La mise au jour de cette momie chinoise remarquablement conservĂ©e, dĂ©couverte Ă Taizhou, dans la province orientale du Jiangsu, constitue l’une des trouvailles archĂ©ologiques les plus fascinantes de ces derniĂšres dĂ©cennies. DatĂ©e de plus de 600 ans, elle remonte Ă la dynastie Ming (1368–1644), pĂ©riode charniĂšre de l’histoire chinoise, marquĂ©e par un renouveau culturel, administratif et artistique aprĂšs la domination mongole des Yuan.
Une découverte hors du commun
Les archĂ©ologues ont exhumĂ© le corps Ă l’intĂ©rieur d’un sarcophage en pierre hermĂ©tiquement scellĂ©, rempli d’un liquide noir mystĂ©rieux. Ce dĂ©tail intrigue autant qu’il fascine. Contrairement aux momies Ă©gyptiennes, la Chine ancienne ne pratiquait pas l’embaumement systĂ©matique. La conservation exceptionnelle observĂ©e ici semble donc ĂȘtre le rĂ©sultat d’un ensemble de circonstances favorables, plutĂŽt qu’une technique funĂ©raire volontaire.
Le corps appartenait Ă une femme de haut rang, probablement issue de l’aristocratie ou de la noblesse locale. L’Ă©tat de prĂ©servation est saisissant :
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la peau est encore souple,
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les traits du visage restent discernables,
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les vĂȘtements, bijoux et ornements sont quasiment intacts.
Un tel niveau de conservation est extrĂȘmement rare pour une sĂ©pulture de cette Ă©poque.
Les indices d’un statut social Ă©levĂ©
Les éléments retrouvés dans le cercueil témoignent clairement du statut privilégié de la défunte. Elle portait plusieurs robes traditionnelles de soie, superposées selon les usages funéraires Ming. Ses mains étaient ornées de bagues, symbole de richesse et de distinction sociale.
Un objet en bois incrustĂ© de turquoise, probablement une Ă©pingle Ă cheveux ou une parure cĂ©rĂ©monielle, a particuliĂšrement retenu l’attention des chercheurs. La turquoise, matĂ©riau prĂ©cieux en Chine impĂ©riale, Ă©tait souvent associĂ©e Ă la puretĂ©, Ă la longĂ©vitĂ© et Ă la protection spirituelle. Son usage Ă©tait rĂ©servĂ© aux classes aisĂ©es, voire aux Ă©lites administratives et familiales proches du pouvoir.
Le mystĂšre du liquide noir
L’un des aspects les plus Ă©nigmatiques de cette dĂ©couverte reste la prĂ©sence du liquide noir dans lequel baignait le corps. Les analyses suggĂšrent qu’il pourrait s’agir d’un mĂ©lange d’eau, de matiĂšres organiques et de minĂ©raux, ayant créé un environnement anaĂ©robie (pauvre en oxygĂšne). Ce type de milieu empĂȘche la prolifĂ©ration des bactĂ©ries responsables de la dĂ©composition.
Combiné à :
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la fermeté du sarcophage en pierre,
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la stabilité thermique du sol,
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et l’absence de circulation d’air,
ce liquide aurait contribué à une conservation accidentelle mais exceptionnelle, comparable, dans ses effets, à celle de certaines momies naturelles découvertes ailleurs dans le monde.
Un éclairage précieux sur les rites funéraires Ming
Cette momie offre un tĂ©moignage direct sur les pratiques funĂ©raires sous les Ming, une dynastie profondĂ©ment influencĂ©e par le confucianisme. Les rites accordaient une importance majeure au respect des ancĂȘtres, Ă la hiĂ©rarchie sociale et Ă la continuitĂ© entre le monde des vivants et celui des morts.
Les vĂȘtements, la disposition du corps et les objets funĂ©raires reflĂštent la croyance selon laquelle le dĂ©funt devait conserver son statut et son identitĂ© dans l’au-delĂ . Cette sĂ©pulture confirme Ă©galement que certaines familles aristocratiques bĂ©nĂ©ficiaient de traitements funĂ©raires Ă©laborĂ©s, mĂȘme en dehors des grandes capitales impĂ©riales.
Une dĂ©couverte capitale pour l’archĂ©ologie chinoise
Au-delĂ de son aspect spectaculaire, cette momie reprĂ©sente une source scientifique majeure. Elle permet aux chercheurs d’Ă©tudier :
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l’Ă©tat de santĂ©,
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l’alimentation,
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les pratiques vestimentaires,
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et mĂȘme les conditions de vie des Ă©lites fĂ©minines de la Chine Ming.
Elle rappelle aussi que l’archĂ©ologie ne rĂ©vĂšle pas seulement des objets, mais des destins humains figĂ©s dans le temps, capables de traverser les siĂšcles pour nous raconter une histoire.
