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« Des Figues en avril », une histoire intime de l’immigration algérienne

La Rédaction
Le journaliste Nadir Dendoune dresse le portrait tendre de sa mère, Messaouda, 82 ans, dont cinquante-huit passés en France dans une cité de Seine-Saint-Denis.
Nadir Dendoune l’avoue : « Je pensais que je n’avais pas le droit d’écrire. Lire, écrire, faire des films, c’était pas pour moi. Les pauvres n’écrivent pas ». A 45 ans, le journaliste, écrivain, voyageur et grande gueule, a tordu le cou à ces pronostics. Après plusieurs livres – dont Nos Rêves de pauvres paru en 2017 (éd. J.-C. Lattès) –, il a réalisé un documentaire sur sa mère, Des Figues en avril, qui sort en salle ce 4 avril. 57 minutes qui sont à elles seules une part de l’histoire franco-algérienne, des banlieues, de l’immigration. « C’est un film qui ne revendique rien, prévient Nadir Dendoune, mais il vient combler un vide. On a toujours raconté cette immigration à travers des histoires d’hommes, à travers le travail. Nos mères ont été les invisibles. »
Le réalisateur filme la sienne avec une infinie tendresse. Messaouda Dendoune, 82 ans, petite femme aux yeux malicieux rehaussés de khôl qui parle un savoureux mélange de kabyle et de français. Née en 1936, probablement en juin – « Tu es née quand mûrissent les fèves », lui avait dit sa propre mère –, cette « Kabyle des montagnes » a passé l’essentiel de sa vie en France. Dans son deux-pièces de l’Ile-Saint-Denis, les photos accrochées sur un papier peint fatigué racontent une vie dans l’ombre et la fierté d’avoir élevé, en dépit des difficultés, une génération de petits Français, aujourd’hui assistante sociale, couturière, fonctionnaire… devenus à leur tour parents.
Le couple aura neuf enfants. Toute la vie de Messaouda sera consacrée à les élever, à leur offrir des vêtements propres, à les nourrir. Elle va chez Tati pour les habiller, tandis qu’au marché, chaque franc compte. La propreté étant souvent l’honneur de ceux qui ont peu, elle tient son logement impeccable : elle passe la serpillière chaque jour dans le deux-pièces. La cuisine est aussi un marqueur important. Couscous, crêpes, boulettes de viande : les gestes de leur préparation sont un peu du pays que l’on retrouve et que l’on offre à ses enfants.
Pendant ces années, elle ne leur parle pas kabyle. « Je crois qu’ils ne voulaient pas nous perturber, explique Nadir Dendoune. Ils souhaitaient que ça se passe bien, qu’on soit des Français comme les autres. Ils n’ont jamais mal parlé de la France. Ma colère est apparue plus tard, lorsque j’ai découvert ce qu’il y avait derrière les non-dits et les silences ». Les parents ne disent rien de la colonisation française, de la chasse aux « fellaghas », des villages déplacés par la guerre. Mais le film raconte bien plus que l’Algérie, il parle de tous ces exilés réunis dans les banlieues françaises : Maliens, pieds-noirs, Portugais… « Il y avait à l’époque une vraie solidarité dans les cités, rappelle le réalisateur. On parle tout le temps d’identité, mais en réalité, il s’agit d’une question sociale. Tous avaient en commun la pauvreté, le fait d’habiter dans des quartiers populaires. »

« On a tout laissé »
Les souvenirs de Messaouda et de son fils se font souvent drôles, aussi, comme ces soirées télé devant les films de Louis de Funès qui faisaient tant rire les enfants, ou lorsque leur père, Mohand, décida d’apprendre à lire le français avec leur aide. « Vous vous moquiez de lui », en plaisante encore sa femme.
Cinquante-huit ans après son arrivée, la mère de famille reproduit les mêmes gestes qui la relient à son pays d’origine : brosser ses longs cheveux colorés au henné, les nouer en nattes avant de les enrouler autour de sa tête et de les couvrir d’un foulard coloré, pétrir la semoule du couscous, s’asseoir sur son petit balcon et regarder au loin comme elle le ferait face à la baie d’Alger. « On a tout laissé », dit-elle, les larmes aux yeux en écoutant une chanson sur l’exil de Slimane Azem. « Jamais on aurait imaginé finir ici, on aurait voulu vivre sur notre terre, mais on a eu peur car nos dirigeants sont incompétents et ne nous respectent pas ». Mohand, lui, ne vit plus à la maison. A 90 ans, atteint de la maladie d’Alzheimer, il a été placé dans une maison médicalisée. Messaouda s’y rend chaque jour : « Jamais je ne l’abandonnerai. »
Dans la même veine que le roman d’Alice Zeniter, L’Art de perdre, Des Figues en avril ne raconte plus la grande histoire franco-algérienne, mais la petite, celle de l’intimité qui a forgé les individus, leur colère, et qui permet de comprendre l’attachement à deux pays, loin des clichés. « Au départ, je n’étais pas parti pour le sortir en salle, mais je me suis dit que c’était une histoire française », explique Nadir Dendoune. Il a eu raison. En témoignent les nombreuses avant-premières organisées en banlieue qui ont fait salle comble.
source:LE MONDE
Par Charlotte Bozonnet

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