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Écrire comme Stephen King

La Rédaction



« La vie n’est pas faite pour soutenir l’art. C’est tout le contraire. »

Écrire, c’est vivre.

On ne doit pas écrire pour l’argent, mais pour vivre.

C’est la force de la vie qui pousse à persévérer, à écrire sans lecteurs.

À quatorze ans, Stephen King empale toutes les lettres de refus des éditeurs sur un seul et même clou, le trophée de chasse de sa persévérance. Assez rapidement, cependant, la place manque ; il remplace donc le premier clou par un autre, plus long, pour continuer d’écrire.

Continuer d’écrire.

On ne doit pas écrire pour l’argent, mais pour être lu.

N’empêche, l’envie peut être forte de vouloir forcer le destin – c’est-à-dire se passer d’éditeur.

L’adolescent décide donc de prendre les choses en main : il plagie grossièrement le scénario d’un film, en fait une petite nouvelle qu’il imprime à quelques dizaines d’exemplaires ; et il la propose à la vente dans son collège.

C’est un succès !

Mais l’adrénaline, littéraire et financière, est de courte durée. Convoqué par le principal de l’établissement, le jeune auteur-éditeur-distributeur se voit reprocher de gâcher son talent avec la science-fiction et l’horreur. Il doit rendre tout l’argent.

Cet épisode nourrira sa honte pour son genre de prédilection, né en lisant des bandes dessinées d’horreur.

Mais tel est le destin de l’artiste :

« Si jamais vous écrivez (ou peignez ou dansez ou sculptez ou chantez, peu importe), il y aura toujours quelqu’un pour essayer de vous faire croire que vous êtes un minable, c’est tout. »

Continuer à écrire
La vie continue, donc Stephen King continue d’écrire.

Les années avançant, les efforts s’accumulant, la montagne des obstacles semble progressivement moins insurmontable.

Vers ses seize ans, l’aspirant écrivant commence à recevoir des lettres de refus accompagnées de notes manuscrites plus encourageantes – elles ne se limitent plus à lui demander d’utiliser des trombones plutôt que d’agrafer les feuilles.

Puis l’esprit d’expérimentation se manifeste encore.

Au lycée, Stephen King s’essaie à la satire en créant un journal dans lequel chaque professeur a son surnom ; mais l’expérience tourne court, et l’enseignante la plus susceptible ne se satisfait pas de l’enterrement de la feuille de chou. La sanction tombe : il est obligé d’accepter une responsabilité de journaliste sportif, qui consistera essentiellement à écrire des comptes rendus purement factuels de matchs de troisième zone.

Cette pige de malheur sera finalement une étape cruciale de sa formation, car il apprend à écrire simplement.

« Quand on écrit une histoire, on se la raconte. Quand on se relit, le gros du travail consiste à enlever ce qui ne fait pas partie de l’histoire », lui dit le rédacteur en chef.

Plus tard, une lettre de refus lui donnera la formule suivante : « Version 2 = version 1 – 10% ».

Le minimalisme deviendra la colonne vertébrale de sa technique littéraire. Comme tout le monde a une histoire, il faut s’en tenir aux parties intéressantes. Et même dans ces parties, il y en a toujours trop – tout texte peut être resserré.

Les coupes judicieuses, c’est « du viagra littéraire ».

Mais la technique ne doit pas dissimuler la réalité du talent ; les années et les expériences successives ne font que polir une forme de don, la vocation d’écrivain.

« […] les Shakespeare, les Faulkner, les Yeats […] sont des génies, des accidents divins, pourvus de dons qu’il est au-delà de nos capacités de comprendre et à plus forte raison d’atteindre. »

Ne devient donc pas écrivain qui veut.

L’écriture connaît la même hiérarchie que tous les domaines créatifs : un mauvais écrivain ne sera jamais compétent ; un écrivain tout juste compétent ne deviendra jamais un bon écrivain.

Restez à votre place.

Enfin bon, on peut quand même faire quelque chose. Le maître croit qu’il est possible de devenir un bon écrivain avec du travail et de l’entraînement.

Ouf.

Au travail.

L’éthique de l’écriture de Stephen King
Beaucoup de travail.

« Si vous n’avez pas envie de vous casser le cul, ce n’est pas la peine de vous imaginer que vous écrirez bien un jour. »

Nul mystère : il faut surtout se « casser le cul » à faire deux choses – sans raccourci possible – lire et écrire.

Longtemps tenu éloigné de l’école par des problèmes de santé, Stephen King a passé beaucoup de temps dans les livres, puis à essayer d’écrire assez tôt. Il lit entre soixante-dix et quatre-vingts ouvrages par an, les emportant partout où il peut – dès qu’il faut attendre, notamment aux toilettes, où c’est très plaisant – les consommant par grandes rasades comme par petites plages ; et il écoute aussi beaucoup de livres audio.

Il ne croit pas un instant dans les chances des personnes qui ne lisent pas :

« Si j’avais reçu cinq cents pour chaque personne ayant confié qu’elle voulait devenir écrivain, ajoutant qu’elle n’avait pas le temps de lire, je pourrais ne payer une table dans un bon restaurant. N’y allons pas par quatre chemins : si vous n’avez pas le temps de lire, vous n’avez pas celui d’écrire, ni les instruments pour le faire. C’est aussi simple que ça. »

À cet égard, la télévision est un véritable poison.

Appartenant à la dernière génération d’écrivains américains ayant appris à lire et à écrire avant d’ingurgiter leur portion quotidienne de « vidéo connerie », Stephen King n’y va pas par quatre chemins : la télévision est l’ennemi de l’écriture.

Et cet ennemi, il faut le tuer :

« Si vous êtes écrivain débutant, pourquoi ne pas enlever l’isolant entourant le fil électrique de la fiche de votre télé, l’enrouler autour d’une grande pointe et la remettre dans la prise ? Pour voir ce qui explose et jusqu’où ça porte. »

Jeter l’écran fera aussi bien l’affaire.

Une fois le sacrifice commis, le commandement suprême est : « Lis beaucoup, écris beaucoup ».

Ainsi, l’aspirant écrivain est surtout un autodidacte :

« On apprend encore mieux en lisant beaucoup et en écrivant beaucoup, et les leçons les plus précieuses sont celles qu’on s’enseigne soi-même. »

Stephen King préconise un programme de lecture et d’écriture de quatre à six heures par jour. Le volume de lecture sera plus précisément le facteur clé du volume d’écriture, car la rédaction se déploie par une forme de mimétisme, en se nourrissant des textes lus, des styles, des formules, et des mots. La lecture est aussi le moyen de développer le jugement littéraire ; d’apprécier, pour les autres et pour soi, ce qui marche et ce qui est original. Et si les textes bien écrits sont de bons modèles, on apprend bien plus en lisant de la mauvaise prose.

En conclusion, « plus vous lirez, moins vous courrez le risque de vous ridiculiser avec votre plume ou votre traitement de texte ».

Ne devient pas écrivain qui veut, mais la bonne vieille éthique du travail est toujours debout.

Issu de la classe moyenne inférieure de l’Amérique, ayant été ouvrier (dans une blanchisserie) et ayant vécu dans une pauvreté relative avant de connaître le succès, le romancier défend une conception quasi prolétarienne de l’écriture : c’est une tâche qui, comme toutes les autres, demande des efforts.

Il faut « se casser le cul ».

Au point que face aux intervieweurs, Stephen King ment comme un bon élève honteux : non, il n’écrit pas tous les jours ; il ne travaille pas les jours fériés, comme tous les salariés, et il prend des vacances.

En vérité, il écrit tous les jours, quels qu’ils soient, sinon le tranchant narratif se rouille ; l’intrigue et le rythme de l’histoire se dissipent quand la plume se repose. Il a aussi besoin de maintenir l’excitation initiale. Il ne s’arrête sous aucun prétexte, sauf en cas de force majeure.

Il écrit pour vivre.

Comme souvent, l’incarnation du talent se trouve être un véritable bourreau de travail.

Le quotidien de l’écrivain
Le romancier américain écrivait au rythme de dix pages par jour, soit environ deux mille mots (un peu moins long que cet article) ; puis l’âge et l’arrêt de la cigarette l’ont ralenti.

Pour le débutant, l’objectif quotidien est fondamental. Il devrait essayer d’écrire mille mots chaque jour, et peut-être prendre un jour de repos hebdomadaire.

Avec l’expérience, il a également découvert les conditions idéales de l’écriture.

C’est ce qu’il nomme « la porte fermée » : l’écrivain a besoin d’une pièce dédiée, sans téléphone, dans laquelle il peut être absolument seul.

« La porte fermée et le moyen de dire au monde comme à vous-même que vous ne plaisantez pas ; que vous êtes sérieusement décidé à écrire, que vous avez l’intention d’aller jusqu’au bout et de faire tout ce qu’il faudra pour ça. »

Stephen King conseille de ne pas mettre son bureau au milieu de la pièce – au risque de mettre la vie au service de l’écriture – mais dans un coin.

On écrit pour vivre.

S’il tolère que sa femme l’interrompe à propos du linge (il n’a pas vraiment le choix), il se coupe encore davantage du monde en mettant du hard rock à plein volume comme musique de fond (surtout AC/DC, Guns n’ Roses ou Metallica).

« Quand on écrit, il faut s’abstraire de l’univers, vous ne croyez pas ? Bien sûr que si. Quand on écrit, on crée son propre univers. »

Cette stratégie de base – objectif quotidien et porte fermée – rendrait l’écriture beaucoup plus facile.

À la recherche de « Monsieur Muse »
Il ne faut surtout pas attendre « Monsieur Muse ».

À l’université, le futur maître du thriller supportait mal la prétention hippie à tirer l’inspiration artistique du néant ; il comprenait mal l’idéal d’une créativité totale, qui donnait naissance à des textes incompréhensibles sur la forme comme sur le fond.


Il y a pourtant cru, lui aussi, à « Monsieur Muse », à l’époque où il carburait à à peu près tous les présumés dopants de l’inspiration (alcool, cocaïne, médicaments, etc.). À l’heure d’arrêter les bêtises, il était terrorisé à l’idée que le bonhomme se fasse la malle – mais il a compris que c’était « un ramassis de conneries ».

« L’idée que l’effort créateur et les substances qui altèrent l’esprit sont étroitement liés est l’une des plus grandes et populaires supercheries intellectuelles de notre temps. »

Inutile, donc, de frotter la lampe pour appeler « Monsieur Muse ».

Non, la source de l’inspiration, c’est tout simplement la vérité.

Stephen King n’appelle pas à s’engager dans le journalisme d’investigation, ; il demande de prendre conscience de la dimension forcément mimétique de toute fiction. En clair, un récit réaliste qui a de l’impact sur le lecteur ne peut être construit, pour majeure partie, qu’à partir d’éléments puisés dans l’expérience réelle de l’auteur. Il faut donc savoir observer, et écouter (pour les dialogues).

« Le boulot se résume à deux choses : faire attention à la manière dont les gens réels se comportent autour de vous, puis dire la vérité sur ce que vous avez vu. »

C’est pour cette raison que les protagonistes sont souvent des versions de l’écrivain – même si l’imagination pure peut aussi fonctionner. C’est également pour cette raison que l’auteur ne peut avoir que quelques thèmes de prédilection, forcément nés de sa vie et de ses réflexions.

Stephen King, lui, produit très vite la première mouture afin de ne pas se laisser envahir par les doutes ; puis il la laisse reposer pour faire émerger en lui une forme d’extériorité, grâce à laquelle il pourra repérer les fautes d’orthographe et les incohérences sans culpabiliser. Une fois la relecture terminée, il passe en mode « porte ouverte » : il soumet le manuscrit à quatre cinq amis proches qui ne chercheront pas à le flatter.

Mais l’avis déterminant est pour lui celui de sa femme, sa « Lectrice Idéale ».

Chacun a son « Lecteur Idéal », généralement imaginaire. C’est en réalité à lui que s’adressent tous les livres de l’écrivain. Il faut imaginer son « Lecteur Idéal » – et non pas « Monsieur Muse » – en chair et en os dans la pièce pour rester motivé.

On a réglé son compte à « Monsieur Muse » ; reste la question de la technique.

La boîte à outils de Stephen King
En bon artisan, l’écrivain a besoin d’une boîte à outils.

Le premier outil est le vocabulaire. Très fourni chez certains écrivains – au point que Stephen King lui-même les comprend avec difficulté – il est aussi parfois très simple chez d’autres. Ainsi, ni sa richesse ni sa noblesse ne garantissent la qualité du style.

Le vocabulaire, c’est comme le pénis :

« Comme le disait la pute au matelot intimidé : « L’important, c’est pas ce que tu as, mon chou, mais comment tu t’en sers ». »

Le vocabulaire ne s’améliore pas par un effort volontaire, mais de manière inconsciente, par la lecture, dont le contenu infuse dans l’esprit. On ne peut, en la matière, que suivre le conseil de Mitterrand : « il faut donner du temps au temps ».

En apôtre de la simplicité, Stephen King plaide aussi pour la spontanéité : le premier mot qui vient à l’esprit est probablement celui qui traduit le mieux l’intention d’expression – ou plutôt il en est le moins éloigné.

« N’oubliez jamais que la première règle, en matière de vocabulaire, est d’utiliser le premier mot qui vous vient à l’esprit, s’il est approprié et expressif ».

Le deuxième outil de la boîte est la grammaire, que la lecture et la conversation suffisent à intégrer. Elle fait peur, mais elle est nécessaire, car elle empêche la confusion et les incohérences.

Au-delà des expressions boucs émissaires – comme « c’est super chouette », « à ce stade », ou « en fin de compte » – Stephen King conseille d’éviter la voix passive. L’écrivain qui cède à la facilité de la voix passive, c’est comme l’amant qui manque d’imagination parce qu’il manque d’assurance.

Son second conseil principal est de limiter l’usage des adverbes :

« Les adverbes sont comme les pissenlits. Un seul et unique sur votre pelouse, c’est ravissant. Oubliez de l’arracher et, quelques jours plus tard, vous en aurez cinq, puis cinquante le lendemain et, mes chers frères et sœurs, votre pelouse sera totalement, complètement et superlativement recouverte de pissenlits. »

Les autres outils sont tout ce qui permet d’améliorer l’expérience de lecture.

En définitive, le lecteur doit être le principal souci de l’écrivain.

Les livres faciles à comprendre comportent de nombreux paragraphes courts et beaucoup d’espaces blancs ; ceux qui sont plus ardus, en revanche, ont un aspect rébarbatif et compact.

J’ai retrouvé dans les recommandations de Stephen King la philosophie de ma méthode des paragraphes « tout cuits » : le paragraphe idéal commence par une phrase qui présente le sujet, suivi d’autres qui expliquent et amplifient la première. Cette première phrase sert à organiser la pensée de l’écrivain (« un texte est de la pensée filtrée »), ce qui constitue sa meilleure assurance de ne pas s’éloigner du sujet. Pour autant, il n’est pas nécessaire de penser consciemment aux coupures de paragraphes ; il faut les laisser naître naturellement.

Écrire pour revenir à la vie
Les partisans de l’élitisme littéraire ne partagent pas l’apologie de la clarté de Stephen King ; mais il est devenu très tôt imperméable à leur snobisme, quand il devait subir les pets puissants de sa baby-sitter obèse.

Seul compte le lecteur, auquel le livre connecte l’auteur par une forme de télépathie. Une histoire réussie crée un écho perdurera dans son esprit bien après la dernière page.

Ni la critique ni l’argent ne doivent motiver l’écriture ; il faut avant tout adorer écrire, c’est-à-dire vivre intensément en écrivant.

Écrire pour vivre.

Ou pour revivre.


C’est après avoir été renversé par un van, un accident qui a failli lui coûter la vie, que Stephen King a finalement trouvé le temps de sonder le sens de son métier.

Il a finalement conclu à l’hôpital :

« L’écriture n’est pas la vie, mais je crois qu’elle peut être parfois le moyen de revenir à la vie. »

par Romain Treffel /source:1000-idees-de-culture-generale.fr Article inspiré par la lecture d’Écriture, mémoires d’un métier de Stephen King

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