Le 6 décembre 1989 le premier féminicide de masse. 14 femmes sont assassinées à l'Ecole polytechnique de Montréal pour avoir osé choisir une orientation professionnelle considérée comme réservée aux hommes
« Les filles se mettent à gauche, et les garçons à droite. » Le jeune homme qui a prononcé la phrase tire une première fois au plafond. On est le 6 décembre 1989. A l’école polytechnique de Montréal. Au deuxième étage. Il est 17 heures 10. Dernier cours de l’année avant les examens, puis viendront les vacances de Noël.
Personne ne sait qui est ce type coiffé d’une casquette militaire. Personne ne sait si son arme est réelle ou factice. Un professeur lui demande de sortir. L’autre s’énerve.
Les filles, au fond de la classe ! Et les gars, vous sortez !
Exigence assortie de nouveaux tirs de sommation.
Un à un, les garçons et leurs deux enseignants quittent la pièce. Il reste neuf filles dans un fond de la salle. Neuf filles sur cinquante étudiants. « Savez-vous pourquoi vous êtes là ? » questionne le jeune homme à casquette. Non, bien sûr, elles ne le savent pas.
Vous êtes toutes des féministes, et je hais les féministes !
« Mais on n’est pas des féministes », réplique l’une des étudiantes. L’autre ne la laisse pas finir. Il tire. Rafales de bas en haut. Puis rafales de gauche à droite. Neuf corps qui virevoltent et tombent. Comme au peloton d’exécution.
Son arme à la main, le meurtrier sort de la salle. Emprunte l’escalator et parcourt les étages. Corridors, salle de cours. Il cible les jeunes filles. Ici, il tire à bout portant… Là, il plante son couteau… Puis, au bout de vingt minutes, il s’assied et place son fusil entre les jambes. Canon calé sous le menton. Il appuie sur la détente. Il s’appelait Marc Lépine. Il avait 25 ans et, avant de mourir, il a tué 14 femmes et en a blessé 10 autres. Quatre garçons ont aussi été blessés.
C’était il y a 30 ans, 6 décembre 89. Et, comme l’indique l’hebdomadaire, il s’agit d'un massacre d'un nouveau genre.
Le premier "féminicide" de masse revendiqué
Pourtant, pendant des années, on a refusé de dire ce qui s’était vraiment passé… En niant que c’était des femmes qui étaient visées.
Marc Lépine avait laissé une lettre explicite. Voilà ce qu’il écrivait.
Veuillez noter que si je me suicide aujourd’hui […], c’est pour des raisons politiques. Car j’ai décidé d’envoyer ad patres les féministes qui m’ont toujours gâché la vie. […] Même si l’épithète ‘tireur fou’ va m’être attribué dans les médias, je me considère comme un érudit rationnel. Les féministes ont toujours eu le don de me faire rager. Elles veulent conserver les avantages des femmes […] tout en s’accaparant ceux des hommes... ''
Cette lettre, la police refusera de la publier et, au lendemain du massacre, les journaux évoquent « des jeunes gens » assassinés dans la fleur de l’âge. Des jeunes gens, pas des jeunes filles… Le déni durera longtemps, et chaque fois que certaines invoqueront cette tuerie comme un exemple des violences faites aux femmes, on les accusera de « récupération indécente », certains avançant même que ce sont elles qui ont armé le bras du tueur en allant trop loin dans leur bataille en faveur de l’égalité.
30 ANS! Le premier féminicide de masse. 14 femmes sont assassinées à l'Ecole polytechnique de Montréal pour avoir osé choisir une orientation professionnelle
La Rédaction