Juan Branco : “Je n’y survivrai pas. Vous et moi le savons”
#ENTRETIEN - L'ancien conseiller juridique de Julian Assange, avocat de la ligue de football espagnole contre le PSG, ou de certains Gilets jaunes, Juan Branco, clôt une trilogie commencée avec Crépuscule (près de 110.000 ex. vendus en grand format, 57.000 ex. en poche, données Edistat). Le titre de l’ouvrage parle de lui-même : Coup d’État, sous-titré Manuel insurrectionnel. L’ambition est claire : offrir les outils pour mener une révolution et en accepter toutes les conséquences…
🛑« La théorie se change (...) en force matérielle, dès qu’elle saisit les masses, dès qu’elle argumente ad hominem, et elle argumente ad hominem dès qu’elle devient radicale. Être radical, c’est saisir les choses à la racine, mais la racine, pour l’homme, c’est l’homme lui-même. » Karl Marx, cité dans Coup d’État, manuel insurrectionnel, de Juan Branco.
🛑Dans Crépuscule, paru en 2019, l'auteur avait souhaité rendre « un travail de dévoilement sur les illusions de la démocratie qui existe en France, et la réalité du contrôle sur l’élection qu’exerce un certain nombre d’individus et de forces économiques ». Le deuxième ouvrage, Abattre l’ennemi, édité en 2021, c’était « rompre cette illusion et proposer une alternative, un système politique, qui fonctionnerait de façon saine, avec même un plan détaillé du Paris Révolutionnaire... »
🛑Radicalement nouveau
L’avocat complète : « L’enjeu était d’être cohérent, c’est pourquoi, après avoir dessiné une alternative, j'indique comment l’atteindre, d’où l’importance de ce dernier livre, car dès lors que vous avez conclu que ce système démocratique est vérolé, vous êtes obligé de réfléchir à des actions qui passent par l’extérieur. »
🛑L’auteur est formel : « Ce n’est pas un texte théorique, éthéré, romantique, mais l’exact inverse, très pragmatique et concret. Et ça, je pense que c’est radicalement nouveau, que ça n’a jamais été fait à l’échelle d’un territoire : proposer un manuel insurrectionnel sur une aire donnée qui soit applicable à une époque immédiate. »
🛑Il a mis ici à profit « ces quelques années d’expérience dans les luttes aux côtés de nombreuses personnes qui ont été poursuivies de façon complètement délirante par le pouvoir, blessés, arrêtés arbitrairement… » Mais aussi son travail avec Wikileaks, et ses lectures, entre Technique de coup d’état de Curzio Malaparte, et l’étude « de nombreux auteurs insurrectionnels ou révolutionnaires de tous bords politiques ».
🛑Dans cet ouvrage, Juan Branco et son équipe envisagent les scénarios de l’élection, de la révolution et du coup d’État. Avec les possibilités de réussite ou d’échec, les avantages et les inconvénients, de chacune des options. Ils y arrivent après deux premières parties consacrées à l’analyse de la nature, des contraintes et des conditions d’exercice du pouvoir.
🛑La revanche des gilets jaunes
De premier abord, on se dirait que l’État, malgré parfois des signes extérieurs de faiblesse, n’a jamais été aussi présent dans le quotidien des français, légiférant tous les pans de leurs vies. Pour Juan Branco, c’est l’exact inverse : « L’État sait où sont ses vulnérabilités et la population ne le sait que localement et de manière dispersée. Les syndicats sont une des rares institutions qui ont accès à ce savoir, car ils officient dans tous ses secteurs sensibles. Ils utilisent ce pouvoir pour renforcer leur position de force dans les négociations, et non pour servir l’intérêt général. »
🛑Juan Branco a « pillé ces connaissances pour les redistribuer. Que tous les Français soient au courant de la faisabilité d’un renversement. » L’épisode des gilets jaunes serait une preuve de la possbilité du renversement : « On n’avait pas réfléchi en amont à la possibilité d’un surgissement populaire qui permettrait de provoquer des bascules ; on a eu du mal à y croire nous-même », confie-t-il.
🛑Et d’ajouter : « Intellectuellement, c’est important d’être conséquent. La prochaine fois, il ne faut pas s’arrêter aux portes de l’Élysée, et il ne faut pas y aller pour prendre le pouvoir mais pour le rendre au peuple français. Il est donc nécessaire de créer un système de pensée et des méthodes pratiques qui permettent de s’assurer qu’il y aura une redistribution de celui-ci et qu’on atteindra enfin une forme démocratique beaucoup plus juste à tous les niveaux. »
🛑Nous vivons les prolégomènes d’une guerre. Celle-ci aura une cause unique : la répartition des ressources imposée par la transition de notre modèle économique.
🛑Lier action et pensée
Cette faisabilité, Juan Branco la décrit le plus concrètement possible, à l’instar d’une opération militaire, du sabotage des infrastructures vitales, en passant par la prise de contrôle de centres RTE, de postes de haute tension de la RATP, jusqu’aux câbles sous-marins… Créer une désolidarisation des instruments du pouvoir et du gouvernement. Des actions qui doivent s’accompagner « d’une propagande par le fait qui doit prendre la forme d’un terrorisme intellectuel ».
🛑La question de la violence, Juan Branco ne l’élude pas, mais y voit un non-sujet : « La politique, c’est la gestion de la conflictualité, donc une politique qui fait naître la violence est dysfonctionnelle. » Il ajoute : « Quand on est dans un rapport de force, il faut assumer la confrontation et se mettre en capacité de ne pas se faire écraser. » Face à la notion de « violence », il favorise les termes de force et d’expression de volonté, et cite l’auteur Jean Genet : « Il n’y a plus violent que la rose qui naît ? »
"Il ne faut, en choisissant une telle voie, craindre d’être haï. Car si le corps se saisit, l’âme se séduit. Or le coup d’État privilégie la prise au mot, et il faut une estime de soi importante pour s’indifférer aux regards qui en naîtront."
📕Livre- Coup d’État. Manuel insurrectionnel, de Juan Branco.
✍️par Hocine Bouhadjera/Actualitte.fr
🔔Soutenez-nous sur Tipee: https://fr.tipeee.com/elmesmar 🤗🤗