Le plaisir parachève l’activité qui se déploie, non pas à la manière d’une disposition ou d’une qualité inhérente, mais à la manière d’un ornement qui s’ajouterait de surcroît, comme la beauté pour ceux qui sont dans la fleur de la jeunesse…
Or la vie est, en quelque sorte, une activité qui se déploie et chacun consacre ses forces vives aux sujets pour lesquels il éprouve une préférence marquée et en employant les facultés qu’il aime exercer. Exemples : le musicien utilise le sens de l’ouïe pour les mélodies qu’il aime; l’homme qui aime le savoir consacre sa réflexion aux spéculations de la science, et ainsi de suite, dans les différents domaines. Or, nous avons dit que le plaisir parachève les différentes formes d’activité; il parachève donc la vie à quoi tendent les hommes. Aussi est-ce avec raison qu’ils recherchent également le plaisir qui donne son couronnement à la vie de chacun, chose désirable […].
Or l’activité de la pensée diffère de celle des sens et leurs diverses formes sont différentes les unes des autres; de même les plaisirs qui les parachèvent sont d’espèce différente. Cette constatation peut être confirmée par le fait que chaque plaisir est étroitement uni à l’activité qu’il parachève. Le plaisir propre à chaque genre d’activité accroît cette dernière. Aussi a-t-on des chances de juger avec plus de discernement et de précision, quand l’activité se déploie accompagnée de plaisir; c’est ainsi que ceux qui ont plaisir à pratiquer la géométrie deviennent meilleurs géomètres et qu’ils saisissent mieux les différentes parties de cette science; il en va de même pour ceux qui aiment la musique, l’architecture et les autres arts; ils font des progrès dans l’occupation qui leur est propre, quand ils y trouvent du plaisir. Les plaisirs donc accroissent l’activité.
Aristote, Éthique à Nicomaque