«Nietzsche a posé la question fondamentale des temps modernes lorsqu'il s'est interrogé sur le Surhomme. Il a reconnu la venue du temps où l'homme s'apprête à étendre sa domination sur toute la Terre, et il se demande s'il est digne d'une telle mission, ou si son essence ne doit pas être elle-même transformée.
A cette question, Nietzsche a répondu :
"L'homme est quelque chose qui doit se dépasser, devenir le Surhomme. »
Nietzsche écrivait, en 1886 : "Nous jouons la carte vérité ... L'humanité en mourra peut-être. Eh bien, soit !".
La science est en train d'étendre sa puissance à la Terre entière. Mais la science ne pense pas. Car sa démarche et ses moyens sont tels qu'elle ne peut pas penser.
Ce n'est qu'en tant qu'elle ne pense pas que la science peut s'établir et progresser dans ses domaines de recherches mais la science ne peut rien sans la pensée. Et comme je l'ai répété dans mon enseignement : la chose la plus importante à notre époque, c'est que nous ne pensons pas encore vraiment.
Peut-être que, depuis des siècles, l'homme a trop agi et pensé trop peu.
Dans un monde qui nous donne toujours davantage à penser, la pensée n'existe toujours pas. Le plus ancien de la pensée est derrière nous et cependant survient.
Nous venons trop tard pour les dieux et trop tôt pour l'Être.
Marcuse reconnaît, par exemple, que la technique moderne n'est pas une simple accumulation de machines, mais un ordre planétaire. Que l'homme y est actuellement livré bien plus qu'il ne le domine en réalité.
Et la question que Marcuse pose est celle du destin de l'homme au sein de cette domination.
La technique est pour lui une forme d'existence mondiale qui fait de toute vie un asservissement au labeur.
J'ai écrit, dans le même sens, que le totalitarisme n'était pas une simple forme de gouvernement, mais bien plus la conséquence de cette domination effrénée de la technique.
L'homme est aujourd'hui livré au vertige de ses fabrications. (...)
En ce qui concerne l'avenir, je mets plus d'espoir dans le socialisme que dans l’américanisme. (...)
La pensée est toujours un peu solitude. Dès qu'on l'engage, elle peut dévier. J'en sais quelque chose. Je l'ai appris en 1933 lors de mon rectorat, dans un moment tragique de l'histoire allemande. Je me suis trompé. (...)
Et vous connaissez la parole de Valéry : "Quand on ne peut pas attaquer une pensée, on attaque le penseur." »
Martin HEIDEGGER, interviewé en 1969 dans L’Express.
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