Le défi de l’alpiniste norvégienne, accompagnée de son guide népalais, était scruté par toute la communauté des himalayistes. Kristin Harila et Tenjin Sherpa sont devenus ce jeudi 27 juillet les alpinistes ayant gravi le plus rapidement les 14 sommets de plus de 8000 mètres sur la planète en parvenant en haut du K2, au Pakistan.
Le duo a escaladé ces 14 sommets en trois mois et un jour (92 jours), selon un communiqué de leur équipe. Le record précédent était détenu par le Népalo-britannique Nirmal Purja qui avait réalisé les quatorze ascensions en seulement 6 mois et 6 jours. Le sherpa en avait tiré un film à grand succès, à grand renfort de communication. Il avait effacé la lointaine performance de l’alpiniste polonais Jerzy Kukuczka qui avait bouclé le défi en 7 ans, 11 mois et 14 jours dans les années 1980.
Ce record reflète «leur détermination inflexible, leur travail d'équipe et leur pure ténacité pendant l'ensemble de cette entreprise monumentale», a déclaré leur équipe dans ce communiqué. «La collaboration entre Harila et Lama (le surnom de Tenjin Sherpa) a mis en valeur l'essence de l'unité dans l'alpinisme, transcendant les frontières et les cultures pour atteindre ensemble l'excellence», a-t-elle ajouté.
Une quarantaine d'hommes environ et quelques femmes seulement ont atteint les 14 sommets culminant au-dessus de 8000 mètres. L'Italien Reinhold Messner, légende de l’alpiniste qui est notamment parvenu le premier au sommet de l’Everest sans oxygène, a réalisé pour la première fois l’exploit de gravir les quatorze plus hauts sommets de la planète en 1986.
Après avoir commencé par l’ascension du Shishapangma le 26 avril dernier, la Norvégienne et le Népalais sont parvenus aux termes de leur entreprise au K2, deuxième plus haut sommet du globe culminant à 8611 m dans le massif du Karakoram. Ce sommet est considéré comme l’un des 8000 les plus difficiles et les plus techniques. Il a été gravi pour la première fois en 1954 par une cordée italienne, un an après la première ascension réussie de l’Everest.
L'an dernier, Harila avait déjà tenté de battre le record de vitesse des 14 «8000», mais son projet avait été contrecarré par la stricte lutte de la Chine contre le Covid-19, qui ne délivre des permis d’ascension qu’au compte-goutte. Après avoir gravi les 12 premiers sommets dans un temps record, elle n'avait pas obtenu les permis nécessaires pour grimper le Shishapangma, qui se trouve entièrement au Tibet, et le Cho Oyu, que les alpinistes attaquent du côté chinois.
Selon elle, peu de femmes se retrouvent sous les feux des projecteurs et parviennent à susciter aujourd’hui l'intérêt des sponsors, nécessaires pour financer leurs expéditions. Lors de sa première tentative, malgré ses prouesses, la Norvégienne avait tant peiné à trouver des sponsors qu'elle s'était retrouvée dans l'obligation de vendre son appartement pour financer ses ascensions. «Ce projet serait beaucoup plus facile à réaliser si j'étais un homme», avait-elle assuré dans le même entretien avec l'AFP. «C'est purement et simplement différent d'être une femme dans le monde, et pas qu'aux yeux des sponsors.» Au début du mois de juillet, c’est la Française Sophie Lavaud qui s’est illustrée en parvenant à gravir les 14 sommets de plus de 8000m.
L'ascension des sommets de plus de 8000 mètres nécessite un temps indispensable d'acclimatation du corps à l'altitude, et surtout, des fenêtres météorologiques favorables qui rendent complexes la planification de quatorze ascensions d'affilée. Pour braver ces contraintes, les alpinistes à la recherche de ces records de vitesse ont largement recours à l'oxygène et aux déplacements en hélicoptères, des pratiques critiquées par les puristes qui y opposent le style alpin, exigeant complète autonomie et légèreté.
Par Mayeul Aldebert / LeFigaro