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Géopolitique: L’Amérique vainc l’Allemagne pour la troisième fois en un siècle

La Rédaction


 Michael Hudson développe son thème sur la façon dont le conflit en Ukraine est le résultat de forces bien plus importantes à l’œuvre, et pas nécessairement celles que vous croyez. Il affirme que ce qui est réellement en jeu, c’est d’empêcher les pays européens, en particulier l’Allemagne, de nouer des liens économiques plus étroits avec la Chine et la Russie


Ici, Hudson décrit l’emprise des principaux intérêts américains sur la politique étrangère et la façon dont ils considèrent le conflit comme un moyen d’éviter une éventuelle perte de leur statut et de leur pouvoir.

Un petit ajout : Hudson lie l’influence politique démesurée de ses trois oligarchies de politique étrangère, l’industrie pétrolière et gazière, les marchands d’armes et les financiers, à Citizens United [Loi de 2010 qui accroît le pouvoir des Américains les plus fortunés sur la politique, voir lien en français, NdT]. S’il est vrai que cette décision a renforcé le rôle de l’argent en politique, les intérêts des entreprises déterminent depuis longtemps les résultats des élections, comme le montre l’ouvrage classique de Tom Ferguson, The Golden Rule. Par exemple, Roosevelt avait le soutien des entreprises progressistes de l’époque, à savoir les grands groupes internationaux. – Yves Smith, animateur du site Naked Capitalism


 

Mon ancien patron, Herman Kahn, avec qui j’ai travaillé à l’Hudson Institute dans les années 1970, avait un discours type qu’il prononçait lors des réunions publiques. Il disait qu’au lycée, à Los Angeles, ses professeurs disaient la même chose que la plupart des libéraux des années 40 et 50 : « Les guerres n’ont jamais rien résolu. » C’était comme si elles ne changeaient jamais rien – et ne devaient donc pas être menées.

Herman n’était pas d’accord et dressait des listes de toutes sortes de choses que les guerres avaient résolues dans l’histoire du monde, ou du moins changées. Il avait raison, et c’est bien sûr l’objectif des deux parties dans la confrontation actuelle en Ukraine, qui s’inscrit dans la nouvelle Guerre froide.

La question à se poser est de savoir ce que la nouvelle Guerre froide d’aujourd’hui tente de changer ou de « résoudre ». Pour répondre à cette question, il est utile de se demander qui a commencé les hostilités. Il y a toujours deux parties – l’attaquant et l’attaqué. L’attaquant vise certaines conséquences, tandis que l’attaqué recherche des conséquences involontaires. Dans le cas présent, les deux parties ont leur duel de conséquences prévues et d’intérêts particuliers.

La force militaire la plus active des deux bords, depuis 1991, est celle des États-Unis. Par leur rejet du désarmement mutuel des pays du Pacte de Varsovie et de l’OTAN, il n’y a pas eu de « dividendes de la paix » pour les USA. Au contraire, la politique américaine de l’administration Clinton visant à mener une nouvelle expansion de l’OTAN a rapporté des dividendes pendant 30 ans, sous la forme d’un déplacement de la politique étrangère de l’Europe occidentale et d’autres alliés américains hors de leur sphère politique intérieure, vers leur propre sphère de « sécurité nationale » (terme désignant des intérêts rentiers spéciaux qui ne doivent pas être nommés).

L’OTAN est devenue l’organe d’élaboration de la politique étrangère de l’Europe, au point même de dominer les intérêts économiques nationaux.

La récente provocation envers la Russie à travers des violences ethniques anti-russes menées par le régime néo-nazi ukrainien de l’après-2014 visaient à pousser à une confrontation. Elle répondait à la crainte des intérêts américains de perdre leur emprise économique et politique sur leurs alliés de l’OTAN et d’autres satellites de la zone dollar, car ces pays ont vu leurs principales opportunités de gain dans l’augmentation du commerce et des investissements avec la Chine et la Russie.

Pour comprendre quels sont les objectifs des États-Unis qui sont menacés, il est nécessaire de comprendre la politique américaine et le « Blob », c’est-à-dire la planification centrale du gouvernement, qui ne peut pas être expliquée par la simple observation de rouages politiques publics apparemment démocratiques. Il ne s’agit donc pas ici de la politique affichée des membres du Congrès et du Sénat des États-Unis, qui représentent censément leurs circonscriptions électorales ou leurs États. [1]

Les trois oligarchies aux commandes de la politique étrangère américaine

Il est plus réaliste d’analyser la politique économique et étrangère des États-Unis en termes de complexe militaro-industriel, de complexe pétrolier et gazier (et minier) et de complexe bancaire et immobilier qu’en termes de politique droite-gauche de type Républicains et/ou Démocrates. Les principaux sénateurs et représentants du Congrès ne représentent pas tant leurs États et districts que les intérêts industriels de leurs principaux contributeurs financiers aux campagnes politiques. Un diagramme de Venn montrerait que dans le monde post-Citizens United d’aujourd’hui, les politiciens américains représentent les contributeurs de leur campagne, et non les électeurs. Et ces contributeurs se répartissent essentiellement en trois blocs principaux.

Trois grands groupes oligarchiques ont acheté le contrôle du Sénat et du Congrès et placé leurs propres politiciens au Département d’État et au Département de la Défense.

1 – L’industrie de l’armement

Le premier est le complexe militaro-industriel (CMI) – des entreprises telles que Raytheon, Boeing et d’autres fabricants d’armes ont largement disséminé leurs usines et leurs emplois dans presque tous les États, et surtout dans les districts du Congrès où sont élus les responsables des commissions les plus importantes du Congrès.

Leur base économique est la rente de monopole, obtenue avant tout par des ventes d’armes à l’OTAN, aux exportateurs de pétrole du Proche-Orient et aux autres pays dont la balance des paiements est excédentaire. Les actions de ces entreprises ont grimpé en flèche dès l’annonce de l’attaque russe, entraînant une envolée boursière de deux jours. Les sénateurs et les représentants au Congrès de Californie et de Washington ont traditionnellement représenté le CMI, ainsi que le Sud des USA, solidement pro-militaire. L’escalade militaire de la semaine dernière promet une augmentation des ventes d’armes à l’OTAN et à d’autres alliés des États-Unis. L’Allemagne a rapidement accepté de porter ses dépenses d’armement à 2 % du PIB.

2- Le gaz, le pétrole et le secteur minier

Le deuxième grand bloc oligarchique est le secteur rentier pétrolier et gazier, rejoint par le secteur minier (acronyme anglais OGAM) qui profite des avantages fiscaux spéciaux accordés par l’Amérique aux entreprises qui vident les ressources naturelles du sol et les rejettent dans l’atmosphère. Comme la banque et l’immobilier, l’objectif de ce secteur OGAM est de maximiser le prix de son énergie et de ses matières premières afin de maximiser sa rente de ressources naturelles. Monopoliser le marché pétrolier de la zone dollar et l’isoler du pétrole et du gaz russe est une priorité majeure des États-Unis depuis plus d’un an, alors que le gazoduc Nord Stream 2 menaçait de relier les économies d’Europe occidentale et de Russie.

Si les exploitations pétrolières, gazières et minières ne sont pas situées dans toutes les circonscriptions électorales, leurs investisseurs le sont. Les sénateurs du Texas, ainsi que des États occidentaux producteurs de pétrole et d’extraction minière sont les principaux lobbyistes, et le Département d’État est fortement influencé par le secteur pétrolier, qui fournit un cadre de sécurité nationale pour ses allégements fiscaux spéciaux. L’objectif politique secondaire est d’ignorer et de rejeter les initiatives environnementales visant à remplacer le pétrole, le gaz et le charbon par des sources d’énergie alternatives. L’administration Biden a donc soutenu l’expansion du forage en mer, l’oléoduc canadien vers la source de pétrole la plus sale du monde, les sables bitumineux de l’Athabasca, et a célébré le renouveau du fracking aux États-Unis.

L’extension de la politique étrangère vise à empêcher les pays étrangers qui ne laissent pas le contrôle de leur pétrole, de leur gaz et de leur exploitation minière aux entreprises américaines OGAM de concurrencer les fournisseurs américains sur les marchés mondiaux. L’isolement de la Russie (et de l’Iran) des marchés occidentaux réduira l’offre de pétrole et de gaz, poussant les prix et les bénéfices des entreprises américaines à la hausse en conséquence.

3- Les banques, les assurances et l’immobilier

Le troisième grand groupe oligarchique est le secteur symbiotique de la finance, de l’assurance et de l’immobilier (FIRE), qui est le pendant de l’ancienne aristocratie terrienne post-féodale européenne vivant de la rente foncière. La plupart des logements dans le monde d’aujourd’hui étant devenus des logements occupés par leur propriétaire (avec des taux de propriété absentéiste en forte hausse depuis 2008 et la vague d’expulsions d’Obama, bien sûr), la rente foncière est payée en grande partie au secteur bancaire. Environ 80 % des prêts bancaires américains et britanniques sont accordés au secteur immobilier, ce qui gonfle les prix des terrains pour créer des plus-values – qui sont effectivement exonérées d’impôts pour les propriétaires absents.

Ce bloc bancaire et immobilier centré sur Wall Street a une assise encore plus large, district par district, que le CMI. Son sénateur de New York issu de Wall Street, Chuck Schumer, est à la tête du Sénat, où il est soutenu depuis longtemps par l’ancien sénateur du Delaware issu de l’industrie des cartes de crédit, Joe Biden, et par les sénateurs du Connecticut issus du secteur des assurances centré dans cet État.

Sur le plan national, l’objectif de ce secteur est de maximiser sa rente foncière et ses gains « en capital » résultant de la hausse de la rente foncière. Sur le plan international, l’objectif du secteur FIRE est de privatiser les économies étrangères, surtout pour remettre le privilège de la création de crédit entre les mains des États-Unis, afin de transformer les infrastructures gouvernementales et les services publics en monopoles, de façon à fournir des services de base aux prix maximum (soins de santé, éducation, transports, communications et technologies de l’information) plutôt qu’à des prix plafonnés ou subventionnés.

Wall Street a toujours été étroitement liée à l’industrie pétrolière et gazière, depuis l’époque de la Standard Oil. Ce sont les trois secteurs rentiers qui dominent le capitalisme financier post-industriel d’aujourd’hui. Leurs fortunes mutuelles ont grimpé en flèche avec la hausse des actions du CMI et d’OGAM. Et les mesures visant à exclure la Russie du système financier occidental (et en partie maintenant de SWIFT), couplées aux effets néfastes de la privation d’énergie russe pour les économies européennes, promettent de stimuler l’afflux de titres financiers dollarisés.

Il est plus utile d’analyser la politique économique et étrangère des États-Unis en termes de complexe militaro-industriel, de complexe pétrolier et gazier (et minier) et de complexe bancaire et immobilier qu’en termes de politique politicienne de type droite-gauche, Républicains-Démocrates. Les principaux sénateurs et représentants du Congrès ne représentent pas leurs États et districts, mais les intérêts industriels de leurs principaux contributeurs aux campagnes politiques. C’est pourquoi ni l’industrie manufacturière, ni l’agriculture ne jouent un rôle dominant dans la politique étrangère des États-Unis. La convergence des objectifs politiques des trois groupes rentiers américains écrase celle du travail, et même du capital industriel. [2] Cette convergence est la caractéristique principale du capitalisme financier post-industriel d’aujourd’hui. Il s’agit essentiellement d’un retour à la rente économique, qui est indépendante de la politique du travail et du capital.

La dynamique qu’il convient de retracer aujourd’hui est la raison pour laquelle ce blob oligarchique a trouvé son intérêt à pousser la Russie à adopter ce que Poutine considérait manifestement comme une obligation de résistance aux attaques de plus en plus violentes contre les provinces russophones de l’est de l’Ukraine, Lugansk et Donetsk.

Effets attendus de la nouvelle Guerre froide pour le « Blob » rentier

Comme l’a expliqué le président Biden, l’escalade militaire actuelle (« taquiner l’ours ») ne concerne pas réellement l’Ukraine. Biden a promis dès le départ qu’aucune troupe américaine ne serait impliquée. Mais il exige depuis plus d’un an que l’Allemagne empêche le gazoduc Nord Stream 2 d’approvisionner son industrie et ses logements en gaz à bas prix et se tourne vers les fournisseurs américains, dont les prix sont beaucoup plus élevés.

Les responsables américains ont d’abord tenté d’empêcher l’achèvement de la construction du gazoduc. Les entreprises qui ont aidé à sa construction ont été sanctionnées, et c’est finalement la Russie elle-même qui a achevé la construction du gazoduc. Les pressions américaines se sont ensuite tournées vers les politiciens allemands, traditionnellement dociles, en affirmant que l’Allemagne et le reste de l’Europe étaient confrontés à une menace de sécurité nationale, à savoir la possibilité d’un arrêt de la vente de gaz par la Russie, vraisemblablement pour obtenir des concessions politiques ou économiques. Quelles concessions pourrait-elle vouloir, cela n’a jamais été formulé par le Blob, qui est resté dans le flou sur le sujet.

L’Allemagne a ensuite refusé d’autoriser la mise en service officielle de Nord Stream 2, et un objectif majeur de la nouvelle Guerre froide d’aujourd’hui, pour les USA, est d’annexer le marché des expéditions de gaz naturel liquéfié (GNL) en Europe. Déjà sous l’administration de Donald Trump, Angela Merkel avait été sommée de promettre de dépenser 1 milliard de dollars dans la construction de nouveaux terminaux portuaires, pour que les navires-citernes américains puissent décharger du GNL en Allemagne. La victoire électorale des démocrates en novembre 2020, suivie du retrait de Mme Merkel de la scène politique allemande, a conduit à l’annulation de cet investissement portuaire, laissant l’Allemagne vraiment sans réelle alternative à l’importation de gaz russe pour chauffer ses maisons, alimenter ses services publics d’électricité, et fournir la matière première pour son industrie des engrais et donc le maintien de sa productivité agricole. [3]

Ainsi, l’objectif stratégique américain le plus pressant de la confrontation de l’OTAN avec la Russie est donc de faire flamber les prix du pétrole et du gaz. En plus de créer des profits et des gains boursiers pour les entreprises américaines, la hausse des prix de l’énergie freinera l’économie allemande [qui cédera ainsi du terrain à ses concurrents américains, NdT].

La hausse des prix de l’essence, du chauffage et d’autres sources d’énergie nuira également aux consommateurs américains et laissera moins d’argent dans les budgets familiaux pour les dépenses en biens et services nationaux. Cela pourrait mettre à mal les propriétaires et les investisseurs marginalisés, entraînant une augmentation de la propriété absentéiste de logements et de biens commerciaux aux États-Unis, ainsi que le rachat de biens immobiliers de propriétaires mis en difficulté par la flambée des coûts du chauffage et de l’énergie, aussi bien aux USA que dans d’autres pays. Mais il s’agit là de dommages collatéraux de l’explosion post-industrielle.

Les prix des denrées alimentaires vont également augmenter, en particulier ceux du blé (La Russie et l’Ukraine représentent 25 % des exportations mondiales de blé). Cette hausse mettra sous pression de nombreux pays du Proche-Orient et du Sud émergent à un déficit alimentaire, mettant à mal leur balance des paiements et les menaçant d’un défaut de paiement de leur dette extérieure.

Les exportations de matières premières russes pourraient être bloquées par les sanctions monétaires et SWIFT. Cela risque de provoquer des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement en matériaux clés, notamment le cobalt, le palladium, le nickel et l’aluminium (fabriqué en grande partie à partir d’électricité). Si la Chine décide de se considérer comme la prochaine nation menacée et rejoint la Russie dans une protestation commune contre la guerre commerciale et financière des États-Unis, les économies occidentales vont subir un sérieux choc.

Le rêve à long terme des nouveaux combattants américains de la Guerre froide est de briser la Russie, ou du moins de restaurer sa kleptocratie managériale qui cherchait à s’engraisser sur les privatisations sur les marchés boursiers occidentaux. L’OGAM rêve toujours d’acquérir le contrôle majoritaire de Yukos et de Gazprom.

Wall Street aimerait recréer un boom boursier russe.

La Russie a l’intention de profiter des conséquences involontaires des menées de l’Amérique

Que veut la Russie ? Dans l’immédiat, supprimer le noyau néo-nazi anti-russe que le massacre et le coup d’État du Maïdan ont mis en place en 2014. L’Ukraine doit être neutralisée, ce qui pour Poutine signifie qu’elle doit redevenir fondamentalement pro-russe, dominée par Donetsk, Lougansk et la Crimée. L’objectif est d’empêcher l’Ukraine de redevenir une base pour des menées anti-russes comme celles, passées, de la Tchétchénie et de la Géorgie.

L’objectif à plus long terme de Poutine est de soustraire l’Europe à la domination de l’OTAN et des États-Unis et, ce faisant, de créer un nouvel ordre mondial multipolaire. L’objectif est de dissoudre complètement l’OTAN, puis de promouvoir les vastes politiques de désarmement et de dénucléarisation que la Russie préconise. Non seulement cela réduira les achats étrangers d’armes américaines, mais à l’avenir, cela pourrait conduire à des sanctions contre l’aventurisme militaire américain.

Maintenant qu’il est évident que (1) l’objectif de l’OTAN est l’agression et non la défense, et (2) qu’il n’y a plus de territoire à conquérir à partir des restes de l’ancienne Union soviétique, qu’est-ce que l’Europe gagne à en rester membre ? Il est évident (malgré les nombreuses affirmations contraires) que la Russie n’a aucun désir ou intérêt à envahir l’Europe. Elle n’a rien à gagner – comme elle n’avait rien à gagner en combattant l’Ukraine, sauf faire reculer les attaques soutenues par l’OTAN contre le Donbass (la Novorossiya).

Les dirigeants patriotes européens (la gauche est largement pro-américaine) demanderont-ils pourquoi leurs pays devraient payer pour des armes américaines qui ne font que les mettre en danger, payer plus cher le GNL et l’énergie américains, payer plus cher les céréales et les matières premières produites en Russie, tout en perdant la possibilité de réaliser des ventes à l’exportation et des profits sur des investissements pacifiques en Russie – et perdre peut-être aussi la Chine ?

La confiscation par les États-Unis des réserves monétaires russes, après celle des réserves afghanes (et la saisie par l’Angleterre des stocks d’or détenus par le Venezuela), menace l’adhésion de tous les pays à l’étalon dollar, et donc le rôle du dollar comme véhicule de l’épargne en devises étrangères des banques centrales du monde, qui détiennent mutuellement leurs devises.

À plus long terme, il est probable que la Russie se joindra à la Chine pour former une alternative au FMI et à la Banque mondiale, dominés par les États-Unis. L’annonce par Poutine de sa volonté d’arrêter les nazis ukrainiens pour organiser un procès pour crimes de guerre semble impliquer une alternative au tribunal de La Haye. Seul un nouveau tribunal international pourrait juger les criminels de guerre, depuis les chefs néonazis ukrainiens jusqu’aux fonctionnaires américains responsables de crimes contre l’humanité tels que définis par les lois de Nuremberg.

Le Blob américain a-t-il bien réfléchi aux conséquences des provocations de l’OTAN ?

C’est presque de l’humour noir que de regarder les tentatives des États-Unis de convaincre la Chine de les rejoindre pour dénoncer les actions de la Russie en Ukraine. La pire conséquence involontaire de la politique étrangère américaine a été de rapprocher la Russie et la Chine, ainsi que l’Iran, l’Asie centrale et les pays de l’initiative « Belt and Road ».

La Russie rêvait de créer un nouvel ordre mondial, mais c’est l’aventurisme américain qui a conduit le monde vers un ordre entièrement nouveau – un ordre qui semble dominé par la Chine comme gagnant par défaut, maintenant que l’économie européenne est essentiellement déchirée et que l’Amérique se retrouve avec ce qu’elle a arraché à la Russie et à l’Afghanistan, mais sans la capacité d’obtenir de nouveaux soutiens à l’avenir.

Et tout ce que j’ai écrit ci-dessus est peut-être déjà obsolète, puisque la Russie et les États-Unis sont passés en alerte atomique.

Étant donnée cette menace, je suis ramené à mes discussions avec Herman Kahn [4] il y a 50 ans. Il était devenu assez impopulaire pour avoir écrit Thinking about the Unthinkable (Penser l’impensable), c’est-à-dire la guerre atomique. Comme dans sa parodie du film Dr. Folamour, il a effectivement dit qu’il y aurait des survivants. Mais il ajoutait que, pour lui-même, il espérait se trouver juste sous la bombe atomique, car ce n’était pas un monde dans lequel il voulait survivre.

 

Michael Hudson est professeur d’économie à l’Université du Missouri, Kansas City, et chercheur associé au Levy Economics Institute du Bard College. Il est spécialisé dans les problématiques de dette. Son dernier livre : « … and forgive them their debts”: Lending, Foreclosure and Redemption from Bronze Age Finance to the Jubilee Year

 Source originale: Naked Capitalism

Traduit par Corinne Autey-Roussel pour Entelekheia

Notes de la traduction :

[1] Nous avons la même chose en France via les Compradores au pouvoir aujourd’hui : ils représentent beaucoup plus des intérêts particuliers, notamment américains, que leurs électeurs. Et nos milliardaires interviennent tous les jours dans la politique française, en particulier par la voie des médias grand public qu’ils détiennent, et qui bien sûr, soutiennent  leurs intérêts et leurs candidats préférés aux élections. Vous ne voyez tout simplement presque pas, voire pas du tout les candidats dont ils ne veulent pas. 

2] C’est peut-être la raison pour laquelle le secteur industriel allemand, souvent décrit comme « très puissant » dans nos médias, s’efface aujourd’hui devant les intérêts américains. Il n’a plus la haute main sur l’économie du pays.

[3] Depuis cet article publié le 28 février, Scholz a relancé la construction de ces deux terminaux gaziers.

[4] Fiche Wikipedia d’Herman Kahn, en français.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Herman_Kahn


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