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Les élites du Sud peuvent-elles sortir du postcolonial ?

La Rédaction

Chronique de Kamel Daoud
Les élites du Sud peuvent-elles sortir du postcolonial ? La question m'obsède, me partage aussi. La colonisation a été une réalité, une blessure, et elle devient une cicatrice, mais sur un corps insensible au présent. Souvenirs de dialogues croisés à la Foire du livre de Francfort. Brillant, le verbe haut et élégant, Patrick Chamoiseau y développe une vision déstabilisante sur le futur du monde, le devoir d'accueil et le partage. Pluriversalité au lieu d'universalité. Depuis des années, ce rituel de la critique de la raison occidentale m'agace. J'y décèle une lucidité biaisée sur soi aussi, même si cela reste un grand devoir de mémoire. L'Occident n'est ni juste ni injuste à mes yeux. Du coup, le discours sur la demande d'excuses, de repentance ou la critique radicale ne suffisent pas. À vrai dire, cela m'importe peu. Ce que je veux, c'est une critique de la raison de tous : au Sud comme au Nord. La migration ? Je ne fais pas le procès de l'accueil, mais celui des raisons de départ et des fuites, des exils. Ce n'est pas : pourquoi je suis mal accueilli, mais aussi : pourquoi je pars, je quitte ?

La conscience postcoloniale a fini par développer des cloisonnements de confort, des narcissismes de victime. On ne peut pas tout dire au Sud, à cause de cette orthodoxie du « tout-colon » comme explication définitive. Et notre responsabilité ? Elle dépend d'une vision, encore difficile, du présent, de l'immédiat. Un ami a appelé ça l'« impossibilité de sortir de l'Histoire » dans nos pays. Ce cloisonnement se retrouve aussi dans les familles politiques de gauche théoricienne, presque radicale dans les milieux universitaires américains, diffus et sourcilleux, populiste, en Europe. Cela permet de parler du racisme de l'Occident, mais pas des déportations massives de Subsahariens en Algérie ou dans d'autres pays dits « arabes ». On traitera comme atteinte aux droits de l'homme la Méditerranée devenue un mur, mais on s'accommode du mur de séparation érigé entre l'Algérie et le Maroc. On peut parler de la blessure coloniale, mais pas de la responsabilité dans les échecs de nos indépendances, nos asservissements aux castes des décolonisateurs devenus prédateurs. On parlera du devoir d'accueil du migrant en Occident, mais on ne fait pas, avec le même tintamarre, le procès de l'Arabie saoudite ou des monarchies du Golfe, qui accueillent si peu et qui le peuvent tant. On ne parle pas des racismes locaux, horizontaux, entre soi, envers les siens. La conscience postcoloniale est le jeu d'un miroir éclaté où l'on ne voit que le passé, pas ses propres reflets impuissants.
Kamel Daoud

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