Des étudiants strasbourgeois qui manifestaient contre cette hausse des frais d'inscription - photo prise par Aghilas AZZOUG |
Alors que le Gouvernement a déjà largement entaché le libre accès à l’Université l’année dernière en mettant en place Parcoursup, il continue à fermer les portes des universités en augmentant les frais d’inscription des étudiant·e·s étranger·e·s, qui passeraient à 2770€ en licence et à 3770€ en master (contre 170€ et 240€ actuellement). Face à ce passage en force du Gouvernement, ne nous laissons pas faire!
Dans les universités, le Gouvernement a réussi un exploit : faire l’unanimité contre son projet « Bienvenue En France ». En effet, depuis l’annonce de l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiant·e·s étranger·e·s en novembre, la communauté universitaire n’a cessé de s’opposer à ce projet qui fermerait dangereusement les portes de notre Enseignement supérieur.
Que ce soient les étudiant·e·s, les enseignant·e·s, les administratif∙ve∙s ou les présidences d’universités, tou·te·s se sont exprimé·e·s contre l’application de cette mesure à la rentrée prochaine. La preuve : dès qu’il a fallu voter sur le projet de texte, celui-ci n’a recueilli que 3 voix pour (celles des directeurs des écoles d’ingénieurs) et 64 voix contre. Cette unité est inédite : dans l’Enseignement supérieur jamais un projet de réforme majeur comme celui-ci n’a autant réuni contre lui. De plus, 24 universités ont annoncé leur refus de mettre en place la mesure, plusieurs dates de mobilisation réunissant à chaque fois plusieurs milliers de personnes partout en France ont eu lieu, une pétition lancée par de nombreuses associations de défense des étudiant·e·s étranger·e·s et l’UNEF a réuni 350 000 signatures et a été remise au Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.
Plus que la communauté universitaire, les prises de position contre cette réforme sont de plus en plus nombreuses : les tribunes s’enchainent entre celles de chercheur·se·s, de célébrités etc… L’abandon de l’augmentation des frais d’inscription est également ressortie du Grand Débat. En effet, lors des conférences nationales qui réunissaient des associations, des syndicats et des représentant·e·s d’élu·e·s, la proposition d’une Université quasi-gratuite pour tou·te·s (français·e·s comme étranger·e·s), comme elle l’est à l’heure actuelle, a été largement retenue. Cependant, le Gouvernement s’entête à vouloir mettre en place cette réforme allant totalement à contre-pied des étudiant·e·s et de tou·te·s ceux∙elles qui composent les universités.
Ainsi, à l’aube de la restitution du Grand Débat, nous dénonçons le déni de démocratie sans précédent dont est victime le monde universitaire puisqu’aucune transformation majeure de l’Enseignement Supérieur ne s’est jamais faite avec autant d’acteur·rice·s opposé·e·s.
Si nous nous opposons à l’augmentation des frais d’inscription prévue dans le projet « Bienvenue En France », c’est parce quenous refusons le projet d’Université que nous présente Emmanuel Macron: une Université où les étudiant·e·s payent pour la « prestation » qu’ils·elles reçoivent, une Université où le porte-monnaie importe plus que la formation de chacun∙e et l’élèvement du niveau de qualification, une Université où notre nationalité justifie un traitement différencié et donc discriminatoire. Les étudiant·e·s étranger·e·s rencontrent déjà de nombreuses difficultés (administratives, financières et pédagogiques) et font parfois partie des plus précaires, cette réforme ne va faire qu’aggraver leur situation au lieu de l’améliorer. Nous refusons cette sélection sociale et discriminatoire que l’on veut nous imposer.
Nous nous refusons à l’argument qui consiste à dire que le seul moyen d’améliorer l’accueil des étudiant·e·s étranger·e·s serat d’augmenter leur frais d’inscription. Dire aux étudiant·e·s étranger·e·s de payer pour améliorer leur propre accueil, c’est faire reposer le financement de nos universités sur l’individu et non la collectivité, c’est ouvrir la porte à un fonctionnement à l’anglo-saxonne et a un financement des étudiant·e·s pour leur propre prestation. Le financement public de l’Enseignement supérieur fait aujourd’hui notre force car il garantit la possibilité à chaque jeune, quel que soit son milieu social d’origine, sa situation familiale, de pouvoir faire des études.
Nous condamnons un projet qui fait reposer sur les universités le poids de l’exonération des étudiant·e·s étranger·e·s. Par le biais des exonérations, la concurrence entre les universités est exacerbée car elles n’ont pas toutes les mêmes moyens et donc les mêmes possibilités d’exonération. Ces exonérations ne permettent pas non plus l’égalité des droits des étudiant·e·s étranger·e·s partout sur le territoire puisqu’en fonction des moyens et de la volonté de leur université, certain·e·s paieront et d’autres non. C’est à l’Etat de garantir l’égal accès à l’Enseignement supérieur en maintenant les frais à leur hauteur actuelle pour tout le monde !
Enfin, nous dénonçons également l’hypocrisie de ce projet ayant pour objectif affiché d’améliorer l’«attractivité » de la France alors que, dans la majorité des pays dont sont originaires les étudiant·e·s étranger·e·s, le salaire médian sur l’année est inférieur aux frais d’inscription que veut instaurer le Gouvernement. Cette hausse va bien entendu entrainer une baisse du nombre d’étudiant·e·s étranger·e·s candidatant pour venir en France - mettant en danger la survie même de certaines formations. C’est d’ailleurs déjà le cas puisqu’en début de procédure, l’Université Paris-VIII Vincennes-Saint-Denis enregistrait déjà une baisse de 87% des candidatures.
Face à la mobilisation, le Gouvernement a décidé de ne pas appliquer la mesure aux doctorant·e·s ainsi qu’aux étudiant·evs étranger·e·s déjà en France. Ces reculs démontrent l’incohérence du plan « Bienvenue En France ». Cette augmentation soudaine aurait largement menacé la Recherche française qui repose sur de nombreux∙ses doctorant·e·s étranger·e·s. Quant aux étudiant∙e∙s déjà sur le territoire français, ils∙elles auraient été pour beaucoup contraint∙e∙s d’arrêter leurs études en France.
La réalité est là : l’augmentation des frais d’inscription n’améliorera pas notre « attractivité » mais aura tout simplement pour effet de réserver nos universités à une élite financière le plus souvent originaire des pays riches ! Le Gouvernement refuse de reconnaître son incohérence et décide de passer en force !
Quelques jours avant la restitution du Grand Débat, nous enjoignons le Gouvernement à respecter ses engagements et ainsi écouter les revendications de la population et du monde universitaire en abandonnant son projet d’augmentation des frais d’inscription !
Pour refuser la fermeture des portes de nos universités aux étudiant∙e∙s étranger∙e∙s, l’UNEF appelle, aux côtés de 21 autres organisations, les étudiant∙e∙s à descendre massivement dans la rue le 4 avril à travers toute la France.
Mélanie Luce, Présidente de l'UNEF (Union Nationale des Etudiants de France)
UNEF Le Syndicat étudiant