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Les feux de l’humour:Poisson d'Avril

La Rédaction
A chaque 1er avril, son lot de poissons accrochés, son flot de farces, de gags et d’actualités farfelues. En 2016, on a prêté à la RATP l’intention de rebaptiser la station Opéra en Apéro ou à Burger King de vendre ses frites à l’unité, tandis que l’association Bloom indiquait qu’à force de décimer la population des océans, l’homme fêtera bientôt les 1er avril avec des… « rien d’avril » ! « S’il prête à sourire, l’humour ne se résigne pas, il défie aussi, comme l’écrit Sigmund Freud en 1905 », rappelle Marie-France Patti, dans son essai L’humour, un défi aux certitudes. Et si on explorait l’humour avec la psychothérapeute et psychologue clinicienne ? Sans rire ?
L’humour, c’est quoi au juste ?



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L’humour participe du comique mais s’en différencie au même titre que la dérision, l’ironie ou le mot d’esprit. Il a une place et une forme bien particulière. Il peut évidemment faire (sou) rire, mais pas forcément et plus rarement encore donner lieu à des éclats de rire, parce qu’il vient bousculer la réalité, en créant un décalage. L’humour est une disposition d’esprit, une façon de se situer dans la vie et d’interpréter le monde dans lequel on évolue.

Coller un poisson dans le dos d’un collègue ou d’un enfant le 1er avril, par exemple, fait partie d’un rituel qui permet à l’autre de se moquer de lui-même, de participer sans être humilié ni blessé. L’humour transforme une réalité en la sublimant, c’est-à-dire en la regardant différemment. Le sujet souligne ses propres défauts ou ceux d’autrui, mais l’intention est de s’en amuser. L’humour a une portée philosophique, nous ramène à notre humanité, c’est une forme d’altruisme, dans le partage et le don de soi : son but n’est pas de blesser ni de détruire, mais plutôt de dévoiler un défaut, un travers, dans un message contenant plus d’empathie et de tolérance que de mépris. Alors que dans le sarcasme, l’ironie ou le comique, il y a toujours cette intention, souvent déguisée, pas forcément agressive ou violente, de blesser ou de dévaloriser l’autre.
Distingue-t-on plusieurs formes d’humour ?



Sans être exhaustif, on distingue trois formes exemplaires d’humour : l’humour noir est un défi à la mort, c’est (entre) voir la mort derrière la réalité, c’est en cela qu’il est grinçant, à la manière d’Alphonse Allais et son « Je me suis toujours demandé si les gauchers passaient l’arme à droite ». Paradoxalement, dans des situations extrêmes, l’humour noir s’apparente à un acte de survie : il fonctionne comme un mécanisme de défense vitale – pour continuer à se sentir humain, en préservant sa liberté, souvent la seule, de penser. En témoigne l’humour dont faisaient parfois preuve les soldats de la première guerre mondiale ou les prisonniers des camps de concentration. C’est ici un défi à la honte, à la douleur et à la mort psychique et réelle.

L’humour insensé (ou humour anglais) est un défi à la logique et à la pensée. Il met en évidence un décalage qui suscite la surprise : cette distanciation peut s’attacher à banaliser un fait important (ce que les Anglais appellent l’understatement) ou au contraire, à amplifier un fait tout à fait banal (overstatement), et surtout, en ne laissant paraître aucune émotion massive.

Enfin, l’autodérision est un défi à soi-même : on vient à se moquer de soi, de ses habitudes et de ses croyances… C’est toujours une affaire langagière, souvent un jeu de mots.




L’humour est un phénomène social et culturel étroitement lié aux habitudes, aux valeurs et aux idéaux communs ; on ne rit pas des mêmes choses d’un pays à l’autre, d’une communauté ou d’un groupe à l’autre, et même d’une époque à l’autre. L’humour des groupes confrontés à des situations dangereuses ou dramatiques par exemple (pompier, urgentiste…) sera jugé scandaleux par ceux qui ne partagent pas les mêmes angoisses.

La prédisposition à l’humour est liée à l’environnement plus qu’à l’éducation. Certains en sont dotés, d’autres dénués. Cette prise de distance par rapport à la réalité, la sienne comme celle des autres, implique d’avoir été doté(e) d’une bonne assise narcissique dès son plus jeune âge, c’est-à-dire d’avoir acquis une confiance en soi et une souplesse psychique suffisantes pour « dépasser » la réalité, en la détournant et en s’en amusant. Cette agilité intellectuelle s’élabore principalement dans le jeu spontané de l’enfance.
Peut-on être hermétique à l’humour ?

Certains sont plus ou moins sensibles à l’humour, et plus ou moins disposés à le recevoir. Ceux qui présentent une fragilité sur le plan narcissique, qui sont très susceptibles, et donc inaptes à l’autodérision, ne sont pas, ou moins, réceptifs à l’humour. Il en va de même avec les personnes qui ne peuvent appréhender le second degré parce qu’elles sont accrochées à une pensée concrète – un chat est un chat, et on ne plaisante pas avec cela ! Ou encore celles qui sont rivées à leurs convictions, à leurs idéaux et valeurs… Par trop de rigidité, elles n’accueillent (et ne pratiquent) pas l’humour.


Quels bienfaits en retire-t-on ?

L’humour est un plaisir de la vie quotidienne, qui s’invite dans notre vie familiale, amoureuse ou professionnelle. Il apporte la légèreté qui permet d’affronter et/ou de supporter les désagréments et les frustrations de la vie. Selon la définition de Freud, « l’humour est le dépassement du sens tragique de la réalité » ; pour Milan Kundera, il est « l’ivresse de la relativité des choses humaines ». Car l’humour peut désamorcer un conflit et détourner, au travail comme dans la vie personnelle, les tensions agressives et les affects pénibles, ou encore préserver le sentiment de dignité (dans la relation soignants-patients, par exemple).

Aujourd’hui, notre société est globalement vouée au politiquement correct. L’humour y est un défi, une provocation à la réalité. Il est sur la voie de la régression car on a rigidifié notre rapport à des sujets devenus sensibles, tels que le communautarisme, la religion, les questions identitaires… Si on a perdu en souplesse, l’humour existe toujours. La critique humoristique de la société et de ses valeurs est nécessaire et opère comme le bouffon du roi d’antan. Elle tempère le fanatisme, relativise les idéaux et facilite l’acceptation des différences. Elle peut donc être une alternative à la violence. Il n’y a que du bon dans l’humour, c’est un antidote à presque tout !

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