Parmi les trĂ©sors les plus singuliers de l’art Ă©gyptien antique, une statue intrigue autant qu’elle fascine : celle d’un chien grandeur nature, figĂ© dans une posture de veille Ă©ternelle. DatĂ©e de l’Ă©poque ptolĂ©maĂŻque ou du tout dĂ©but de la prĂ©sence romaine en Ăgypte (IIá”–Iá”Êł siĂšcle avant notre Ăšre), cette Ćuvre exceptionnelle est aujourd’hui connue sous le nom de « Chien d’Assiout », en rĂ©fĂ©rence au lieu de sa dĂ©couverte.
TaillĂ©e dans le calcaire, la statue est l’une des plus grandes reprĂ©sentations de chien jamais mises au jour en Ăgypte. Ses dimensions impressionnent : 1,01 mĂštre de hauteur, 34 cm de largeur et 55,5 cm de profondeur. Une taille rĂ©elle qui renforce immĂ©diatement la prĂ©sence presque vivante de l’animal.
Un dieu… ou un simple chien ?
Face Ă cette sculpture, l’association avec Anubis s’impose presque naturellement. Pourtant, contrairement Ă l’image populaire du « dieu chacal », Anubis Ă©tait en rĂ©alitĂ© assimilĂ© au chien, animal omniprĂ©sent dans les paysages funĂ©raires Ă©gyptiens. Mais un dĂ©tail vient troubler cette interprĂ©tation divine : le chien d’Assiout porte un collier ornĂ© d’un pendentif et d’une clochette. Un attribut rĂ©solument profane, incompatible avec la reprĂ©sentation d’une divinitĂ©.
Ce dĂ©tail humanise l’animal. Il ne s’agit pas d’un dieu, mais d’un chien — peut-ĂȘtre sacrĂ©, sans doute symbolique — auquel on a voulu rendre hommage par la pierre.
Les couleurs du passé
Bien que le temps ait effacĂ© une grande partie de son apparence originelle, la statue conserve encore de subtiles traces de polychromie. On distingue du bleu sur le museau et Ă l’intĂ©rieur des oreilles, du rouge sur les babines, et des nuances brunes sur les pattes. Ces vestiges chromatiques rappellent que l’art Ă©gyptien, loin d’ĂȘtre monochrome, Ă©tait vibrant de couleurs.
Un gardien silencieux
La posture du chien est rĂ©vĂ©latrice : immobile, attentif, prĂȘt Ă protĂ©ger. Tout dans son attitude Ă©voque un rĂŽle de gardien, peut-ĂȘtre celui d’un temple ou d’une nĂ©cropole. Dans l’imaginaire Ă©gyptien, le chien est un passeur, un protecteur des seuils, un veilleur entre les mondes. Le chien d’Assiout semble incarner cette fonction Ă la perfection.
Du désert au Louvre
DĂ©couverte Ă Assiout, la statue rejoint les collections du musĂ©e du Louvre en juillet 1922, avant d’ĂȘtre officiellement acquise en janvier 1923. Aujourd’hui, elle est exposĂ©e dans l’aile Sully, au dĂ©partement des AntiquitĂ©s Ă©gyptiennes, oĂč elle continue de captiver les visiteurs par sa prĂ©sence silencieuse et son regard Ă©ternel.
Ă la croisĂ©e du sacrĂ© et du quotidien, le Chien d’Assiout nous rappelle que l’Ăgypte antique savait aussi cĂ©lĂ©brer les animaux pour ce qu’ils reprĂ©sentaient : des compagnons, des symboles et parfois, de vĂ©ritables gardiens de l’invisible.

