, qui démonte ses théories et ses idées avant de lui lire une fausse lettre de sa mère qui le traite d’inadapté social. Il poursuivra malgré tout les séances, jusqu’à cumuler 200 heures étalées sur trois ans avec son bourreau.

 

En faisant de cette expérience traumatique un épisode fondateur de la radicalisation du futur poseur de bombes, la série s’aligne sur l’hypothèse d’un ouvrage paru en 2003 : Harvard and the Unabomber: The Education of an American Terrorist, d’Alston Chase (non traduit). Selon cette enquête, le choc mental a été si violent pour l’étudiant déjà solitaire et introverti, qu’il a marqué le début de son aversion pour les expérimentations scientifiques, et a donné naissance à son idéologie technophobe. Le site BoingBoing affirme ainsi que la CIA a paradoxalement “fabriqué” Unabomber.

“Theodore Kaczynski ne mentionne nullement cette expérience dans son autobiographie”

Interrogé par Les Inrocks, le professeur émérite à l’Université de Stanford (Californie) Jean-Marie Apostolidès, qui fut le premier en France à faire connaître les écrits de Theodore Kaczynski, émet quelques réserves à ce sujet : “Si l’on en croit le livre d’Alston Chase, cette expérience fut fondamentale dans le développement intellectuel et moral de Kaczynski. Les auteurs de la série Netflix consacrée à Unabomber suivent également cette hypothèse. J’ai trouvé pour ma part le livre d’Alston Chase passionnant, sans pourtant être convaincu par son approche. La raison principale tient au fait que Theodore Kaczynski ne mentionne nullement cette expérience dans son autobiographie Truth versus Lies. Or ce manuscrit est très complet, et l’auteur parle en toute sincérité de sa formation, de l’évolution de ses idées, des étapes importantes de son existence. Si l’expérience de Murray l’avait traumatisé à ce point, je crois qu’il en aurait fait cas”.

“Si l’expérience de Murray l’avait traumatisé à ce point, je crois qu’il en aurait fait cas dans son autobiographie”

Dans un long article publié sur The Atlantic en 2000, Alston Chase développait déjà son hypothèse en prétendant se baser sur les confessions de Kaczynski lui-même, dans une correspondance qu’ils ont entretenue à partir de 1998 (il venait d’être condamné à la prison à perpétuité) : “Il m’a dit que le Centre de Recherche Henry A. Murray […] avait refusé de partager les données de l’équipe d’analystes de Murray […]. Kaczynski laissait entendre que le Centre Murray avait l’air d’avoir quelque chose à cacher. Un de ses avocats lui a rapporté que le centre avait demandé aux psychologues qui avaient participé à l’expérience de ne pas en parler à l’équipe de défense”. Dans les archives que Chase a pu consulter, il rapporte une description horrifique de l’expérience par Murray lui-même, qui évoque des attaques “véhémentes, radicales et intimement violentes” visant à ébranler les croyances les plus chères des sujets.

La CIA serait bien derrière cette expérience 

La CIA était-elle derrière cette manipulation mentale ? “Je pense que oui, sans être totalement certain, tempère Jean-Marie Apostolidès. Alston Chase donne dans son livre un tableau terrifiant de Murray, qui m’a paru fondé sur les informations sérieuses et une recherche approfondie. Son livre mérite d’être lu, ne serait-ce que pour cette raison.” 

Si la série choisit de faire du passage à Harvard de Kaczynski un événement déclencheur dans la métamorphose du futur anarchiste – suivant en cela le fil conducteur du livre d’Alston Chase -, c’est cependant aussi pour faire vibrer une corde sensible chez le public américain. Le fait que ce serial-killer se soit radicalisé dans le Landerneau des élites américaines a quelque chose de fascinant. Mais sa formation idéologique est en réalité intervenue plus tard : “A mon avis, la passion anti-technologique de T.J.K. remonte à son enfance, aux expériences dans la nature faites avec son père et son jeune frère. Quant à la théorie anti-technologique qui l’accompagne, elle est plus tardive et ne survient qu’après la lecture des livres de Jacques Ellul. C’est du moins mon hypothèse. Mais Harvard tient une telle place dans l’imaginaire américain – je connais bien cette université pour y avoir enseigné pendant six ans – qu’il était tentant d’en faire une étape importante dans le développement intellectuel et sensible de Theodore Kaczynski. Harvard fait partie de la légende américaine ; en liant ce lieu mythique à l’aventure de T.J.K., l’auteur faisait d’une pierre deux coups, donnant ainsi un intérêt encore plus considérable à cette histoire”, développe Jean-Marie Apostolidès, qui a préfacé le Manifeste de 1971 – L’Avenir de la société industrielle, d’Unabomber (éd. Flammarion, 2009).

“Harvard fait partie de la légende américaine ; en liant ce lieu mythique à l’aventure de T.J.K., l’auteur donnait un intérêt encore plus considérable à cette histoire”

“Si les auteurs de la série avaient lu son autobiographie, ils auraient construit autrement leurs épisodes”

Par la suite, Theodore Kaczynski a obtenu un doctorat en mathématiques à l’âge de 25 ans, et enseigné pendant deux ans à l’université de Berkeley avant de démissionner en 1969. A l’instar d’Henry David Thoreau (l’auteur de Walden, qui raconte sa vie passée dans une cabane isolée pendant deux ans), le mathématicien a ensuite vécu reclus dans une cabane de 15 mètres carrés perdue dans le Montana, où il ruminait ses théories néo-luddites en confectionnant ses bombes artisanales. Manhunt : Unabomber relate avec précision l’enquête menée par le profileur du FBI qui a permis de le démasquer.

Pour Jean-Marie Apostolidès, l’auteur de L’Affaire Unabomber (éd. Le Rocher, 1996), la série est globalement fidèle à la réalité, malgré une petite entorse : “La seule réserve que je puis avoir est le fait que les auteurs ne semblent pas avoir pris connaissance de l’autobiographie de Kaczynski. Or, parmi tous les documents que j’ai eus entre les mains, ce texte me paraît le plus complet, celui qui apporte le plus d’information sur cette histoire et sur la vie personnelle et intellectuelle de Ted. Sans me mettre trop en avant, on dirait que je suis le seul à avoir lu ce manuscrit. Pourquoi ? Est-ce parce que je suis le seul auquel l’université du Michigan ait permis de le lire ? Ou parce que je suis le seul à savoir qu’un tel document existe (il fait plus de 500 pages) ? Dans tous les cas, si les auteurs de la série l’avaient lu, ils auraient construit autrement leurs épisodes, en multipliant les renvois à la jeunesse de Ted, et même à son enfance, puisque ce texte y fait de nombreuses références. C’est là ma seule réserve à l’égard de cette série, que j’ai trouvée passionnante et bien réalisée. Le personnage garde son mystère mais il n’est pas présenté comme un fou, comme un simple malade mental, comme plusieurs auteurs américains l’ont dépeint.”

Par Mathieu Dejean

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