L'allumette, cet objet communĂ©ment connu, a parcouru un chemin tortueux avant de revĂȘtir sa forme familiĂšre de petit bĂątonnet de bois avec une extrĂ©mitĂ© rouge et inflammable. Son Ă©volution vers ce que l'on appelle aujourd'hui l'"allumette de sĂ©curitĂ©" n'a pas Ă©tĂ© sans embĂ»ches ni dangers, comme en tĂ©moigne son parcours historique.
Bien que l'invention de l'allumette moderne soit ancrĂ©e au XIXe siĂšcle, le terme lui-mĂȘme a une histoire bien antĂ©rieure. DĂ©jĂ prĂ©sente dans l'EncyclopĂ©die, l'allumette y est dĂ©finie comme un "petit fĂ©tu de bois sec & blanc, de roseau, de chenevotte, de sapin, soufrĂ© par les deux bouts, servant Ă allumer la chandelle, & vendu par les grainetiers & les fruitieres". Ă l'Ă©poque, elle Ă©tait rudimentaire, confectionnĂ©e artisanalement dans les campagnes, souvent par des allumettiers, et se prĂ©sentait simplement comme un petit bout de bois inflammable au contact d'une flamme.
L'attribution de l'invention de l'allumette moderne à une seule personne est difficile, étant donné la prolifération des inventions et des brevets au début du XIXe siÚcle. à cette époque, le phosphore était principalement utilisé, souvent sous la forme d'un tube de verre scellé contenant du papier imprégné de phosphore, qui s'enflammait au contact de l'air dÚs que le tube était ouvert.
En 1805, Joseph-Louis Chancel parvient à mettre au point une forme primitive d'allumette, baptisée "allumette oxygénée" ou "briquet oxygéné", dont l'extrémité est recouverte d'un mélange de chlorate de potassium, de soufre, de sucre et de caoutchouc. Cependant, ce procédé s'avÚre complexe, coûteux et surtout trÚs dangereux en raison de l'usage d'acide sulfurique. Bien que commercialisé pendant un certain temps, notamment en France et en Allemagne, il ne parvient pas à s'imposer durablement.
L'allumette telle que nous la connaissons aujourd'hui, s'enflammant par friction, trouve son origine dans l'Ćuvre de l'anglais John Walker. En 1827, il invente un mĂ©lange chimique Ă base de sulfure d'antimoine et de chlorate de potassium, qui s'enflamme au contact d'une surface rugueuse, telle que du papier de verre. Cette dĂ©couverte ouvre la voie aux boĂźtes d'allumettes munies de frottoirs, qui commencent Ă ĂȘtre commercialisĂ©es dans les annĂ©es 1830. Toutefois, ces premiĂšres versions Ă©taient marquĂ©es par une odeur dĂ©sagrĂ©able et un risque Ă©levĂ© d'explosion.
En 1831, le Français Charles Sauria tente d'améliorer la formule en ajoutant du phosphore blanc pour atténuer l'odeur, revendiquant ainsi la paternité des allumettes. Cependant, l'exposition au phosphore blanc s'avÚre nocive, notamment pour les ouvriers chargés de leur fabrication. Malgré ces avancées, le risque d'incendie spontané ou d'explosion demeure une réalité tangible, comme en témoigne la fragilité des paquets d'allumettes pendant le transport.
D'autres variantes d'allumettes voient le jour, telles que l'allumette-bougie enveloppée de cire. Cependant, c'est l'invention de l'"allumette de sécurité" par le Suédois Johan Edvard Lundstrom qui marque un tournant majeur. Présentée à l'Exposition universelle de Paris en 1855, cette nouvelle forme d'allumette utilise du phosphore rouge, moins inflammable et toxique que le phosphore blanc, et est activée par un grattoir spécial, réduisant ainsi les risques d'accidents.
DĂšs lors, l'allumette devient un produit commercialisĂ©, sujet Ă la publicitĂ©. Comme les produits du tabac, ses boĂźtes se parent d'images colorĂ©es, parfois rĂ©alisĂ©es par des affichistes renommĂ©s tels qu'Alfred Choubrac. Son utilisation dĂ©passe le cadre pratique pour devenir un objet du quotidien, alimentant mĂȘme l'imagination Ă travers des expĂ©riences de science ludique et la crĂ©ation d'Ćuvres d'art miniatures.
En conclusion, l'histoire de l'allumette témoigne de l'ingéniosité humaine face aux défis techniques et sécuritaires. De ses débuts rudimentaires à sa forme moderne, elle incarne l'évolution des technologies et des normes de sécurité, tout en demeurant un objet aussi banal que fascinant dans notre quotidien.