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Que se serait-il passĂ© si les juifs algĂ©riens et les EuropĂ©ens d’origine algĂ©rienne Ă©taient restĂ©s ?

La RĂ©daction
Pourquoi l'Algérie n'est-elle pas devenue un pays comme l'Afrique du Sud, au nord du continent ?
L’Afrique du Sud a souffert des pratiques les plus sĂ©vĂšres du colonialisme : l’apartheid. Mais au bout d’une dĂ©cennie, ce peuple martyrisĂ© est parvenu Ă  enterrer le passĂ© et rĂ©aliser un modĂšle de coexistence sociale, basĂ© sur le pluralisme, la diversitĂ© et le vivre-ensemble. Cela lui a permis de rĂ©aliser un sursaut sans prĂ©cĂ©dent sur les plans politique, Ă©conomique, social et culturel.
Aucun pays africain n'a vĂ©cu ce que l’Afrique du Sud a connu dans ses relations avec le colonialisme, Ă  l'exception de l'AlgĂ©rie.
Mais pourquoi l'Algérie ne s'est-elle pas transformée en une autre Afrique du Sud, au nord du continent ?
La classe politique Ă©clairĂ©e qui a pris le pouvoir en Afrique du Sud aprĂšs la chute de l’apartheid a choisi une vĂ©ritable rĂ©conciliation, loin du populisme, pour construire un nouvel État avec toutes les composantes ethniques, religieuses et culturelles. En AlgĂ©rie, la classe politique qui a confisquĂ© le pouvoir aprĂšs la guerre de libĂ©ration n'a pas pu et n'Ă©tait pas capable politiquement, de crĂ©er une telle rĂ©conciliation. Pour la raison Ă©vidente que cette classe politique algĂ©rienne qui s’est trouvĂ©e maĂźtre de la maison n'Ă©tait pas cultivĂ©e. Elle Ă©tait dominĂ©e par une mentalitĂ© paysanne traditionnelle avec une sensibilitĂ© religieuse conservatrice. AussitĂŽt elle a Ă©touffĂ© tous les courants politiques garants de la diversitĂ©. Pourquoi l'AlgĂ©rie n'est-elle pas devenue un pays comme l'Afrique du Sud, au nord du continent ? Ceux qui rĂ©ussissent Ă  diriger le mouvement de libĂ©ration ne sont pas nĂ©cessairement les qualifiĂ©s pour diriger la pĂ©riode de la construction d'un État national, et c'est le cas du pouvoir algĂ©rien. La direction de la guerre de libĂ©ration a sa logique qui est complĂštement diffĂ©rente de celle de la construction d’un nouvel État indĂ©pendant.  Pourquoi l'AlgĂ©rie n'est-elle pas devenue un pays comme l'Afrique du Sud, au nord du continent ? C’est parce que le pouvoir politique algĂ©rien, dĂšs les premiĂšres annĂ©es de l’indĂ©pendance, n’a pas Ă©tĂ© en mesure d’instaurer une rĂ©conciliation juste et durable entre les composantes ethniques, religieuses et humaines qu’elle a hĂ©ritĂ©es de la pĂ©riode coloniale. La premiĂšre de ce capital humain est la composante europĂ©enne, c’est-Ă -dire les AlgĂ©riens d’origine europĂ©enne. Au fil du temps, aprĂšs plus d’un siĂšcle de colonisation, cette composante s’est transformĂ©e en un pouvoir Ă©conomique, agricole et urbain. Elle n’a cessĂ© de rĂ©clamer une  indĂ©pendance vis-Ă -vis de la mĂ©tropole. Sur le plan littĂ©raire, basĂ© sur cette accumulation culturelle, artistique et linguistique, le mouvement indĂ©pendantiste appelĂ© “Les AlgĂ©rianistes” prĂŽnait l'indĂ©pendance littĂ©raire vis-Ă -vis de la littĂ©rature des salons parisiens. AprĂšs la Seconde Guerre mondiale, un autre mouvement littĂ©raire est nĂ©, “L'Ă©cole d'Alger”, qui a enfantĂ© de grands Ă©crivains tels Albert Camus, Mohammed Dib, Mouloud Feraoun, RoblĂšs et d’autres. La violence sanglante perpĂ©trĂ©e aprĂšs la dĂ©claration du  cessez-le-feu a fait perdre Ă  l’AlgĂ©rie indĂ©pendante un Ă©norme capital de savoir-faire dans la gestion de l'agriculture, de l'administration, des villes et des institutions de l'État en gĂ©nĂ©ral.
La rĂ©volution algĂ©rienne n'Ă©tait pas l'Ɠuvre des AlgĂ©riens musulmans uniquement; de nombreux EuropĂ©ens d'origine algĂ©rienne y avaient participĂ©, dont plusieurs Ă©taient tombĂ©s au champ d’honneur, d’autres emprisonnĂ©s et torturĂ©s. 
En l’absence d’une vĂ©ritable rĂ©conciliation, l’AlgĂ©rie a perdu de cette composante humaine : les EuropĂ©ens d’origine algĂ©rienne.
Pourquoi l'AlgĂ©rie n'est-elle pas devenue un pays comme l'Afrique du Sud, au nord du continent ? L'AlgĂ©rie a perdu une autre composante humaine, les juifs algĂ©riens qui vivaient sur cette terre depuis des millĂ©naires. La population autochtone composĂ©e de musulmans et de juifs vivait en toute harmonie sociale et religieuse. Ils portaient les mĂȘmes vĂȘtements, mangeaient la mĂȘme nourriture, montaient les mĂȘmes montures, chantaient les mĂȘmes chansons et jouaient la mĂȘme musique.
Le dĂ©cret CrĂ©mieux d'octobre 1870, qui a donnĂ©  le droit Ă  la nationalitĂ©  française aux juifs indigĂšnes, a crĂ©Ă© la premiĂšre fracture au milieu de la population autochtone.
Que se serait-il passĂ© si les juifs algĂ©riens Ă©taient restĂ©s dans le pays aprĂšs l'indĂ©pendance ? Cette question dĂ©range, parce que nous avons produit un citoyen qui craignait les questions, se contentant des rĂ©ponses prĂȘtes-Ă -porter.  L'histoire nous a appris que lĂ  oĂč vivent les juifs, la sociĂ©tĂ© est en dynamisme. La gestion intelligente des affaires publiques et privĂ©es par les citoyens juifs algĂ©riens Ă©tait incontestable en Ă©conomie, art, agriculture, commerce, finances, artisanat, mĂ©dias...  Comme dans les rangs des musulmans autochtones, il y avait des harkis, dans les rangs des “juifs”, on a trouvĂ© Ă©galement des harkis. Il n’y a pas de diffĂ©rence entre un traĂźtre musulman et un autre juif, comme il n’y a pas de diffĂ©rence entre un combattant juif et un combattant musulman. La religion n’est pas un facteur dĂ©terminant dans l’amour d’une patrie, c’est l’engagement politique pour l’indĂ©pendance qui dĂ©termine le patriotisme.   
De nombreux juifs algĂ©riens ont rejoint les rangs de la rĂ©volution contre le colonialisme français, dont plusieurs sont tombĂ©s en martyrs. Le cas de Fernand Yveton, guillotinĂ© le 11 fĂ©vrier 1957 par l’armĂ©e coloniale, en est un exemple. Par peur du pluralisme politique et linguistique, de la diversitĂ© ethnique et religieuse, l’enseignement officiel de l’histoire nationale plaçait les juifs algĂ©riens ainsi que les AlgĂ©riens d’origine europĂ©enne du cĂŽtĂ© du mal. Ainsi, la nouvelle gĂ©nĂ©ration a Ă©tĂ© soumise au lavage de cerveau, par les programmes scolaires, par les discours du pouvoir politique, par les discours des partis islamistes, par les charlatans prĂ©dicateurs. Pour tous ces facteurs et d’autres, l’AlgĂ©rie ne pourrait et ne pourra jamais se transformer en un pays ressemblant Ă  l’Afrique du Sud.

A. Z.
aminzaoui@yahoo.fr

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1 commentaire

  1. C'est une réalité indéniable, ceux qui avaient pri le pouvoir en 62 l'avaient fait à la base pour servir un projet destructeur unique qu'est le baathisme ! Alors toute diversité était et est encore proscrite et combattue farouchement pour ensuite modeler notre société, oh combien elle était ouverte, et la transformer en une société raciste et haineuse de tout ce qui est différent...
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